Les Belges ne sont pas en reste

Quels sont les risques et conséquences dramatiques de ces mouvements apocalyptiques près de chez nous ?  Dans notre pays tranquille, Patrick Géryl porte haut les idées d’apocalypse. Âgé de 56 ans, laborantin, ancien agent d’une compagnie pétrolière habitant dans la région d’Anvers, P. Géryl crée en 2009 une asbl « New Global Trust » « visant à encadrer leurs activités survivalistes et à démarrer une nouvelle civilisation après la catastrophe »⁷. Il affirme avoir « trouvé des fautes dans la théorie de la relativité », alors qu’il ne fonde pas scientifiquement ses théories. Selon lui, des éruptions solaires auront un impact sur le champ magnétique et provoqueront des catastrophes naturelles entraînant la fin de notre civilisation. Seuls ceux qui auront pris place sur de hautes montagnes seront sauvés temporairement.

D’autres belges ont pris une place dans ce concert apocalyptique à but financier : Louis De Cordier, né à Ostende en 1978 et vivant dans la Sierra Nevada espagnole où il a créé la « Mataha Foundation » visant à assurer la survie de la culture humaine et qui rachète de vieilles fermes en ruine pour en faire des bunkers. Luc Vervliet, « le poète égaré » se réclame de la théorie du complot puisque, selon lui, les puissants de ce monde ont décidé de se débarrasser d’une population humaine trop importante par le biais d’une troisième guerre mondiale. À noter qu’en Belgique, une société américaine, Vivos,  a su exploiter la peur et la naïveté de nos concitoyens en proposant la construction de bunkers. Le plus vaste est censé accueillir 900 personnes pour la « modique » somme de 50.000 dollars soit 38.000 euros environ. Vivos assurait, fin 2010, avoir déjà reçu 7.000 candidatures⁸.

Dérives sectaires et criminalité

Les technologies modernes de l’information et des télécommunications renforcent ces discours de fin prochaine, les banalisent et induisent divers comportements criminels. Sans remonter très loin dans le temps, on peut rappeler les dérives criminelles et meurtrières de cette croyance en l’Apocalypse prochain : 76 morts de l’Ordre du Temple Solaire en Suisse, au Canada et en France entre 1994 et 1997 ; suicide collectif des Davidiens à Waco (photo à droite) qui, avec leur stock d’armes, ont affronté la police, totalisant 87 morts dont 17 enfants mais aussi 14 policiers ;  de nombreux morts et blessés dans le métro japonais, suite à un attentat au gaz sarin par la secte Aoum Shinrikyō annonçant la fin du monde en 1995 et dont le leader exprimait la haine envers la société japonaise et voulait provoquer un Armageddon. Et l’on pourrait encore citer d’autres mouvements sectaires comme celui du Temple du peuple de Jim Jones en Guyane (suicide collectif de 914 adeptes en 1978) ou du groupe chrétien de la milice Hutaree (soldat du Christ) de la fin du monde aux États-Unis.

Outre les dérives meurtrières, les délits des groupes apocalyptiques peuvent concerner les fuites financières (vente d'articles de survie, escroquerie pour une place dans le bunker), les fuites fiscales (siège de sociétés à l'étranger pour échapper au fisc belge), les dérapages d'individus isolés (explosifs et armements pour avertir de l'imminence d'une catastrophe), les faux (en urbanisme, permis pour des citernes à eau de pluie déposés en lieu et place de permis pour abris 2012). Substituant leurs propres règles à celles de la société, les gourous adoptent des comportements totalitaires et encouragent leurs adeptes à garantir leur salut en laissant leurs biens aux leaders charismatiques et omnipuissants. Puisque la justice des hommes ne pourra plus rien contre eux, les membres contractent des emprunts sans crainte de ne pouvoir rembourser et enfreignent les lois.

En conclusion

Notre époque (commerciale) connaît une accélération des théories annonçant une fin du monde proche, le 21.12.2012. Celles-ci recourent aux pseudo-arguments scientifiques mis au service d’objectifs cachés et utilisent tous les moyens de communication modernes. Elles exploitent les événements naturels tels les changements climatiques, le réchauffement de notre planète, les tremblements de terre et les tsunamis dans un but soit mercantile soit de pouvoir ou de délire personnel utilisant la violence contre les individus vulnérables ou la société.

Gérard de Coninck
Décembre 2012

Gérard de Coninck est maître de conférence et collaborateur de l’École Liégeoise de Criminologie de l’ULg. Il est aussi membre de Centre d'information et d'avis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN)