La 2e Guerre mondiale en Belgique

Témoignages des Ardennes

Établies à Neufchâteau, dans la province de Luxembourg, les éditions Weyrich ont une collection de livres consacrés à la Seconde Guerre mondiale. Dans 1940-1945 « Ils m’ont volé mes plus belles années », préfacé par Francis Balace, professeur ordinaire honoraire à l’ULg, le journaliste Philippe Carrozza a réuni plus de quarante témoignages de résistants, prisonniers de guerre ou anciens chasseurs ardennais, qui, d’Arlon à Bouillon, en passant par des dizaines de cités luxembourgeoises, racontent la manière dont ils ont vécu ces années-là. C’est à la fois passionnant d’un point de vue historique et profondément humain, ces hommes et femmes souvent nonagénaires racontant avec simplicité et humilité des événements vieux de plus de soixante ans dont ils se souviennent avec précision. Ils racontent qui ils étaient dans les années 1930 – certains n’avaient que 12 ou 14 ans en 1940 –, dans quel état d’esprit ils ont vécu l’entrée en guerre de la Belgique et comment ils ont traversé le conflit. Certains d’entre eux ont eu des responsabilités, comme Edmond Leroy, né en 1922, alias Monsieur François, qui a dirigé près de cinq cents agents. Il était membre du MNB (Mouvement national belge), tout comme Fernand Wauthier qui fut résistant puis, après le débarquement, « voulant en découdre », a rejoint le 12e bataillon de fusiliers de Charleroi. Une autre témoin, Irène Frères, 93 ans, a connu les camps nazis d’où son père et son frère ne sont pas revenus. « Ce que j’ai vécu est inimaginable, raconte-t-elle, et il n’y a pas de mots assez forts pour décrire ce qui ressemble à l’enfer. Je n’ai aucune vengeance parce que je suis chrétienne, mais je prie ; j’y pense tous les jours, et je pleure. »

annéesenfer

1940-1945 «Ils m’ont volé mes plus belles années», par Philippe Carrozza, Weyrich, 480 pages, 29 €
Un mois en enfer, collectif, Weyrich, 324 pages, 25 €

D’autre part, l’éditeur réédite Un mois en enfer, récits des derniers témoins de la Bataille des Ardennes en province de Luxembourg. Construit chronologiquement du 16 décembre 1944 au 18 janvier 1945, cet ouvrage illustré alterne leurs souvenirs avec le Journal d’Élisabeth M., infirmière volontaire. Ces hommes et femmes, dont plusieurs étaient encore de très jeunes enfants à l’époque, racontent le passage des convois et des avions, les bombardements (à Houffalize, par exemple, ils ont provoqué la mort de plus de 10% de la population) et les incendies (à Villers-la-Bonne-Eau, celle de la maison d’une famille dont la fillette de 5 ans, traumatisée, meurt d’une maladie indéterminée). Certaines demeures sont aussi occupées par des Allemands – l’un deux surgissant dans la chambre à coucher d’un témoin avec sa baïonnette… pour couper un morceau de jambon. Et pendant ce temps, dans Bastogne bombardée, sous la neige et dans le froid (jusqu’à moins 20°c), Élisabeth raconte son quotidien auprès des blessés, portée par le sentiment de se sentir « utile ».

Les Belges dans les guerres

belgesBelges en guerre, publié à l’occasion d’une exposition qui s’est tenue à l’Abbaye Saint-Pierre de Gand, aborde les multiples conflits mondiaux dans lesquels ont été impliqués nos concitoyens depuis la fin du 19e siècle à partir de photographies venant témoigner, comme l’écrivent les auteurs, « de l’implication de la Belgique dans l’histoire d’un 20e siècle sanglant ». La Première Guerre mondiale est évoquée par la photo, à Sainte-Adresse, de Gaston Blaise chargé de réorganiser les Établissements d’artillerie ou par celle du corps expéditionnaire belge des auto-canons-mitrailleuses qui, en juillet 1917, combat les troupes austro-allemandes sur le front russe de Galicie orientale. Sur un autre cliché, on aperçoit les corps des sept victimes du bombardement perpétré le 1er juillet 1923 par des activistes d’extrême-droites à Hochfeld, dans le Ruhr où stationne l’armée belge. À Barcelone, le 1er mai 1937, onze jeunes femmes venues d’Anvers et de Bruxelles posent devant un grand hôtel. De nombreuses photos concernent la Deuxième Guerre mondiale. Celle prise par le photographe de presse Xavier Rensing, qui montre des hommes et des femmes embarquant à bord d’un camion découvert, est l’une des rares témoignant de la déportation de Juifs d’Anvers. Voici le cadavre du journaliste Paul Colin, rédacteur en chef du Nouveau Journal et héraut de la collaboration intellectuelle francophone abattu par un partisan le 14 avril 1943. Maria Liekens, agent de liaison pour la Résistance à Heist-op-den-Berg, marche dans une rue d’Anvers et, dans un champ, gisent les corps de cinq jeunes résistants hennuyers fusillés en septembre 1944 par des membres de l’armée allemande en retraite. Figure encore d’autres photos terribles. Celle prise par un aumônier militaire à Stanleyville en novembre 1964 montrant des civils en fuite abattus sur une route (on voit des valises et une poussette). Ou à Kigali le 11 avril 1994, peu après le déclanchement du génocide rwandais, celle de l’évacuation de personnes réfugiées à l’hôtel des Mille Collines prise par un photographe flamand qui raconte ces six jours d’angoisse.

Belges en guerre, par Bruno De Wever, Martine Van Asch et Rudi Van Doorslaer, La Renaissance du Livre, 160 pages,

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