Poches pour l'été - Romans et poésie

 mordillatGérard Mordillat, Rue des Rigoles

mordillat-vivants«J’ai eu une enfance montagnarde à Paris, rue des Pyrénées, au numéro 222.» C’est cette enfance entourée de copains qu’avec simplicité et humour retrace l’écrivain-cinéaste. L’auteur de Les Vivants et les morts fait revivre un quartier du 20e arrondissement coupé du reste de la ville mais aussi une époque, les années 50. Sa jeunesse fut plutôt joyeuse dans une famille chaleureuse et un quartier aux allures de village, entrelacs de rues perméables à tous les bruits du monde, et principalement à ceux provoqués par la Guerre d’Algérie et le retour de De Gaulle au pouvoir. Il raconte son amour pour le cinéma populaire, les films de Gabin, Gérard Philippe, Laurel et Hardy ou John Wayne, et rend hommage à ses parents qui ont fait de lui un homme engagé et lucide. À l’instar d’un roman d’apprentissage, Rue des Rigoles, nom d’une longue et étroite artère parallèle à celle où habite la famille Mordillat, retrace le long chemin, souvent stimulant, parfois difficile, qui mène de l’enfance à la vie d’homme. (Le Livre de Poche)

 

letellierHervé Le Tellier, Éléctrico W

Membre de l’OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle), Hervé Le Tellier aime les contraintes littéraires. Ce roman compte, selon son narrateur, 52 122 mots, soit un nombre premier. L’Éléctrico du titre est le nom donné au tram à Lisbonne et le W est le symbole de l’énergie et, selon son auteur lui-même, représente visuellement des rails qui divergent. Mais il fait aussi référence au livre autobiographique de Georges Perec, W ou le souvenir d’enfance. Vincent, le héros journaliste, tente d’oublier à Lisbonne la femme qu’il aime mais se refuse à lui. Pour le reportage qu’il doit faire sur le procès d’un tueur en série, il est accompagné d’un photographe, Antonio, bientôt rejoint par son amie parisienne… qui n’est autre que celle que Vincent fuit. Celui-ci s’invente alors une conquête portugaise tout en partant à la recherche de l’amie de jeunesse de son compagnon. Viennent encore s’ajouter la délurée Aurora, qui s’éprend du bel Antonio, et Manuela, que Vincent fait passer pour sa nouvelle amoureuse. Le résultat est un roman aussi divertissant que complexe mitonné à la perfection. (Le Livre de Poche)

 

angotChristine Angot, Une semaine de vacances

angot-marcheLe roman qui a fait scandale lors de la rentrée littéraire 2012. Son titre est à double sens. Les vacances, ce sont celles de la Toussaint 1975. Mais la vacance c’est, d’une certaine manière, l’état dans lequel se trouve la très jeune fille soumise à la domination absolue d’un homme, que l’on découvre assez rapidement être son père. Cette domination sexuelle à laquelle l’adolescente se plie tout en voulant y échapper, qu’elle accepte sans en éprouver le moindre plaisir, sans jamais être demandeuse, mais dont elle ne peut se libérer (elle pleure de désespoir lorsqu’elle est rejetée), l’homme la recouvre de paroles hypocrites. Si l’inceste habite la vie et l’œuvre de Christine Angot, l’une servant de matière à l’auteur du Marché des amants ne l’a exposé avec une telle crudité. L’écriture est implacable par sa froideur clinique, strictement descriptive (des actes mais aussi des lieux et des objets), dépourvue de toute émotion. (J’ai lu)

 

teuléJean Teulé, Le magasins des suicides

Jean Teulé parle du suicide par le biais de l’humour, et plus précisément du non-sens. Dans un futur incertain, les époux Lucrèce et Mishima Tuvache tiennent une boutique qui a pignon sur rue et fait de bonnes affaires en offrant à tous les désespérés du coin la possibilité de mettre promptement et proprement fin à leurs jours par la vente de cordes de chanvre, poisons et autres armes contendantes. Tout en affichant un souci d’éthique puisqu’une seule balle de fusil est autorisée par personne – celui qui en voudrait davantage serait suspecté d’en faire un autre usage – et seul un bonbon sur deux est empoisonné afin de laisser à l’enfant la chance de s’en tirer. Or surgit un problème de taille au sein de cette charmante famille: après un garçon, Vincent, échalas affublé d’une bande Velpeau sur le crâne, et une fille, Marilyn, qui se croit moche, vient accidentellement au monde un enfant qui est tout sourire et respire la joie de vivre. Et qui va progressivement contaminer toute la famille. (Pocket)

 

enardMathias Énard, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants

Les biographies de Michel-Ange n’évoquent pas son bref séjour à Constantinople en 1506. Son esquisse du «Projet d’un pont pour la Corne d’Or» a pourtant été récemment retrouvée. Mathias Énard en a tiré ce magnifique roman. L’épisode n’a duré qu’un peu plus d’un mois, entre mai et juin. Furieux de n’être pas payé par le pape Jules II pour son travail, la construction du tombeau papal à Rome, Michelangelo, âgé de 31 ans, s’en retourne à Florence, espérant néanmoins être réclamé par son commanditaire. Il reçoit alors une étrange invitation: le sultan turc Bayazid II le convie à Constantinople pour dessiner les plans d’un pont sur la Corne d’Or dans l’estuaire du Bosphore. Passant après son glorieux aîné, Léonard de Vinci, dont les travaux ont été refusés, il accepte après six jours de réflexion. Au début, il ne fait rien, attend, «dessine des chevaux, des hommes et des astragales». Puis, dans l’atelier qui lui est attribué, il se met au travail. Sans jamais oublier le pape, comme en témoignent les lettres qu’il adresse à ses proches. (Babel)

 

gaudegaude-negusLaurent Gaudé, Ouragan et Les Oliviers du Négus

Joséphine, «négresse depuis presque cent ans», refuse de quitter sa maison à l’approche de l’ouragan et, dans sa logorrhée verbale, raconte la difficulté d’être noire dans la capitale de la Louisiane. Le révérend se prend pour le bras armé de Dieu sur terre, convaincu que la tempête est le fruit de la volonté divine. Buckeley profite d’une panne de courant pour fuir la prison en compagnie de quelques codétenus qui ont du mal à gérer leur liberté retrouvée. À chacun d’eux, l’auteur donne la parole tandis que c’est à la troisième personne qu’il fait vivre Rose, calfeutrée dans sa maison en tentant comme elle peut de protéger son fils, et Keanu qui, venu du Texas, remonte à contre-courant l’exode de voitures afin de la rejoindre. La catastrophe elle-même devient secondaire, presque anecdotique dans cet espace clos où chacun lutte, à sa manière, pour sa survie – ou pour celle de l’être aimé. Dépourvu du moindre pathos, et pourtant profondément sensible, ce roman nous invite à réfléchir sur la destinée humaine, comme toujours chez cet écrivain.

Les Oliviers du Négus est un recueil de quatre nouvelles dont les héros, confrontés à la mort, nous entraînent dans leurs tourments intérieurs. Le premier enterre un ami qui ne cessait de lui parler avec chaleur de Frédéric II. Le deuxième est un centurion romain qui, s’interrogeant sur l’identité de l’homme qu’il a tué, se  retrouve seul sur des terres inconnues. La troisième, un poilu venu annoncer la mort d’un camarade de tranchée, s’entend raconter une étrange histoire de golem de boue. Et le dernier est un juge anti-mafia de Palerme qui sait sa mort inéluctable. (Babel)

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