On parle beaucoup ces dernières années du casual gaming, dont la production et les recettes ne cessent d'augmenter. Focus sur un produit en pleine expansion à destination de joueurs qui s'ignorent.
Qu'est-ce que le casual gaming (ou casu) ?
Le terme anglais casual désignent bien des réalités1. C'est souvent le terme « occasionnel » que l'on retient lorsqu'on parle de casual gaming. Pourtant ce n'est pas suffisant. Jouer de manière occasionnelle n'est pas en soi une marque suffisamment distinctive pour caractériser ce mode de consommation particulier du jeu vidéo. Il faut donc ajouter deux autres sens parmi ceux que peut avoir le terme casual pour véritablement toucher le cœur de cette pratique. On y trouve ainsi une idée de détente d’une part et de naturel d’autre part. Le casual gaming implique la notion de détente par ses enjeux inexistants ou presque. Il est assez rare de subir une pression de groupe comme peuvent la rencontrer certains joueurs de MMORPG2. La tension induite par la possibilité de défaite, voire de mort du personnage, se voit diminuée, notamment du fait que dans de nombreux cas, cette possibilité est tout bonnement supprimée. En ce qui concerne l'aspect naturel, il se traduit par le gameplay. Ce dernier se veut simple, intuitif et rapide à prendre en main. Enfin, un autre élément tend de plus en plus à caractériser le casual gaming : le côté communautaire.
Les débuts du casual gaming
Contrairement à ce que l'on peut souvent lire au sujet du casual gaming, il n'est pas né en 2006 avec la sortie de la console Wii de Nintendo. Si l’on accepte les éléments de définition proposés plus haut, on constate que des exemples de production vidéoludiques y correspondant parsèment l'histoire du jeu vidéo depuis de nombreuses années.
Prenons l'exemple de Space Invader (Taito, 1978). Il peut sembler étonnant de le ranger dans la catégorie des jeux casual. Pourtant, son gameplay figure parmi les plus simples : il se résume à un déplacement horizontal et à un bouton de tir. Dans les années 1970, on ne jouait pas chez soi, à n'importe quel moment. Il fallait fréquenter les salles d'arcade, payer chaque partie et partager les machines avec les autres clients. On peut donc associer cela à une pratique occasionnelle. Enfin, le seul objectif est d'inscrire un score élevé au tableau des High-scores car le jeu n'avait pas de fin à proprement parler, il relançait sans cesse le cycle en augmentant progressivement la difficulté. Privés de cette récompense de victoire, seuls les joueurs les plus aguerris voire acharnés subissaient la pression du compteur de points. Les autres n'attendant rien de plus de Space Invader que de passer un agréable moment.
Mario Party premier du nom (Hudson Soft, 1998) est représentatif des jeux casual à jouer en groupe. L'action se déroule dans l'univers du plus célèbre des plombiers. Le principe est assez similaire à un jeu de société classique. Les participants lancent un dé virtuel, se déplacent sur le plateau, gagnent ou perdent des pièces, le tout entrecoupés de mini-jeux rapides et faciles dans un esprit décalé. Bien qu'il soit jouable seul, il n'a d'intérêt réel qu'entre amis.
De manière beaucoup plus générale, on pourrait presque pousser l'association du casual gaming avec le mode « facile » que proposent beaucoup de jeux. Celui-ci permet aux joueurs moins habiles ou moins coutumiers de la pratique du jeu vidéo de profiter d'un titre. Grâce à ce mode de jeu, ils bénéficient de vies supplémentaires et d'indices ou rencontrent des opposants moins résistants.
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Un climat technologique favorable à son développement
On l'a vu, les fondements du casual gaming remontent presque à la naissance du médium. Mais il est indéniable que le contexte technologique de ces dernières années a fortement encouragé le développement de cette pratique. Quatre grands repères jalonnent cette évolution durant les 15 dernières années.
- L'augmentation du nombre
de connexions à internet dans à la maison ou au bureau depuis la fin des années
1990 a vu naître une série de petits jeux gratuits. On trouve encore maintenant
des sites comme www.jeux.com qui proposent
du contenu similaire. Souvent courts, ils sont idéaux pour jouer le vendredi
après-midi depuis son bureau pour finir la semaine en douceur. Ces jeux se jouent
directement depuis le navigateur. L'absence d'installation est un plus car la
possibilité d’installer des programmes eux-mêmes est rarement laissée aux
utilisateurs d’ordinateurs d'entreprises.
