Poches pour l'été - Romans étrangers

austerPaul Auster, Sunset Park

Après la mort de son demi-frère, dont il se sent coupable, Miles Heller a quitté son père, éditeur new-yorkais remarié à une femme de lettres, ne lui donnant plus de nouvelles. Pas plus qu’à sa mère, comédienne installée sur la côté ouest. Il a un peu bourlingué avant d’arriver en Floride où il photographie les objets abandonnés dans des maisons que ses habitants ont fuies ou d’où ils ont été chassés pour défaut de paiement. Sans rien y voler, contrairement à ses collègues. Dans le même temps, cet homme qui s’est débarrassé de ce qui ne lui était pas utile – ordinateur, téléviseur, mais aussi alcool et cigarette -, est tombé amoureux d’une lycéenne cubaine, Pilar, rencontrée dans un parc où ils lisaient tous deux Gatsby le magnifique. Il l’héberge dans son appartement avec la menace d’être envoyé en prison pour détournement de mineure. Justement, soumis à un chantage, il est contraint de quitter la Floride dans l’attente des dix-huit ans de sa belle. A New York, il s’installe à Sunset Park dans une maison que squatte avec deux autres femmes fragiles l’un de ses plus vieux amis, Bing. (Babel)

 

simonsonHelen Simonson, La dernière conquête du major Pettigrew

Le major Pettigrew, qui passe une agréable retraite dans son charmant home de la campagne anglaise, à Edgecombe Saint-Mary, souffre de menues contrariétés familiales: son frère vient de mourir sans lui léguer le fusil reçu par leur père et son fils obsédé par son statut social vient lui rendre visite. Il pourrait se consoler avec l’amour naissant qu’il éprouve pour une commerçante du village, veuve, fervente lectrice de Kipling mais… Pakistanaise. Et là, ça coince pour la petite communauté qui voit d’un œil torve cet amour qui s’affranchit allègrement des conventions sociales. On lit avec un plaisir sucré cette histoire qui ne manque ni d’humour, ni de rebondissements et s’amuse à prendre à rebrousse-poil certaines convenances. (10/18)

 

cercasJavier Cercas, Anatomie d’un instant

Le 23 février 1981, au lendemain de la démission d’Adolfo Suarez, au moment où les députés sont réunis pour voter l’investiture du nouveau gouvernement de Calvo Sotelo, des militaires dirigés par Antonio Tejero tentent de prendre le pouvoir. Mais le roi Juan Carlos, monté sur le trône en 1975, ne les soutient pas et le coup d’Etat est avorté. Ce moment-clé dans l’histoire récente de la démocratie espagnole, Javier Cercas, qui a 19 ans à l’époque des faits, entreprend de le raconter en 2006 au terme de longues recherches. Il mettra deux ans pour y parvenir. Dépassant largement la cadre strict de son propos, il fait le portrait de son pays un peu plus de cinq ans après la mort de Franco, sans hésiter à s’impliquer lui-même, exposant sa pensée, proposant des analyses, etc. (Bebel)

 

carvalhoBernardo Carvalho, Neuf nuits

L’enfant sur la couverture, qui tient par la main un Indien amazonien Kraho, c’est l’auteur lui-même. Il était dès lors logique que, devenu romancier, le Brésilien Bernardo Carvalho parte sur les traces d’un anthropologue américain qui s’est suicidé en août 1939 en Amazonie. Ce livre splendide est l’histoire de cette quête aidée par le témoignage écrit d’une personne qui a connu le jeune homme. Doté d’un style d’une remarquable précision et rigueur, cette histoire s’interroge sur l’homme et sa destinée, mais aussi sur le rapport à l’autre, comme dans Mongolia, le précédent et tout aussi puissant roman de l’écrivain. (Métailié/Suites)

 

kochHerman Koch, Le dîner

Premier livre d’un écrivain néerlandais traduit en français, succès international, Le dîner est un huis-clos démoniaque. Deux couples mangent dans un restaurant branché d’Amsterdam. Pas n’importe qui: ce sont deux frères et leurs épouses. L’un est un politicien en vue, l’autre, le narrateur, ne jouit pas d’une reconnaissance sociale identique. Ils ne se retrouvent pas plaisir. Mais alors pourquoi? Parce que leurs fils ont fait une bêtise. Une très grosse bêtise. Mais on évite d’en parler trop vite. On sait se tenir. On connaît les bonnes manières. Faudrait pas pourrir d’emblée l’ambiance. Auparavant, il est question de tout et de rien, cinéma, vacances et tout le reste. Et puis quand même, les choses doivent êtres dites. Commencé comme une aimable satire bourgeoise, ce face-à-face prend des couleurs glaçantes. Où il est d’abord question de morale. Ou d’amoralité. (10/18)

Voir aussi l'avis de Lutgarde Nachtergaele

 

wassmo

Herbjorg Wassmo, Cent ans

C’est à une lecture au long cours que nous convie l’auteure norvégienne du Livre de Dina avec cette saga familiale qui, comme l’indique son titre, couvre un siècle. Un siècle entre la naissance en 1842 de Sara Suzanne, dont le portrait a été dessiné sur un retable se trouvant dans une cathédrale, et son arrière-petite fille, Herbjorg elle-même – pour autant qu’elle se soit vraiment, la romancière se plaisant à brouiller les pistes en mêlant autobiographie et fiction. Un siècle familial raconté à travers quatre générations de femmes, des mariages pas toujours heureux, des enfants à foison, des amours et des deuils, et une vie quotidienne extrêmement dure pendant que les maris, dans cette Norvège septentrionale repliée sur elle-même et formée d’îles, embarquent pour des longs mois. Une littérature à la fois épique et intimiste qui emporte le lecteur sur des contrées qui ne lui sont pas du tout familières. (10/18)

 


Michel Paquot
Juin 2013

crayongris2Michel Paquot est journaliste indépendant et chroniqueur littéraire