La Fin du Monde sera-t-elle d'origine astronomique ?

L'extinction de l'Ordovicien qui a eu lieu il y a environ 440 millions d'années pourrait avoir été causée par un sursaut gamma. Les relevés géologiques attestent en effet d'un refroidissement global du climat à cette époque. Il existe aussi des indices qui suggèrent que de nombreuses extinctions d'espèces ont eu lieu avant que le refroidissement global de la fin de l'Ordovicien se mette en place. Ceci suggère clairement qu'un événement précurseur au refroidissement s'était produit, et l'irradiation UV consécutive au sursaut gamma est un bon candidat. On note aussi que les espèces qui ont été les plus touchées sont celles qui a priori auraient pu être les plus exposées au rayonnement UV, alors que des espèces occupant des habitats protégés (profondeurs océaniques, par exemple) ont davantage été préservées. Des études supplémentaires sont toutefois en cours afin de préciser cet argument, car d'autres causes d'extinction pourraient également conduire à un résultat similaire, du moins jusqu'à un certain point.

binairenaineblancheEnfin, notons qu'un autre type d'explosion stellaire mérite a priori d'être envisagé. Il s'agit de gigantesques explosions se produisant à la surface d'une étoile de type naine blanche4. Lorsque une naine blanche fait partie d'un système binaire, autrement dit un couple d'étoiles en orbite autour de leur centre de masse commun, sa partenaire peut transférer de la matière qui va s'accumuler à la surface de la naine blanche, après avoir tourbilloné autour d'elle en formant ce que l'on appelle un disque d'accrétion (voir illustration ci-contre). Cette accumulation peut durer de nombreuses années, et quand une masse critique de matière est atteinte en surface, une explosion thermonucléaire se produit, libérant également de grandes quantités d'énergie dans le milieu interstellaire. En raison de la similitude de ce phénomène avec celui des supernovæ discutées plus haut, on leur a d'abord attribué le même nom. Mais quand on a réalisé que le phénomène avait une origine différente, on l'a différencié sous le nom de supernova thermonucléaire.

Système binaire pouvant donner lieu à une supernova thermonucléaire (vue d'artiste) © STScI

Quel est le risque qu'une explosion stellaire dévaste notre planète ?

La Voie Lactée, et la zone de danger des sursauts gamma centrée sur le Soleil (vue d'artiste)

MWTout d'abord, il faut savoir qu'une explosion de l'ampleur d'un sursaut gamma ne peut se produire qu'à partir d'une étoile suffisamment massive, et ces étoiles sont aussi les plus rares. Par conséquent, la probabilité qu'une telle étoile se situe à proximité du système solaire est relativement faible. Pour donner une idée, on estime que dans le cas des sursauts gamma, la distance de sécurité est d'environ 8 à 10 mille années-lumière. Cette échelle de distance est illustrée dans la figure ci-contre, dans laquelle un cercle d'un rayon d'environ 8000 années-lumière représente la zone de danger des sursauts-gamma, centrée sur la position du Soleil. Pour fixer les idées, le rayon du disque galactique est d'environ 50000 années-lumière.

Cette grande zone de danger englobe a priori de nombreuses candidates : a priori, des centaines ! Mais encore faut-il que ces étoiles donnent lieu à un sursaut-gamma, ce qui n'est pas le cas de toutes les étoiles massives. On connaît encore trop peu ce phénomène pour déterminer avec précision si une étoile donnera lieu à ce phénomène ou non. De plus, étant donné que le danger réside essentiellement dans le faisceau relativement étroit de ces explosions, un tel événement dans notre voisinage galactique ne garantit pas qu'une catastrophe aura lieu sur Terre.

On pourrait par contre parler de fréquence de sursaut gamma: autrement dit, discuter de l'intervalle de temps qui, en moyenne, sépare deux sursauts gamma, dans un volume donné de la galaxie. Selon les estimations actuelles, et en fonction des hypothèses adoptées, cette fréquence pourrait être de l'ordre d'un événement toutes les quelques centaines de millions d'années au sein de la zone de danger. Non seulement ce chiffre admet que cela se soit produit dans la zone de danger durant la période où les extinctions de masse ont eu lieu, mais cela suggère également que cela puisse à nouveau se produire. Si cela arrivait, nous ne disposerions a priori d'aucun moyen d'action pour nous protéger !

En ce qui concerne les supernovae à effondrement de cœur (donc liées aux étoiles massives), les candidates les plus proches pour une future explosion sont également situées à une distance qui dépasse le rayon de la zone de danger, dont le rayon vaut au plus une centaine d'années-lumière  (dans le cas le plus pessimiste). En effet, les étoiles suffisamment massives les plus proches sont à quelques centaines d'années-lumière de la Terre, donc trop loin pour nous menacer. Pour les supernovae thermonucléaires, en revanche, nous ne sommes a priori par réellement à l'abri. Les astres susceptibles d'être responsables de telles explosions sont de masse nettement plus modeste que pour les supernovae à effondrement de cœur, et de telles étoiles sont plus abondantes. Encore faut-il qu'un tel système binaire comprenant une naine blanche soit présent à une distance suffisamment courte pour nous inquiéter.

Le mot de la Fin     

Notre inventaire des causes possibles de Fin du Monde nous a emmenés de notre voisinage planétaire à notre banlieue Galactique, en démontrant que les risques de cataclysmes d'origine céleste sont certes peu probables, mais suffisamment plausibles pour ne pas être négligés.

Toutefois, quoi qu'il arrive dans les centaines de millions d'années à venir, la Fin du Monde aura bien lieu. Il ne s'agit pas ici d'une prophétie ou d'une annonce accrocheuse reposant sur une superstition quelconque. Il s'agit d'une prédiction formulée sur base d'arguments scientifiques forts, reposant sur le patrimoine de connaissances édifié par des générations de femmes et d'hommes qui étudient l'Univers et ce qu'il contient. Cette prédiction est implacable et irréfutable : « un jour, notre Soleil mourra et notre Monde connaîtra sa Fin ». L'hydrogène qui brûle en son centre sera épuisé, et son atmosphère se déploiera vraisemblablement jusque l'orbite terrestre, englobant par conséquent la partie interne du système solaire, y compris la Terre. Et quand bien même la Terre échapperait à cet avalement titanesque en s'éloignant quelque peu du Soleil comme le prédisent certaines théories, sa surface serait stérilisée sous l'influence dévastatrice du rayonnement solaire.  Une fin dramatique, s'il en est ! Mais ne terminons pas cet exposé sur une note négative, et rassurons les esprits : cette Fin est programmée, certes, mais elle n'aura lieu que dans environ 5 milliards d'années.

Alors, la Fin du Monde sera-t-elle d'origine astronomique ?

Oui, sans doute, lorsque le Soleil cessera d'exister sous sa forme actuelle.

Et d'ici là ?

Seul l'avenir nous le dira...

Michaël De Becker
Décembre 2012

crayongris2Michaël De Becker est chercheur au sein du Département d'Astrophysique, Géophysique et Océanographie (Faculté des Sciences, ULg) et y enseigne l'astrophysique et l'astrochimie.





4 Une naine blanche est un résidu stellaire d'une taille similaire à la Terre, résultant de la fin de l'évolution d'une étoile de taille modeste, comme notre Soleil par exemple. Il s'agit d'un corps dense, initialement très chaud (plusieurs millions de degrés), qui se refroidit lentement.

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