Direction musicale : Cyril Englebert. Interview

Englebert Cyril« Quand j'avais 8 ou 9 ans, la Belle Hélène faisait partie des 3 ou 4 CD de la maison. Je l'écoutais en boucle. Il s'agit même du premier opéra que j'ai écouté. C'est tellement gai, joyeux, entrainant que j'ai accroché alors que je n'étais même pas encore musicien. De la à dire que ce fut, même insconsciemment, un déclencheur à ma vocation, il y a un pas que je ne franchirai toutefois pas. » C'est en ces quelques mots que commence notre entrevue avec Gilles Englebert, jeune chef – il est né en 1983 – à qui est livrée la direction musicale.

Pour lui qui, après ses études au Conservatoire, fut assistant musical sur les productions de l’ORW ( il a commencé en 2009 sur La Bohème), il s'agit du premier grand passage derrière la baguette. S'il souligne qu'il s'agit d'une chance énorme, il ne cache pas une certaine appréhension.

“ Car contrairement à ce que pensent certains, l'opéra-bouffe n'est pas quelque chose de léger ou futile. Le terme Opéra comique ne veut pas dire que le propos est drôle mais signale qu’il y a des intermèdes parlés. Quant à l’Opéra Bouffe, il s’agit d’un variante de l’opéra comique qui, en plus, est drôle.” La précision lui tient manifestemment à coeur. Il poursuit “On est la pour s'amuser. Par rapport à des opéras traditionnels, le sujet est plus léger, plus drôle et du récitatif parlé côtoie le chant mais, dans le cas de la Belle Hélène, la musique est tout aussi fine, légère et ciselée, avec une construction complexe et intéressante. Il faut arrêter de caricaturer, s'insurget-il. Le sujet est différent mais en soi, l'oeuvre est au même niveau que d’autres productions. La partition est d'une grande complexité et présente une technicité élevée et pourrait presque se suffire à elle-même. Un peu comme la musique de Fantasia. On l'a collée sur des images et le jeune public y est sensible mais les images, comme ici les textes, ne sont même pas nécessaires. Ainsi, mon fils qui a 2 ans et demi, apprécie la musique de la Belle Hélène.”

 

Et de conclure que “ la triple caractéristique de ce livret est que cette musique est difficile à jouer, est précieuse et délicat et, enfin,  difficile à diriger car beaucoup de liberté est laissée aux chanteurs”.

Dans ce cadre, il savoure les échanges que suscitent les metteurs en scène. Ils ne sont pas musiciens professionnels et donc sont ouverts aux avis. Il apprécie que leur mise en scène ne soit ni vulgaire, ni ne tombe dans le graveleux, comme ca s'est hélas deja vu. Leur volonté était de conserver l’oeuvre élégante et fine. “Evidemment leur parcours de comique marquera l'interprétation et apportera des effets de jeu particuliers bien servis par leur palette de comédiens professionels.

ABC 5590-450Ménélas qui est le personnage qu’il aimerait incarner pour son caractère attachant : “Il n’a d’emprise sur rien du tout, tout semble lui échapper, il n'a aucune prise sur les événements ou sur sa destinée”. Tout à l'inverse de ce rôle, il se pose comme coordinateur de toutes les choses qui doivent se passer en même temps sur le plateau, pour que les visions de l'oeuvre qu'ont les artistes puissent se réaliser en toute confiance. Comme il aime à le rappeler, les personnes que j'ai en face de moi  ne sont pas des machine. Il est donc un point de convergence pour leurs doutes. Il est là, rassurant, dispensant ses « tout va bien se passer ». Chaque choriste, chaque musicien peut compter sur moi, conclut-il.

Son jeune âge le rend peut-être sensible à la politique de prix très ouverte vers le jeune public. Il insiste pour que le public s’intéresse a l’opéra et abandonne son cliché d’activité pour le 3e âge. “L’opéra, comme dans une moindre mesure la musique classique, est une spectacle global et impressionnant : il y des décors, des costumes, des chanteurs, un jeu de scène, près de 40 musiciens dans la fosse. C'est chatoyant. L’opéra peut englober toute une série de générations qui peuvent toutes y prendre du plaisir. Evidemment, certaines subtilités du texte peuvent échapper au jeune public mais les sentiments sont vrais et, même si le lyrisme les estompe peut-être un peu, chacun avec son expérience, son vécu, peut y trouver des echos dans sa propre vie.”

“En debut de carriere et curieux, je trouve qu’ il y a tellement d’oeuvres intéressantes, que l’on peut découvrir tous les jours des partitions nouvelles et, comme ici, des comédiens ou metteurs en scène qui ont leur manière d’appréhender l’oeuvre. Ce grand tube de l’opera-bouffe contient des mélodies qui tombent bien dans l’oreille. On en sort avec airs en tête.” D’ici à ce que l’on entende l’homme à la pomme sur le marché de Noël de la place Saint-Lambert, Tsing la la, tsing la la dans les couloirs du Vingt Aout ou encore Evohé que ces déesses ... lors d’une répet chant du comité de Baptême de Philo et Lettres, il n’y a qu’un pas que Cyril Englebert vous invite à franchir.

Fatalement.

Marc-Henri Bawin
Décembre 2012