- Internet a engendré un
type de socialisation spécifique au jeu vidéo avec des FPS3 comme Counter-Strike
(Valve, 2000), des MMORPG comme Ultima Online (Origin System Electronic
Arts, 1997) ou des STR4 comme Starcraft
(Blizzard Entertainment, 1998). Mais en ce qui concerne la paternité du casual
gaming social en ligne, c'est plutôt vers les réseaux sociaux et plus
particulièrement Facebook qu'il faut se tourner. Citons le célèbre Farmville
(Zynga, 2009) qui offre aux utilisateurs la possibilité de gérer une ferme
virtuelle et de s'entraider en s'offrant des cadeaux, récompensant ainsi les
interactions et l'étendue de notre réseau qui participe au jeu.
- Les consoles de salon
avaient déjà invité de temps à autre dans nos salons une pratique casual
du jeu vidéo. Mais celle-ci s'y est définitivement installée avec la Wii. Cette nouvelle
console ne cible pas vraiment le Hard core gamer. La dextérité n'est
plus un facteur déterminant car le pad classique est remplacé par la wiimote,
qui répond aux mouvements du joueur. Parmi les jeux les plus vendus sur cette
plate-forme, on retrouve chaque année des titres comme Wii Fit, Wii Party,
Wii Just Dance, Karaoke Joysound Wii, etc. Satoru Iwata, président de
Nintendo, avoue lui-même que l'objectif de la Wii n'est pas de battre ses concurrents (Sony et
Microsoft) mais que davantage de personnes jouent aux jeux vidéo. Quelle que
soit la console, les jeux à destination du public traditionnel du jeu vidéo ont
changé. On constate d'abord une multiplication des points de sauvegarde au sein
du jeu, voire l’automatisation de celle-ci. Il en résulte une diminution des
conséquences de l'échec, la partie reprenant toujours depuis un endroit proche
de celui où notre personnage meurt. Ensuite, on retrouve une plus grande
linéarité dans le jeu. Il devient difficile de se perdre, le joueur n'a plus à
se creuser la tête pour poursuivre l'action car il est quasiment placé sur des
rails. Enfin, beaucoup de jeux ont adopté la pratique du QTE5 dans leur gameplay. Le QTE en soi n'est pas
nouveau, mais ils sont maintenant plus répandus, la séquence de touches est
affichée en grand et souvent accompagné d'un effet Bullet Time6.
- Un dernier événement majeur dans l'évolution du casual gaming se cristallise sans doute dans la propagation ahurissante des smartphones et tablettes. L'exemple de succès le plus représentatif est certainement Angry Birds (Rovio entertainment, 2009). En mai 2012, ce petit puzzle game à l'ambiance décalée atteint le milliard de téléchargements. Du jamais vu dans le monde du jeu vidéo « classique ». Google Play, App Store et autres plateformes de téléchargement d'applications pour mobiles et tablettes regorgent de petits jeux. Gratuits ou payants, bons ou mauvais, il y en a pour tous les goûts.
Une occasion à saisir
Certains joueurs considèrent qu'il est de bon ton de décrier les jeux casual, considérant qu'il ne s'agit pas réellement de jeux vidéo. Ils ont en partie raison, les mécaniques qui régissent des titres comme Singstar (SCE London Studio, 2004) ou Buzz! (Relentless Software, 2005) sont inhabituelles. Mais plutôt que de dénigrer cette pratique, ne serait-il pas plus malin de s'en réjouir ? La pénétration du jeu vidéo parmi une part plus importante de la population est tout à l'avantage du médium. Mieux encore, cette cible nouvelle, une fois accoutumée à l’objet « console de jeux », peut être amenée à découvrir des titres plus conventionnels. Une opportunité est donnée ici aux joueurs avertis de partager leur passion avec leur famille. Proposer « Une partie de Starcraft II, mamy ? » pourrait même devenir quelque chose de courant après un bon repas dominical. Du moins, espérons-le.
Maxime Pirmez
Mars 2013
Maxime Pirmez est étudiant en 2e master de médiation culturelle.
3 Fist Person Shooter (traduction : Jeu de tir à la première personne/en vue subjective).
4 Real-time strategy, ou jeu de stratégie en temps réel.
5 Quick Time Event. Phase de jeu qui requiert d'appuyer sur une ou plusieurs touches précises, formant une séquence de touches.