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Paul van Hoeydonck, l’archéologue du futur

17 septembre 2012
Paul van Hoeydonck, l’archéologue du futur

fallen astronaut“To open the way to the stars is the most important mission of men in this century”
Paul Van Hoeydonck, 1971

 

C’est le 2 août 1971 qu’eut lieu un événement absolument inédit dans les annales de l’histoire, à savoir  l’installation d’une œuvre d’art sur une planète autre que la terre. L’œuvre  porte le titre de Fallen astronaut et est une création de l’artiste belge Paul Van Hoeydonck. Aucun autre artiste au monde ne s’est intéressé de manière aussi engagée à l’espace et à sa conquête par l’homme. Lorsque Louise Tolliver Deutschmann, de la Wadell Gallery à Cape Kennedy, eut l’idée de faire déposer une oeuvre de Van Hoeydonck sur la Lune, c’était, tout naturellement, le seul artiste auquel elle pouvait penser pour un tel projet.

Fallen Astronaut, 1971
Déposé sur la lune le 2 août 1971
par l'équipage d'Apollo 15 

Formé de 1949 à 1953 à l’Institut Supérieur d’Art et d’Archéologie d’Anvers, Van Hoeydonck s’est toujours efforcé de situer les choses dans leur contexte historique. C’est le célèbre critique d'art Pierre Restany qui, en 1964, l’a appelé « l’archéologue du futur », cette formule constitue la synthèse paradoxale de l’œuvre de l‘artiste. Il s’agit d’une œuvre où l’avenir de l’homme, réduit à un certain nombre d’archétypes revêtant un caractère prophétique, est situé dans l’espace. Réalité qui, pour Van Hoeydonck, va toujours de pair avec la science-fiction, préfiguration de la réalité.

lightworksDans un premier temps, l’autodidacte Van Hoeydonck semblait vouloir se concentrer sur l’art phénoménologique en faisant des toiles figuratives sans relief où se marque une préférence pour l’agencement  géométrique. Il n’est pas étonnant, dès lors, que le choix des sujets s’inspirait essentiellement de l’architecture. À force d’abstraire la réalité, il en arrivera finalement à une négation totale de celle-ci, ne gardant, à partir de 1954, que la seule représentation, l’abstraction pure. Van Hoeydonck, en effet, a réduit les formes géométriques, à un jeu d’ombre et de lumière, faisant surgir de la toile des vibrations de lumière par la technique monochrome, les light-works.

lightworks2Dès 1957, son œuvre redeviendra figurative par la visualisation du cosmos au travers d’un mode d’expression adapté à l’imagination humaine. Pour trouver une expression plus concrète encore, Van Hoeydonck intégrera également des petites structures en plexi dans ces reliefs pratiquement incolores.

Boite-a-monocle-a-la-fourchette-au-tresor-cacheLa période 1957-61 peut être considérée comme celle de préparation à la carrière spatiale de l’artiste. Une nouvelle réalité surgit de la concrétisation de l’immatériel, donnant  forme aux théories de la relativité d’Einstein. Sous nos yeux, le matériel devient immatériel, l’espace devient visible. Lucio Fontana un jour dit à l’artiste : « … moi je pratique des ouvertures dans l’espace. Toi, tu montres ce qui se cache derrière. »


Lorsque les light-works seront tournés en dérision, l’opinion trouvant que ces œuvres finalement ne montraient rien, Van Hoeydonck se mit à produire avec humour et sarcasme ses Boîtes à monocles (1960-1961). Ces étuis précieux, prédestinés à conserver des objets nobles, il devait les remplir de verres à lunettes et de clous. À côté des verres à lunettes, il déposait sur un velours très doux des roses en papier. Le souhait de l’artiste était d’attirer l’attention du public, sur un mode ironique ayant cependant  sa justification plastique et poétique, sur le fait qu’il fermait les yeux sur ce qu’il faisait.  C’est à cette occasion que devait se manifester pour la première fois avec éclat les talents « d’assembleur » de l’artiste, encore qu’il avait déjà réalisé entre 1954 et ’56 des jouets en relief, mais dans ces créations prédominaient encore les formes géométriques.

