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Douze cents ans ne s’étaient pas écoulés, Ci-dessous : Conte d'Atra-Hasis © Musée du Louvre |
Atra-hasīs ouvrit la bouche |
Donc, le projet d’extermination échoue et, pour ne plus connaître la situation d’avant le Déluge, les dieux en arrivent à imposer un autre statut à l’humanité : celle-ci aura désormais comme destin la mort (qui raccourcit apparemment la durée de vie qui lui était auparavant accordée). De surcroît, pour éviter la multiplication inconsidérée de l’humanité, on augmente la mortalité infantile et on limite les naissances en provoquant l'infécondité de certaines femmes et en interdisant à d’autres vouées aux dieux d'avoir des enfants. Ce sont évidemment des explications étiologiques pour pour des phénomènes et coutumes connus de l’époque mais elles suggèrent qu’à partir de ce moment l’existence de l’humanité ne pose plus problème.
L’histoire du Déluge sera intégrée plus tard dans une épopée qui raconte les aventures de Gilgamesh, roi légendaire mésopotamien, épopée dans laquelle le héros du Déluge changera de nom et s’appellera Ut-Napishtim. Cette répétition de l’histoire témoigne de la cohérence du récit en Mésopotamie et elle signifie apparemment que la disparition de l’humanité ne pouvait se concevoir.
Gilgamesh maîtrisant un lion (8e s. av. JC)Ut-Napishtim dans son bateau
On peut néanmoins se demander si la fin du monde avait fait l’objet d’autres spéculations en Mésopotamie. Dans l’état actuel de nos connaissances, il semble qu’il n’y ait pas eu d’autres mythes sur la fin du monde. Il existerait la mention d’un calcul dans un des rares passages conservés du livre Babyloniaca écrit en grec vers 280 av. J.-C. par Bérose, érudit babylonien contemporain d’Alexandre-le-Grand : il nous resterait quelque 43 200 années avant la fin du monde ! Mais l’interprétation, voire l’authenticité de ce passage mal compris restent très douteuses.
Nous pouvons donc conclure que l’idée d’une fin apocalyptique n’a vraisemblablement jamais vu le jour en Mésopotamie, d’autant plus que l’au-delà imaginé par les Mésopotamiens n’avait rien de réjouissant : monde immobile rempli de ténèbres et de poussières, il était le domaine des divinités infernales. Les morts n’étaient ni récompensés pour leur vie exemplaire ni punis pour les péchés commis ; ils n’étaient hantise pour les vivants que s’ils n’étaient pas correctement honorés lors de cérémonies appropriées.
Önhan Tunca
Décembre 2012
Ônhan Tunca a enseigné les langues, les religions et l'archéologie de la Mésopotamie à l'Université de Liège jusqu'en 2012. Il poursuit aujourd'hui ses recherches sur les différents aspects de la civilisation mésopotamienne.
* Voir Remo Mugnaioni, Le conte d'Atra-Hasis et le mythe de la création des hommes en Mésopotamie, Universtié de Provence. En ligne
Orientation bibliographique (en français) On trouvera plus d’informations sur les textes mentionnés ci-dessus dans les livres suivants : J. Bottéro (éd.), Initiation à l'Orient ancien. De Sumer à la Bible, Paris, Seuil, 1992. 7 J. Bottéro, La plus vieille religion : en Mésopotamie, Paris : Gallimard (Folio. Histoire 82), 1998.
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