Cinémapocalypse

Le cinéma américain post 11 septembre

En ce 11 septembre 2001, le monde entier semble vivre un film-catastrophe simultané, à la différence près que la réalité a dépassé la fiction. Désormais, plus aucun film-catastrophe ne pourra donner l’illusion cathartique des années 50 : la destruction d’une ville est possible à l’échelle humaine (et non plus militaire) et nul, pas même les États-Unis, n’est à l’abri. De par leur puissance visuelle, les événements du 11 septembre vont considérablement marquer l’esthétique des films-catastrophes durant la décennie suivante. Ainsi, dans The Happening (Night M. Shyamalan, 2008), ce sont les corps tombant des toits qui ouvrent ce film apocalyptique. Le jour d’après, de Roland Emmerich (2004) emploie lui, sous couvert d’une dimension écologique (le réchauffement de la planète) l’agression de symboles américains (tel ce plan de la Statue de la Liberté emprisonnée dans la glace). Les fils de l’homme, d’Alfonso Cuaron (2006) se situe, lui, à mi-chemin entre 1984 de George Orwell et les images de Guantanamo. La catastrophe, enfin, peut aussi se mesurer à l’échelle individuelle (Vol 93 de Paul Greengrass, 2006, qui raconte l’histoire du quatrième avion détourné lors du 11 septembre).

guerredesmondesDeux films sont plus que représentatifs de ce cinéma catastrophe post 9/11. En premier lieu, La guerre des mondes, de Steven Spielberg (2005). Comme à chaque grand moment de l’histoire du genre, l’adaptation du roman de Wells s’inscrit aussi bien dans une lignée esthétique qu’idéologique (ici, les envahisseurs extraterrestres sont arrivés sur Terre il y a longtemps, enfouis sous terre : des « dormants », comme on appelle également les terroristes installés en Occident sous anonymat). Avec le sens du spectacle qui le caractérise, Spielberg reprend les images fortes du 11 septembre et les transpose dans le film : la destruction d’un bâtiment par ébrèchement (une église catholique), des milliers d’avis de recherches placardés en ville (photo ci-contre), un nuage de poussière envahissant les rues après destruction de la ville… Un vrai catalogue. Le second film, tout aussi essentiel, s’intitule Cloverfield (Matt Reeves, 2008). Dirigé en sous-main par J.J. Abrams (nouvelle figure de la catastrophe en audiovisuel : la série Lost mais aussi Super 8 en 2011), Cloverfield est probablement l’une des synthèses les plus abouties du cinéma-catastrophe et du cinéma post 9/11 : on y retrouve les grands traits du film de monstre (un alien géant détruit New York, résiste aux tirs de l’armée, la masse populaire ne sait comment fuir) tout en retrouvant les éléments visuels du 11 septembre (la Statue de la Liberté décapitée, le nuage de poussière, l’alien « dormant » et, dernier atout, l’usage de la fausse « caméra DV » pour donner un aspect plus vrai, plus authentique, comme les images télévisées du World Trade Center en flammes).

cloverfieldCloverfield

Et aujourd’hui ?

Les événements du 11 septembre semblent avoir doucement cédé la place à un énième retour du film-catastrophe classique : exit les dormants, les symboles américains détruits, l’angoisse à échelle humaine, l’heure est au retour des grandes catastrophes. On retrouve évidemment des traces dans des films comme Prédictions d’Alex Proyas (2009) où un avion se crashe pour la énième fois depuis 10 ans au cinéma. Mais on ne compte désormais plus les films utilisant le tsunami de 2004 comme point de départ de leurs scénarios avec, au passage, une séquence du dit raz-de-marée destructeur. On revient aussi à ce cinéma post-apocalyptique sous influence madmaxienne (Le livre d’Eli des frères Hughes en 2010, The Road de John Hillcoat en 2009) pour les productions à moindre budget, et Roland Emmerich poursuit sa recherche de l’esthétique de la destruction à travers, évidemment, 2012 (2009), spectacle absolu de la destruction où l’image l’emporte définitivement sur le scénario (inexistant). Réminiscence du combat contre le terrorisme, les États-Unis doivent toujours lutter contre des aliens agressifs venus sur leur territoire (la série des Transformers de Michael Bay, World Invasion : Battle Los Angeles de Jonathan Liebesman (2011), Battleship de Peter Berg (2012)). Même dans les films d’action, tels les Avengers de Joss Whedon, le divertissement passe par la destruction de la ville3. Et que dire de Kaboom, film déjanté de Gregg Araki se ponctuant sur la destruction nucléaire pure et simple de la Terre par dépit ?

Bien que difficile, il n’est pas impossible d’imaginer ce que seront les sources d’inspirations du cinéma-catastrophe de demain, au vu des événements naturels de plus en plus fréquents. Peut-être, à terme, aura-t-on droit sur des films sur le tremblement de terre au Pérou en 2007, cent ans après celui filmé par la Biograph Company. À moins que la catastrophe de Fukushima ne réveille Godzilla et ses amis Kaiju ? Seul l’avenir nous le dira avec certitude.

Tout cela, évidemment, si nous atteignons le 22 décembre 2012.

Bastien Martin
Décembre 2012

crayongris2Bastien Martin est chercheur en Arts et Sciences de la Communication. Ses recherches doctorales portent sur le cinéma d'animation belge.


3 Et dans le registre « étude stupide », je ne peux que conseiller l’excellent article « Avengers : combien coûte la destruction de New York ? », disponible ici : http://tempsreel.nouvelobs.com/l-histoire-du-soir/20120511.OBS5423/avengers-combien-coute-la-destruction-de-new-york.html

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