Boîte à monocle à la fourchette au trésor caché, 1961



Toutes photos @Paul Van Hoeydonck. Publiées ici avec l'aimable autorisation de l'artiste.

City-of-the-future-1960 Little city of the future 1961
City of the future, 1960 - Little City of the future, 1961

L’on peut considérer l’année 1961 comme une année-clé dans la biographie de l’artiste. Au début de l’année, en effet, il remplissait trois grandes salles du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, le long de la rue Royale, de ses lightworks et de quelques Villes de l’Avenir, nées dès 1959 mais qui n’arrivaient qu’alors à leur plein épanouissement. Les œuvres étaient conçues comme des bas-reliefs construits avec des clous, des fils, des crochets, répartis au hasard sur l’ensemble de la surface, le tout dans une tonalité uniforme noire ou blanche. Et une fois de plus, ici aussi, l’intervention de la lumière est indispensable pour pouvoir éprouver la spatialité.

Bonhomme1960Après cette grande exposition au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, il eut droit à une exposition individuelle à la Galerie Iris Clert à Paris, exposition qui devait déboucher sur une première vente au Museum of Modern Art de New York.

La même année toujours, il franchit pour la première fois l’océan pour se rendre personnellement à New York. Il abandonna complètement sa profession accessoire de représentant d’Esso au port d’Anvers pour se consacrer entièrement à son art.

Entre 1960 et 1963, l’œuvre de Van Hoeydonck évolua très rapidement, l’artiste puisant à pleines mains dans les ready-mades. C’est ainsi qu’après les Boîtes à monocles, si raffinées et si ironiques, il créa les Bonshommes faits de blocs de bois et d’objets en fer mal dégrossis. Il s’agit de créatures robotiques qui évoquent des humanoïdes, préfiguration de son futur Homo Spatiens.

Bonhomme, 1960

Inhabited-planet1962Presque simultanément devaient  paraître les Planètes inhabitées, œuvres dans lesquelles l’artiste fait naître des volcans et des cratères par un procédé qui rappelle celui de la nature : des réactions chimiques provoquées par la peinture synthétique. En opposition avec les œuvres blanches, prédominent  dans ces nouvelles œuvres les couleurs criardes. En fonction de la représentation, Van Hoeydonck aura recours plus tard, surtout pour ses tableaux, à des couleurs très fortes, encore que le blanc garde toujours la primauté dans ses créations.

Inhabitated planet, 1962

Si, comme nous l’avons dit, 1961 représente une année-clé dans la carrière de Van Hoeydonck, cette même année 1961 devait également constituer un jalon dans l’histoire de l’humanité. C’est cette année-là en effet que fut commencée la conquête de l’espace avec les premiers vols habités exécutés par Gagarin, Sheppard et Titov. Ces premiers vols dans l’espace ont été beaucoup plus encore qu’un événement révolutionnaire d’une importance mondiale, ils ont été aussi le début d’une ère nouvelle. Van Hoeydonck voit son rêve enthousiaste devenir réalité. Outre ses Planètes inhabitées si passionnantes, naissent également ses premières Villes futuristes. Un silence immobile et blanc plane sur ces villes encore à découvrir. Plus tard, en 1964, Van Hoeydonck les peuplera d’une nouvelle race qu’il baptisera Mutants.

Tout en construisant ces Villes du futur, Van Hoeydonck travailla également  à la réalisation de Planetscapes. Des sphères plus grandes et plus petites sont semées au hasard sur une surface et blanchies au pistolet. Ces Planetscapes sont autant de visions impressionnantes de notre système solaire.

ring of giants1974Les idées d’espace de Van Hoeydonck sont toujours empreintes de romantisme. Il a d’ailleurs parlé lui-même de « romantic space engagement ». C’est cette sensibilité romantique qui peut être qualifiée de prophétique : son histoire plastique de science-fiction préfigure la réalité, réalité qui redevient science-fiction, nouvelle réalité de demain ? « Le temps de la planète Terre est révolu, dit-il, il y a d’autres planètes. Qui oserait prétendre qu’il n’y a pas de vie sur les autres planètes ? Bientôt, nous vivrons sur la lune. Notre époque est la nouvelle Renaissance … »

