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50 ans de sciences naturelles, d'histoire et d'art

23 October 2012
50 ans de sciences naturelles, d'histoire et d'art

Le 12 novembre 1962, les salles publiques de l’Aquarium-Muséum sont inaugurées par les autorités académiques et communales. Les collections destinées à l’enseignement et à la recherche sont désormais accessibles par tous ! Ce 12 novembre 2012, pour fêter ses 50 ans d’existence, le musée ouvrira un nouvel espace où seront présentés les impressionnants modèles didactiques en verre des ateliers Blaschka.   

 

Les origines

L’Institut zoologique est construit par la Ville de Liège entre 1886 et 1889, pour l’Université. L’architecte Lambert Noppius se conforme à un cahier des charges établi par le Pr de Zoologie, Édouard Van Beneden. Outre les salles de cours et de travaux pratiques, laboratoires et bibliothèques, le bâtiment comporte déjà une infrastructure muséologique de 1000 m² qui abrite les collections d’insectes et d’animaux naturalisés de tous les continents accumulés jusqu’alors dans les étroits locaux du 20-Août, où le public n’avait que rarement accès.

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Institut de zoologie  en 1921 © Gustave Marissiaux - Portrait Édouard van Beneden par Florent van Loo, Lithographie. Collections artistiques de l'ULg

 

dubuisson-laboratoireLe bâtiment et les collections subissent de graves dommages pendant la seconde guerre mondiale. La remise en état et la rénovation sera dirigée par le Pr Marcel Dubuisson, directeur de l’Institut de zoologie, puis Recteur à partir de 1954, qui en profitera pour opérer un profond réaménagement intérieur. Il fera réorganiser complètement les espaces d’exposition des 20 000 pièces des collections en un véritable musée de zoologie attrayant et didactique. Il faudra 10 ans à Fritz Carpentier et Fernande Kraentzel pour venir à bout de cet énorme chantier, qui s’achèvera en 1957.

Dubuisson commandera aussi deux œuvres d’art pour l’Institut : le vitrail de J.C. lismonde (1959) et la grande fresque murale intitulée La Genèse, de Paul Delvaux (1960).

Marcel Dubuisson dans son laboratoire. DR

Les étudiants passent tous les jours devant la Genèse, de Paul Delvaux

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Dans la foulée de ces travaux, Marcel Dubuisson, décide de la création d’un aquarium, auxiliaire de l’enseignement et de la recherche, qui devra, comme le musée de zoologie, être accessible au public et aux enfants des écoles. La conception est confiée à Jean Godeaux, spécialiste de biologie marine, assisté du Pr René Spronck, chargé des installations hydrauliques et des équipements électromécaniques. La reconstitution dans les 27 bassins de véritables biotopes naturels est confiée aux professeurs Michel Chardon  et Jean-Claude Ruwet. C‘est à eux que l’on doit aussi les premières collections. Des expéditions de récoltes sont alors organisées en Mer du Nord, en Méditerranée,  dans l’océan Atlantique, etc.

 


 

visite royale400Le 12 novembre 1962, l’Aquarium est officiellement inauguré, en même temps que le Musée de Zoologie. La Ville verse alors une subvention annuelle non négligeable à l’Université pour participer aux frais de fonctionnement et d’accueil du public.

L’expédition belge à la Grande Barrière en Australie, en 1966-68, ramène plus de 300 coraux pour lesquels on créera la salle des Madrépores, avec des vitrines dessinées par Claude Strebelle. Peu de temps après l’ouverture de cette salle, l’Aquarium-Muséum aura l’honneur, en 1973, de recevoir la visite officielle de leurs Majestés le  Roi Baudouin et la Reine Fabiola.

Marcel Dubuisson présente à leurs Majestés le Roi Baudouin et la Reine Fabiola la collection de coraux en 1973.

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Départ de l'expédition belge à la Grande Barrière, 1966, saluée par le Prince Albert.

 

Au cours des années 80, les difficultés financières de la Ville et de l’Université sont telles que le musée doit se séparer de bon nombre de membres de son personnel, malgré une subvention nouvelle de la Communauté française. On envisage même un temps la fermeture… Cependant, une solution est trouvée en décembre 1991 avec la création de l’asbl APAM-Lg (Association pour la Promotion de l’Aquarium et du Musée de Zoologie de l’Université de Liège, aujourd’hui  « Aquarium-Muséum universitaire de Liège »), structure stable constituée de représentants des deux partenaires, qui permettra la relance.

En 1993 et 1994, de nouveaux bassins complètent la salle publique. Deux ans plus tard, on rénove la salle des madrépores, tandis qu’on agrandit le grand bassin où vivait Caroline, la tortue fétiche, désormais installée à La Rochelle. 

aquarium requinsMais l’évolution la plus importante aura lieu en 2001 : Avec l’aide du FEDER et de la Région Wallonne, l’Université réalise des travaux d’extension et inaugure le grand aquarium des requins (66 000 litres) et celui destiné aux récifs coralliens (10 000 litres).

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Inauguration de l'aquarium des requins - Travaux d'extension et pose de la vitre devant l'aquarium des requins

 

 

Aujourd’hui

Considéré par le Conseil des Musées comme l’institution phare de la Fédération Wallonie-Bruxelles dans le domaine de la muséologie des Sciences naturelles et reconnu depuis 2010 comme musée de catégorie A, l’Aquarium-Muséum ne cesse de voir augmenter sa fréquentation. Sans compter ni les étudiants, ni les visiteurs de prestige, ni les congressistes invités, on enregistre environ 30 000 entrées par an dans les années 70, autour de 70 000 dans les années 90, et près de 100 000 désormais.

aquarium museezoo

 

 

Dodo052© TILT ULG DR Anim AquariumbocauxLes importantes collections comptent quelque 2500 poissons vivants, représentant plus de 250 espèces des océans, des mers, des lacs et des rivières du monde entier, et plus de 20 000 spécimens conservés, naturalisés ou à l’état de squelettes illustrant la diversité animale, du plus petit insecte jusqu’à la baleine ou l’éléphant, en passant par des espèces disparues, comme le dodo ou le loup de Tasmanie, ainsi que des moulages et des modèles didactiques en cire, et d’autres en verre issus des ateliers Blaschka.  

loup de tasmanie

 


La collection Blaschka

À la fin du 19e siècle, les techniques de conservation des invertébrés sont encore rudimentaires. Conservés  dans l’alcool ou le formol, ils perdent rapidement leurs couleurs, leur transparence et leur forme. Édouard Van Beneden, tout comme d’autres professeurs et directeurs de musées de par le monde, s’intéresse alors au travail des artistes allemands de Dresde, Léopold Blaschka (1822-1895) et son fils Rudolph (1857-1939), qui réalisent en verre des reproductions méticuleusement fidèles aux animaux vivants ou conservés qui leur servent de modèles, ou aux illustrations d’ouvrages scientifiques.  

Les premières créations de Léopold Blaschka, dans les années 1850, lui valent une certaine notoriété. Il s’agit d’une centaine de modèles d’orchidées réalisées à la demande du Prince Camille de Rohan, pour décorer son palais. Puis des anémones de mer et autres invertébrés marins, qu’il reproduit en verre toujours à des fins décoratives.  Dans les années 1860, son travail prend une tournure différente : il cherche désormais à reproduire la réalité de manière rigoureuse et précise et met au point des techniques de transformation du verre pour obtenir toutes les apparences recherchées. En 1876, son fils Rudolf, âgé de 19 ans, rejoint l’atelier. Ensemble,  ils obtiendront rapidement une notoriété mondiale. En 1878, ils publient un catalogue de 630 modèles et détails anatomiques d’animaux invertébrés.

Chaque objet est un exemplaire unique. La précision de leur échelle, de leur forme, de leurs couleurs, de leur transparence traduit la qualité du sens de l’observation des Blaschka ainsi que leur remarquable talent dans le travail du verre, reconnu par les plus grandes universités et institutions muséales. En 1886, l’université de Harvard leur passe un contrat (qui deviendra rapidement contrat d’exclusivité) pour la création de modèles floraux et végétaux.

