Cinq questions à l'auteur
  • JPBOURSQuelle a été votre réaction à l’annonce de la proposition de réédition de votre livre ? Connaissiez-vous la maison d’édition l’Arbre vengeur, ainsi que le directeur de la collection L’Arbre à clous ? Qu’attendiez-vous d’une telle publication ? Et en êtes-vous au final satisfait ?

J’ai été particulièrement enchanté par cette annonce : ce recueil avait marqué mon entrée dans la littérature il y a de cela 35 ans, et j’ai été ravi de constater qu’il n’était pas tombé dans l’oubli… et de pouvoir me dire qu’il allait trouver de la sorte de nouveaux lecteurs.

Je ne connaissais pas la maison d’édition l’Arbre vengeur – ni le directeur de la collection l’Arbre à clous –, mais j’ai consulté son catalogue et reçu plusieurs ouvrages de la maison, ce qui m’a permis de relever qu’elle publiait les meilleurs auteurs (Chesterton, Dickens, Audiberti, Mirbeau, Toulet… et j’en passe).

Je suis comblé par le résultat.

  • Le fantastique, à vos yeux, est-il de la paralittérature ou de la littérature ? Pourquoi vous être illustré dans cette veine ? Le fait d’être belge a-t-il infléchi cette inscription générique ?

Pour moi, l’on ne devrait classer dans la « paralittérature » que la BD et le roman-photo, ceci sans rien de péjoratif envers ces deux genres : ils se situent en effet tous deux « en marge » de la littérature. Et encore : où se situe la frontière, depuis l’évolution des moyens de diffusion, entre un roman graphique, un roman illustré par des photos, un roman-photo et une BD ?

Tout au plus peut-on dire du Fantastique qu’il est un « genre », auquel se sont adonnés, exclusivement ou sporadiquement, certains auteurs. Mais ce « genre » a donné à de nombreux chefs-d’œuvre leur coloration propre, sinon leur atmosphère. Faust, La Peau de chagrin, L’Homme qui rit, Dr Jekyll et Mr Hyde, Les Frères Karamazov, Le Maître et Marguerite sont des œuvres marquées du sceau du Fantastique, comme Salammbô, Guerre et Paix, Le Hussard sur le toit, Cent ans de solitude et Au nom de la rose sont des romans « historiques ». Le Clezio comme Jules Verne ont écrit des romans « géographiques », et Dickens est mort en laissant inachevé un roman « policier ».

Le tout premier texte que j’ai écrit, sous le titre Mémoires d’un eunuque, publié en 1966 (j’avais 21 ans) par la revue littéraire Audace, racontait l’intrusion dans un harem de la Mort, sous la forme d’une créature de rêve. Il m’avait paru naturel de commencer ma vie littéraire par un texte de ce genre, sans doute sous l’influence de mes lectures (Jean Ray, Owen, Seignolle, mais aussi Gérard de Nerval ou Théophile Gautier). Le fait d’être belge peut expliquer ce choix : j’avais lu pas mal de Marabout, et rencontré à l’armée Jean-Baptiste Baronian, qui en devint directeur de collection, et m’encouragea dans cette voie. Le genre fantastique convient d’ailleurs assez bien à notre pays, situé à la lisière entre les mondes latin et germain. Le fantastique est aussi affaire de « lisières » : entre le réel et l’impensable, entre soleil et nuit, entre logique et délire.

  • Vous êtes avocat de formation et de profession. Cela a-t-il eu une influence dans votre rapport à la langue ? à l’écriture ? au monde ? Qu’est-ce qui a en définitive nourri vos nouvelles ?

Le fait d’avoir été avocat explique d’abord pourquoi j’ai si peu écrit : le Barreau, l’enseignement de la fiscalité, la famille. Mais j’ai évidemment été influencé par la pratique de la profession : description du monde judiciaire (dans plusieurs récits de Celui qui pourrissait, et dans mon roman policier La Nuit du jugement), souci de conserver une certaine cohérence dans le style, etc. Ce qui a nourri mes nouvelles ? Difficile à dire. L’observation de l’univers dans lequel je vivais, avec, sans doute, un regard critique, notamment sur ces affrontements de personnalités que sont les procès judiciaires.

  • Vous avez publié Celui qui pourrissait à moins de trente ans… il y a plus de trente ans ! Quel regard portiez-vous sur votre œuvre à l’époque ? et à présent ?

Je ne me suis pas encore donné le temps de relire Celui qui pourrissait, mais je l’ai feuilleté avec une certaine émotion. Je pense, sans forfanterie, qu’il « tient le coup », en notre époque où le fantastique est partout : dans les séries TV, les romans pour adolescents, les blockbusters, la BD. Il y a, je crois, dans mon recueil, une recherche d’originalité par rapport à la plupart des thèmes aujourd’hui galvaudés (les vampires, les zombies, les loups-garous).

105© Michel Houet Ulg - Sujet = Hommage Bours

  • Avez-vous d’autres projets en cours, ou l’écriture n’était-elle qu’un moment dans votre vie ?

L’écriture n’était pas qu’un moment dans ma vie, elle y est essentielle. Depuis deux ans, je lui consacre – enfin – une grande partie de mon temps, ce qui m’a permis d’écrire un roman dont le titre devrait être D’encre ou de sang. J’espère qu’il sera prochainement publié. Il s’agit, à la fois, d’un roman historique et d’apprentissage, contant l’enfance et l’adolescence d’une jeune femme au tout début du16e siècle en Allemagne, jeune femme qui va devoir partir à la recherche de son identité, dans un monde qui bascule du Moyen Âge dans le Renaissance (et la Réforme), mais qui reste en proie aux épidémies, aux guerres, aux pillages, aux viols, et à l’intolérance. Je crois qu’il s’agit là d’une œuvre forte. Et ceux qui l’ont lue à ce jour me l’ont confirmé.

 

© Michel Houet - ULg