Spaceboys, 1964

En 1964 il va dès lors lier sa space-art story à ce qu’il nomme lui-même son histoire de l’exploration de l’espace. Le silence du Cosmos a été perturbé par l’intervention de l’homme. C’est alors que débute pour Van Hoeydonck une période d’une créativité intense, l’artiste maintenant en permanence cette relation entre le passé et l’avenir, entre l’histoire de l’Antiquité et l’exploration de l’espace. C’est l’affirmation de l’existence de l’Homo Spatiens !

spaceaccident1964space accident1963Que la conquête de l’espace allait demander également des sacrifices, était pour Van Hoeydonck une évidence. C’est pourquoi il composa, dès 1963, des œuvres portant le titre de Space Accident. Le premier accident de l’espace ne devait se produire que quatre années plus tard, en 1967.

Space accident, 1964
Space accident, 1963

Van Hoeydonck vit dans l’espace. En même temps il éprouve une admiration profonde pour tout ce que les développements technologiques ont apporté à l’homme et il considère cela comme vital pour assurer la survie de notre race humaine. C’est le progrès technocratique en effet qui a permis de partir à la conquête de l’espace. Il est incontestable qu’à l’époque Van Hoeydonck  était optimiste, en l’interprétant comme un élément positif qui nous offrirait la possibilité d’émigrer et de trouver par la colonisation de l’espace une solution au surpeuplement, ce qui aurait permis, par la même occasion d’éliminer les guerres.


Paul Van Hoeydonc 2Cependant, les radiations et les explosions de l’énergie nucléaire ont donné naissance à de nouvelles formes d’intelligence, indissociablement  liées à la mécanique et à l’électronique, d’où la prise de conscience de l’artiste que son homme nouveau, l’Homo Spatiens s’y trouverait exposé, avec comme conséquence des mutations spontanées qui devraient générer un nouveau type d’homme : le Mutant. Exposé à des irradiations intenses, ce Mutant pourrait développer des possibilités inédites. Voilà pourquoi nous trouvons chez Van Hoeydonck des enfants qui évoluent dans un monde de jeu complètement nouveau. L’idée de la mutation est, dans l’œuvre de Van Hoeydonck, l’une des idées les plus originales et en même temps l’une des principales visions de l’homme du futur. L’artiste, conscient de la réalité des possibilités incluses dans la mutation, ne cessera jamais de traiter le sujet, même si d’autres thèmes évolueront dans son œuvre. Ce qu’il recherche sans relâche, c’est une conception humaniste de la technologie.

 

Fall-of-Icarus1965Cependant le caractère de Van Hoeydonck ne se départit jamais d’un aspect double : à côté d’une disposition nettement positive qui lui apporte la vitalité et l’ambition, il connaît des moments de pessimisme qui tout en continuant de l’inspirer débouchent sur une vision quelque peu fataliste. Voilà pourquoi sa vision de l’aventure spatiale de l’homme portera toujours l’empreinte de cette ambivalence. Il y a d’une part sa croyance positive à l’extension du champ des connaissances et des expériences humaines qui finira par mener à la conquête de l’espace, et, d’autre part, la conscience fataliste et négative que cette conquête ne se fera pas sans qu’il y ait des victimes. Les accidents réels de la conquête de l’espace l’impressionnent fortement. Immédiatement, il fait le lien entre ces situations fatales et la mythologie antique en évoquant la figure mythologique d’Icare en tant que symbole de la témérité de l’homme. C’est de cette manière qu’il allait donner naissance au mythe futuriste d’Icare.