La même année, Édouard van Beneden leur commande 77 modèles pour l’Université de Liège.

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Détails de 4 pièces Blaschka : Bougainvillia, Porpita, Physalia et Renilla. Photos Jacques Ninane

 

Mais le verre est très fragile et le registre de 1926 ne mentionne plus que 58 pièces. D’autres techniques de conservation et d’imagerie ou l’utilisation d’autres matériaux comme le plastique mettront fin à l’utilisation des modèles de verre, qu’on relèguera dans des armoires. En 1990, le registre fait état de 49 pièces restantes, la plupart en très mauvais état.

restaurationCes petits chefs-d'œuvre extrêmement fragiles, alliant qualité artistique et rigueur scientifique, viennent d’être entièrement restaurés par Isabelle Pirotte. Ou plus exactement 37 d’entre eux, les autres ayant subi des dégâts irréparables.  Ces 37 pièces étaient fortement empoussiérées, fêlées voire brisées, les couches picturales avaient subi des décolorations et des dégradations, certaines parties métalliques étaient corrodées. Avant toute intervention, Helena Wouters et Marina Van Bos, de l’Institut Royal du Patrimoine artistique ont analysé, avec des méthodes et matériels sophistiqués, la composition des verres, les colles et pigments utilisés par les Blaschka. C’est grâce à ce travail que la restauratrice a pu rétablir l’état originel de chaque pièce.

Isabelle Pirotte pendant son travail de restauration.
Photo Jacques Ninane

coverBlasckaLes Presses Universitaires de Liège publient le catalogue de cette collection,  sous la plume de Sonia Wanson et Isabelle Pirotte, dans un ouvrage intitulé Blaschka Maîtres et Modèles. La collection Blaschka des modèles en verre d’animaux marins du Muséum de l’Université de Liège, avec les photographies de Jacques Ninane.

 

Un nouvel espace permanent « Blaschka, maîtres et modèles », où on pourra admirer les magnifiques anémones, méduses, coraux et autres animaux marins, sera inauguré pour le 50e anniversaire de l’aquarium-muséum.  Les œuvres seront posées sur des socles conçus pour absorber les chocs et vibrations du bâtiment, et enfermées dans des vitrines étanches à l’air et la poussière et chimiquement neutres. La salle ne sera éclairée que par des fibres optiques, n’émettant ni chaleur ni UV. Toutes ces précautions étaient indispensables pour garantir la conservation de cette collection.

 

 

12 novembre 2012 : flash back

Les 10, 11 et 12 novembre 2012, l’Aquarium-Muséum ouvrira ses portes au tarif de 1962 : 10 francs belges, soit 25 centimes d’euro.  Une bonne occasion de se replonger dans les riches collections, redécouvrir des trésors de la vie animale,  pour mieux aider à les protéger.

Kroll

Dessin de Pierre Kroll, pour Le 15e jour du Mois, octobre 2012

 

 

Sonia Wanson et Claudine Purnelle
Octobre 2012 

crayongris2Sonia Wanson est biologiste, directrice adjointe de l’Aquarium- Muséum.

Voir aussi la vidéo d'ULg.TV  : Blaschka, vous avez dit Blaschka ?

 

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Plus d’information :

Sonia Wanson, Historique de l’Aquarium-Muséum de l’Université de Liège : http://www.aquarium-museum.ulg.ac.be/fr/institution/historique.php

Édith Culot, L’Institut de Zoologie, dans « Le patrimoine de l’Université de Liège », Carnets du patrimoine n°47, IPW, 2008

Sonia Wanson et Christian Michel, L’Aquarium-Muséum,  dans « Le patrimoine de l’Université de Liège », Carnets du patrimoine n°47, IPW, 2008

Sonia Wanson, Isabelle Pirotte et Jacques Ninane, Blaschka Maîtres et Modèles. La collection Blaschka des modèles en verre d’animaux marins du Muséum de l’Université de Liège, Presses universitaires de Liège, 2012.


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