Poches pour l'été - Romans et poésie

cosseLaurence Cossé, Les amandes amères

Ne trouvant pas de trouvant pas de place dans une école d’alphabétisation pour la Marocaine qui vient chaque semaine faire quelques heures de repassage chez elle, une mère de famille décide de lui apprendre elle-même à lire et à écrire. Elle se renseigne sur Internet et auprès de spécialistes pour savoir comment procéder. Au fil des leçons qui rythment les saisons, Edith découvre la vie de Fadila. Enfant unique mariée une première fois à peine adolescente, elle s’est enfuie après avoir mis au monde un premier enfant. A15 ans, une deuxième fois enceinte, elle est vendue par son père à un homme riche recherchant une seconde épouse. Echappant à une tentative d’empoisonnement de sa «concurrente», elle aura encore deux autres enfants avec un homme marié. Le roman, construit dans une totale liberté, s’écoule au grès de moments tantôt harmonieux, tantôt plus difficiles. Et la professeure se sent d’autant plus démunie que son élève ne progresse guère. Un grand moment de générosité et d’intelligence dont on sort profondément touché. (Folio)

 

mertensPierre Mertens, Terre d’asile

La toile de fond de ce roman paru en 1978 est le coup d’Etat chilien qui a vu la prise de pouvoir de Pinochet et la mort d’Allende – l’auteur connaît le pays pour y avoir été envoyé comme observateur judiciaire pour la Ligue des Droits de l’Homme. Son héros, Jaime Morales, arrive en Belgique, lourd d’une répression et de tortures dont il ne parvient pas à témoigner. Que répondre quand on l’interroge sur «la nature des menaces qui pèsent» sur lui? Quand on lui demande «pourquoi la Belgique?»? C’est le trajet de cet homme, solitaire, parfois à la limite de l’absurde, qu’il nous est donné de suivre ici, Pierre Mertens en profitant pour faire le portrait – parfois kafkaïen – de son pays. (Espace Nord)

 

delavilledemirmontJean de La Ville de Mirmont, Les dimanches de Jean Dézert

«Sévère avec lui-même, Jean n’éprouvait qu’indulgence envers ses amis», écrit François Mauriac dans sa préface à l’œuvre complète – un petit volume de 200 pages – de celui qui a vu le jour à Bordeaux un an après lui. Les deux hommes se sont retrouvés à Paris au début des années 1910, entamant chacun une œuvre d’écrivain. Avant que le cadet, appelé en août 1914 au 57e régiment d’infanterie, soit mortellement touché par un obus sur le Chemin des Dames. Jean de La Ville de Mirmont a laissé très peu de textes: des poèmes (partiellement réunis dans le posthume L’horizon chimérique), des contes et, surtout, un très bref roman, Les dimanches de Jean Dézert, publié quelques mois avant son départ pour le front. On y voit vivre un homme solitaire qui, note l’auteur, «considère la vie comme une salle d’attente pour voyageurs de troisième classe». Ce personnage évoquant ceux créés quelques années plus tard par Emmanuel Bove, marche dans Paris où il n’a qu’un seul «ami», un certain Léon Duborjal qu’il croise dans le restaurant où, depuis trois ans, ils mangent de concert. On le suit au gré de ses flâneries et rencontres dans une ville presque fantomatique où il ne semble vivre qu’à moitié. Jusqu’à sa rencontre avec Elvire. (La Petite Vermillon)

 

a-paraitreFrançois Garde, Ce qu’il advint du sauvage blanc

Paru l’an dernier, le premier roman de François Garde, ancien administrateur des terres australes et antarctiques françaises, inspiré paraît-il d’une histoire vraie, a reçu plusieurs prix dont le Goncourt du Premier roman. Au milieu du XIX siècle, un jeune matelot «oublié» par sa goélette dans une baie située à la pointe nord-est de l’Australie, vit dix-huit ans au milieu d’une petite tribu d’indigènes. Son histoire est racontée en alternance avec les lettres adressées en 1861 par le Vicomte de Vallombrun au président de la Société de Géographie pour laquelle il effectue des voyages autour du globe. C’est à Sidney que le chemin de cet homme de sciences croise celui du «sauvage blanc» retrouvé peu auparavant par un navire. Cet homme dont le corps est couvert de tatouages a tout oubliée et a perdu l’usage du français. Son protecteur se charge alors de lui apprendre à parler mais, de retour en France, il doit faire face aux moqueries de ses confrères de la Société géographique. Ses lettres sont passionnantes en ce qu’elles montrent un homme de ce temps, épris d’humanisme, qui tente de comprendre «comment un sauvage est devenu blanc». Vu que la Science classique à laquelle il croyait ne lui fournit «aucun outil pour comprendre cette histoire», il se tourne vers les sciences nouvelles, ces savoirs «promis à un grand avenir» que sont la sociologie, l’ethnologie, la psychologie et l’anthropologie. A cette science globale «de l’homme et de tous les hommes» qu’il appelle de ses vœux, il donne un nom: l’Adamologie. C’est dans ce glissement prémonitoire que ce roman, commencé comme une variation de Robinson Crusoé, prend alors toute sa signification. (Folio - Parution prévue le 29/08/13)

davrichewyKéthévane Davrichewy, Les séparées

Amies d’enfance, Alice et Cécile auraient dû le rester leur vie entière. Que de moments forts n’ont-elles pas partagé, depuis le soir de l’élection de Mitterrand en 1981! Et pourtant, mariées et mères de famille, elles ont fini par s’éloigner l’une de l’autre, sans trop comprendre pourquoi. Trente ans plus tard, alors qu’Alice traîne à une terrasse de café en retissant le fil de ses souvenirs, Cécile est dans le coma. Et de sa brume ouatée, c’est son ancienne amie qu’elle appelle. Alternativement, nous remontons derrière elles ce temps vécu cœur à cœur. L’adolescence où elles entonnent les mêmes airs populaires, dansent sur les mêmes chansons à la mode. L’année où Alice étudie à New York, d’où elle ramènera son mari, tandis que Cécile est aux Beaux-Arts à Paris. Une amitié pourtant fragilisée par Philippe, demi-frère de Cécile, amoureux caché d’Alice, qui paiera le prix fort ses excès de vie. L’auteure française d’origine arménienne parvient à mettre les mots justes sur des émotions, des ressentis qui deviennent ainsi les nôtres. Et c’est le regard lavé de tout que l’on a pu lire ou connaître jusqu’ici que nous parcourons ce chemin d’où l’on émetge chaviré. (10/18)

 

poésieJe voudrais tant que tu te souviennes

Excellente idée que ce recueil qui regroupe, de Rutebeuf à Boris Vian, des dizaines de poèmes devenus des chansons. On y croise Charles Baudelaire, abondamment mis en musique par Léo Ferré, mais aussi par le Wallon Julos Beaucarne, Aragon, devenu le parolier préféré de Jean Ferrat (ne figure ici qu’une sélection de poèmes), Verlaine, Apollinaire, Prévert et bien d’autres. Notamment ceux chantés par Brassens: Jean Richepin (Chanson des cloches de baptêmes devenu Les Philistins), Paul Fort (Complainte du cheval blanc), Francis Jammes (Rosaire devenu La Prière), Antoine Pol (Les Passantes). Ou encore des transpositions moins connues de poèmes de Norge (Trop tard), Michaux (Emportez-moi), Tardieu (Belle fête), Seghers (Merde à Vauban), ou Hardellet (Le Tremblay). (Poésie/Gallimard)

 


Michel Paquot
Juin 2013

crayongris2Michel Paquot est journaliste indépendant et chroniqueur littéraire

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