Fall of Icarus, 1965

 

 Little Astronaut1966LittleAstronautIV1967  mooncraterllittleastronauts1967
Little astronaut I, 1966 - Little astronaut IV, 1967 - Mooncrater little astronauts, 1967

En même temps que le mythe d’Icare, naissent les Spacedumps, autre conséquence négative de l’exploration de l’espace. La conquête, en effet, n’est pas seulement à l’origine d’accidents, elle est également génératrice de déchets spatiaux qui, petit à petit, menaceront le paysage de la terre. C’est par cet aspect que Van Hoeydonck, dès cette époque, donne une préfiguration du problème actuel de la pollution.

cyb1968cyb arm I1968Les progrès de la science ont conduit à la navigation spatiale, celle-ci a conduit l’homme dans l’espace, et pour pouvoir survivre dans l’espace il faut à l’homme le concours de la cybernétique. C’est la cybernétique en effet qui va procurer à l’homme les moyens d’extension élargissant le champ de ses possibilités. Après une série de Petits Astronautes et de Robots construits comme des trophées de l’espace, après Prisons à gogo, l’idée de l’exploration et de la colonisation de l’espace dominera de plus en plus dans l’inspiration de l’œuvre de Van Hoeydonck. L’apport de la cybernétique est fortement mis en relief. La CYB sera créée par Van Hoeydonck en fonction de ces missions interplanétaires. Et l’on retrouve ici aussi sa foi dans l’avenir de l’homme.

Cyb, 1968
Cyb arm I, 1968

La matière que Van Hoeydonck va intégrer dès cette époque, c’est l’acier chromé qu’il découpe dans les pare-chocs de voitures. Utilisé surtout dans ses œuvres cybernétiques d’inspiration manifestement sculpturale, la matière constituera également l’élément de base des Astros créés entre 1970 et 1974. L’astrotype nouvellement créé est le résultat direct de la pensée philosophique se concentrant sur l’analogie entre la politique communautaire close caractérisant les ordres chevaleresques du Moyen-Âge, comme l’ordre des Templiers, et celle régissant les astronautes américains ou les cosmonautes russes.  Tout comme dans les triptyques de l’espace il y avait des correspondances tangibles avec l’Antiquité grecque, nous avons ici la réminiscence du Moyen-Âge.


Plus d’une fois on voit apparaître dans ces « astrofigures » le mélange de couleurs, grâce à l’apport de fleurs ou de plexiglas. Dès ce moment, la couleur, et surtout le rouge, gagnera en importance. Les Otages qui datent de 1972 environ, sont noyés de couleur. Ces figures d’otages, un nouveau thème dans l’œuvre cosmique de l’artiste, s’inscrivent également dans le groupe des Accidents, déjà créé par l’artiste. Mais la forme en est différente et revêt une apparence plus terrestre. Les drapages sont remplacés ici par des bandages blancs qui entourent les figures, bandages tachés par des couleurs violentes. Des scènes sanguinolentes. Des bras et des jambes sont coupés, des torses fendus en deux.

C’est vers cette même époque que devaient sortir de son esprit des œuvres positives : les Robots à nourriture spirituelle. Van Hoeydonck en était arrivé à la conclusion que même des êtres fabriqués techniquement seraient un jour capables de digérer de manière autonome des nourritures spirituelles. Van Hoeydonck préfigure ici l’origine de l’internet, the « World wide web, www ».

    robotanourriturespirituelle1973-2  robotanourriturespirituelle1973         Astro maternity1972  astro christ1971
À gauche : 2 Robots à nourriture spirituelle, 1973 - Au milieu : Astro maternity, 1972  - À droite : Astro Christ, 1971

Nous avons parlé de l’intégration de la couleur dans les Astros et dans les Otages. Or ce sont précisément ces œuvres où couleur et peinture jouent un rôle qui, de manière assez inattendue, vont faire renaître chez Van Hoeydonck le besoin de se remettre à la peinture.

the last departure for taurus1975Du point de vue du contenu, force est cependant de constater qu’un glissement important s’est opéré. Le cosmos est abordé maintenant sous un angle totalement différent. Ce n’est plus cette prise directe sur l’espace ou sa conquête qui est relatée ici, mais bien la narration d’un songe qui se déroule dans l’esprit de l’artiste astronaute Van Hoeydonck, qui, redescendu sur terre, redécouvre celle-ci comme une planète et la resitue dans une situation paradisiaque où règne le singe (King Kong).

