50 ans de sciences naturelles, d'histoire et d'art

La collection Blaschka

À la fin du 19e siècle, les techniques de conservation des invertébrés sont encore rudimentaires. Conservés  dans l’alcool ou le formol, ils perdent rapidement leurs couleurs, leur transparence et leur forme. Édouard Van Beneden, tout comme d’autres professeurs et directeurs de musées de par le monde, s’intéresse alors au travail des artistes allemands de Dresde, Léopold Blaschka (1822-1895) et son fils Rudolph (1857-1939), qui réalisent en verre des reproductions méticuleusement fidèles aux animaux vivants ou conservés qui leur servent de modèles, ou aux illustrations d’ouvrages scientifiques.  

Les premières créations de Léopold Blaschka, dans les années 1850, lui valent une certaine notoriété. Il s’agit d’une centaine de modèles d’orchidées réalisées à la demande du Prince Camille de Rohan, pour décorer son palais. Puis des anémones de mer et autres invertébrés marins, qu’il reproduit en verre toujours à des fins décoratives.  Dans les années 1860, son travail prend une tournure différente : il cherche désormais à reproduire la réalité de manière rigoureuse et précise et met au point des techniques de transformation du verre pour obtenir toutes les apparences recherchées. En 1876, son fils Rudolf, âgé de 19 ans, rejoint l’atelier. Ensemble,  ils obtiendront rapidement une notoriété mondiale. En 1878, ils publient un catalogue de 630 modèles et détails anatomiques d’animaux invertébrés.

Chaque objet est un exemplaire unique. La précision de leur échelle, de leur forme, de leurs couleurs, de leur transparence traduit la qualité du sens de l’observation des Blaschka ainsi que leur remarquable talent dans le travail du verre, reconnu par les plus grandes universités et institutions muséales. En 1886, l’université de Harvard leur passe un contrat (qui deviendra rapidement contrat d’exclusivité) pour la création de modèles floraux et végétaux.

La même année, Édouard van Beneden leur commande 77 modèles pour l’Université de Liège.

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Détails de 4 pièces Blaschka : Bougainvillia, Porpita, Physalia et Renilla. Photos Jacques Ninane

 

Mais le verre est très fragile et le registre de 1926 ne mentionne plus que 58 pièces. D’autres techniques de conservation et d’imagerie ou l’utilisation d’autres matériaux comme le plastique mettront fin à l’utilisation des modèles de verre, qu’on relèguera dans des armoires. En 1990, le registre fait état de 49 pièces restantes, la plupart en très mauvais état.

restaurationCes petits chefs-d'œuvre extrêmement fragiles, alliant qualité artistique et rigueur scientifique, viennent d’être entièrement restaurés par Isabelle Pirotte. Ou plus exactement 37 d’entre eux, les autres ayant subi des dégâts irréparables.  Ces 37 pièces étaient fortement empoussiérées, fêlées voire brisées, les couches picturales avaient subi des décolorations et des dégradations, certaines parties métalliques étaient corrodées. Avant toute intervention, Helena Wouters et Marina Van Bos, de l’Institut Royal du Patrimoine artistique ont analysé, avec des méthodes et matériels sophistiqués, la composition des verres, les colles et pigments utilisés par les Blaschka. C’est grâce à ce travail que la restauratrice a pu rétablir l’état originel de chaque pièce.

Isabelle Pirotte pendant son travail de restauration.
Photo Jacques Ninane

coverBlasckaLes Presses Universitaires de Liège publient le catalogue de cette collection,  sous la plume de Sonia Wanson et Isabelle Pirotte, dans un ouvrage intitulé Blaschka Maîtres et Modèles. La collection Blaschka des modèles en verre d’animaux marins du Muséum de l’Université de Liège, avec les photographies de Jacques Ninane.

 

Un nouvel espace permanent « Blaschka, maîtres et modèles », où on pourra admirer les magnifiques anémones, méduses, coraux et autres animaux marins, sera inauguré pour le 50e anniversaire de l’aquarium-muséum.  Les œuvres seront posées sur des socles conçus pour absorber les chocs et vibrations du bâtiment, et enfermées dans des vitrines étanches à l’air et la poussière et chimiquement neutres. La salle ne sera éclairée que par des fibres optiques, n’émettant ni chaleur ni UV. Toutes ces précautions étaient indispensables pour garantir la conservation de cette collection.

 

 

12 novembre 2012 : flash back

Les 10, 11 et 12 novembre 2012, l’Aquarium-Muséum ouvrira ses portes au tarif de 1962 : 10 francs belges, soit 25 centimes d’euro.  Une bonne occasion de se replonger dans les riches collections, redécouvrir des trésors de la vie animale,  pour mieux aider à les protéger.

Kroll

Dessin de Pierre Kroll, pour Le 15e jour du Mois, octobre 2012

 

 

Sonia Wanson et Claudine Purnelle
Octobre 2012 

crayongris2Sonia Wanson est biologiste, directrice adjointe de l’Aquarium- Muséum.

Voir aussi la vidéo d'ULg.TV  : Blaschka, vous avez dit Blaschka ?

 

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Plus d’information :

Sonia Wanson, Historique de l’Aquarium-Muséum de l’Université de Liège : http://www.aquarium-museum.ulg.ac.be/fr/institution/historique.php

Édith Culot, L’Institut de Zoologie, dans « Le patrimoine de l’Université de Liège », Carnets du patrimoine n°47, IPW, 2008

Sonia Wanson et Christian Michel, L’Aquarium-Muséum,  dans « Le patrimoine de l’Université de Liège », Carnets du patrimoine n°47, IPW, 2008

Sonia Wanson, Isabelle Pirotte et Jacques Ninane, Blaschka Maîtres et Modèles. La collection Blaschka des modèles en verre d’animaux marins du Muséum de l’Université de Liège, Presses universitaires de Liège, 2012.

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