Retour au livret original

BelleHelene360Les metteurs en scène ont ici décidé de revenir à une version plus originale du texte. S’il ne s’agit pas encore de la version proposée en 1864 à Paris, la présente pièce remet à l’honneur certaines scènes qui avait été abandonnées.

Par exemple, le jeu de l’oie réapparaît. Boudé trop souvent car jugé trop long et n’apportant pas grand chose à l’histoire, il permet ici de dévoiler une facette assez inédite de la personnalité de Calchas, le Grand Augure. Il apparaît ici comme menteur et roublard. Prêt à tout, ou presque, pour empocher la mise à l’issue du jeu. On comprend ainsi mieux ses petits arrangements avec les dieux. Ou sa trahison envers son roi : bien que conscient de ce qui va se passer entre Pâris et Hélène, il envoie Ménélas en Crète et participe à la grande joie populaire accompagnant son départ.

De même, dans certaines versions, l’épreuve intellectuelle se résume à la charade. Dans la version qui nous est proposée, celle-ci est accompagnée de l’énigme / calembour et des bouts rimés originaux. Avec toutefois encore quelques nuances. Si la solution à la charade est bien « locomotive » -  et quel trait d’humour d’ailleurs d’introduire ce terme moderne dans le cadre de la Grèce antique et, en plus, d’en faire souligner l’incongruité par Pâris lui-même, le berger victorieux – la définition du « ive » final diffère. Le texte original propose la définition suivante

Mon dernier est un des prénoms
Que les parrains de la Bretagne
À leurs filleuls donnent souvent

 

Une nouvelle fois drôle par son anachronisme grotesque. Dans la version liégeoise, il s’agit du plus poétique

Mon quatrième est une rive
Où manque l’air absolument

 

Cette forme est également plus moderne ; puisque ce type de charade où figure une élision fait déjà penser aux charades à tiroirs, et parfois à calembours, chères à Victor Hugo, au 19e siècle.

Entre texte original et improvisation personnelle d’acteur, la description, à la scène 7 de l’acte I, de l’apparition de la colombe porteuse du message de Vénus, se permet quelques fantaisies. Dans le texte original, Calchas lance « Et bien, c’est un pierrot …», où pierrot désigne, dans un langage presque argotique, le moineau domestique. À l’ORW, et peut-être en fonction de l’humeur ou l’imagination de Bernard Alane, on assiste plutôt à une énumération très drôle d’improbables objets volants. Cette liste fait irrésistiblement penser à celle du Let’s twist again de Chubby Checker : ‘Is it a bird ? Is it a plane ? Is it the twister ?». Cette allusion serait sans doute aussi un joli clin d’œil aux anachronismes intégrés par Offenbach lui-même.

 

Marc-Henri Bawin
Décembre 2012