Ci-contre : Last departure for Taurus, 1975

Les tableaux sont construits comme d’énormes chromos, aux couleurs très dures, présentant en général un assemblage plan d’images comme on peut en voir sur les affiches publicitaires de cinéma. Ils sont également le résultat de ses dessins. Ceux-ci, à une période où le concept dominait partout, ne passaient pas. Van Hoeydonck en effet n’a jamais cessé de dessiner et bien qu’ayant recours le plus souvent à l’encre de Chine pour exécuter ses dessins, il va également utiliser à partir de 1964 des feutres de couleur. Quand il intègrera, à partir de 1970, la photo polaroïd, son intérêt pour la couleur prédominera alors dans son monde visionnaire. Cependant, il est possible qu’il y ait un retournement puisqu’aussi bien même les critiques les plus avant-gardistes ne jurent plus aujourd’hui que par la peinture.

archeo stele1975En même temps que son travail pictural, Van Hoeydonck va s’adonner avec la même ardeur et la même passion à une nouvelle série de sculptures portant comme titres Archeos et Bios, œuvres où prédomine son intérêt pour l’archéologie et donc son attachement à la terre. Alors que les Archeos sont fabriqués entièrement et exclusivement en bronze, les Bios sont constitués de bronze et d’acier inoxydable.  Il y a cependant aussi une différence fondamentale du point de vue contenu. Si les Archeos sortent en droite ligne d’un passé archaïque en combinaison avec la vision de l’espace de Van Hoeydonck, et constituent en quelque sorte de véritables « pièces de fouilles » déterrées du champ de fouilles de son imagination, les Bios sont le résultat d’une véritable science-fiction dans laquelle vivent des humanoïdes. Dans l’optique évolutionniste de Van Hoeydonck, ces Bios devaient se développer à partir de 1976 et des Symbios formant la synthèse entre l’Homo spatiens muté et l’homme cybernétique muté.

Archeo Stele, 1975

À côté des Archeos apparaissent également des Jardins de l’espace. Des branches, des champignons, des fleurs ; des rouages et des sphères sont coulés en série en bronze et installés dans des combinaisons éminemment romantiques. Chacun, par l’intervention d’une espèce d’ordinateur, est à même de créer son propre jardin de rêve. L’ordinateur est en effet le résultat des Robots à la nature spirituelle tout comme il est le résultat de l’extension, sur le plan mécanique, des possibilités de l’esprit.


Toute vie naît du cosmos : voilà l’une des constantes de la conviction de Van Hoeydonck, et il est donc naturel qu’il y revienne toujours pour en recréer les caractéristiques typiques qui illustrent sa propre conception philosophique de l’univers.

Son intérêt – et sa préoccupation -  pour les activités de la NASA, vues à la lumière de l’expansion de l’homme, ont toujours entretenu chez Van Hoeydonck un certain état d’esprit.

space torso with flower1980C’est ainsi qu’à la base des Archeos et des Bios, on retrouve un voyage en Grèce et que, formellement, les Bio Space Torsos portent l’empreinte de son voyage en Égypte. Son voyage à Kyoto (1984) (la ville de la lune) a été pour lui une révélation dont sortent toute une série d’œuvres, les « Kyotoscopes ». Il a voyagé aux Indes en 1991. Ce voyage fantastique l’a aussi inspiré à créer une série de nouvelles œuvres dans lesquelles surtout « Jaipur Observatory » était l’impulsion. Il créa aussi de nombreuses planètes comme « The Planets on Jantar Mantar ». Des voyages consciemment sélectionnés sont également déterminants et d’un intérêt primordial pour les dessins de Van Hoeydonck.

Space torso with flower, 1980

NewYorkRabbits on ONC1981

New York rabbits on ONC, 1981

Il serait utile de nous y arrêter quelques instants. New York et Venise sont deux villes qui ont joué un rôle capital dans la vie de l’artiste. Ce sont également des symboles de deux mondes diamétralement opposés. La première ville, en effet, est toute tendue vers l’avenir, la deuxième vit refermée sur son passé ; deux caractéristiques qui, nous l’avons vu, se retrouvent dans l’ensemble de l’œuvre de Van Hoeydonck.

Depuis 1970-71, Van Hoeydonck a fait des dessins en y intégrant des photos couleur en polaroïd. À l’origine, toutefois, il n’y avait aucun lien organique avec l’espace. Il ne tarderait toutefois pas à se manifester. En 1977 paraissent les séries Moonscapes et Moonrocks, suivies bientôt de New York Space Windows où pour la première fois l’artiste mélange ses propres prises avec des images ramenées de la lune par les astronautes. Ces collages furent à leur tour photographiés et réemployés dans des compositions nouvelles.

Elephant men1988Le recours à des photos, que l’artiste sort de leur contexte caractéristique, a toujours été considéré par lui comme une technique d’assemblage. Le dessin lui-même part toujours de certaines formes déjà présentes dans les photos essentiellement grâce au procédé de l’acte automatique. C’est ainsi que disparaît complètement la réalité logique en faveur d’une poésie de l’étrange qui, progressivement, rappelle de plus en plus le monde interplanétaire.

GretchenImWald1975-82Le Cosmos, en effet, reste l’un des domaines les plus passionnants pour l’esprit, monde où s’épanouissent le mieux l’imaginaire et l’imagination. Que l’intérêt pour le cosmos soit devenu un besoin pour les hommes nous n’en voulons pour preuve que l’audience accrue des films et des feuilletons télévisés de science-fiction évoquant l’espace et qui connaissent un succès inégalé jusqu’à ce jour.

Elephant men, 1988
Gretchen im Wald, 1975/82   

L’astromobile « Curiosity Rover » a atterri le 5 août 2012 sur Mars. Le président Obama parle d’une prestation technologique inconnue. Pour Paul Van Hoeydonck cette prestation signifie la confirmation de sa vision prophétique concernant la possibilité de l’homme d’émigrer vers d’autres planètes et de résoudre ainsi le problème de la surpopulation. Il croit aussi fermement dans la présence de vie sur d’autres planètes comme Mars, entre autres. Au début des années ’60 il prétendait qu’on entrait dans une nouvelle Renaissance. La Planète Rouge se trouve maintenant à notre portée. L’établissement est prévu pour 2023. On peut déjà s’inscrire pour un « one-way ticket ». Les « Martian Chronicles » (1950) de l’auteur Américain de science fiction Ray Bradbury, récemment décédé, reçoivent de nouveau pleine attention. L’exploration de l’homme dans l’espace est de nouveau à l’ordre du jour.

 

 

 

                                                                                  Willy van den Bussche
Septembre 2012

 

crayongris2Willy van den Bussche est historien de l’art, Conservateur en chef honoraire du PMMK, Musée d'Art Moderne à Ostende et du PMCP, Musée Constant Permeke à Jabbeke. Il est aussi fondateur et organisateur de Beaufort , Triënnale d'Art Contemporain sur Mer.

 

L'Université de Liège décernera le titre de docteur honoris causa à Paul van Hoeydonck lors de la cérémonie de rentrée académique le 26 septembre 2012.

 

 


 

VandenBussche-VanHoeydonck

 Paul van Hoeydonck (à droite)
et Willy van den Bussche

Willy van den Bussche a consacré plusieurs publications à l’oeuvre de Paul van Hoeydonck :

W.Van den Bussche, F.Wengen, Ph.Mertens, M.Van Boven, P.Restany, P.Reichart, J.Natasi , J.Van Der Marck, Retrospectieve Paul Van Hoeydonck, Cultuur Centrum,Turnhout, 1976.

W.Van den Bussche, Monografie Paul Van Hoeydonck;Lannoo,Tielt, 1980 

W.Van den Bussche, Paul Van Hoeydonck, Arte Print, Brussel, 1982

W.Van den Bussche, Kyotoscoop, PMMK, Oostende, 1989.

W.Van den Bussche, Rétro Paul Van Hoeydonck ,l'Abbaye des Cordeliers Chateauroux, 1990

W.Van den Bussche, Bollen, Designdruk Van Damme, Brugge, 1990

W.Van den Bussche, cat. Paul Van Hoeydonck, A.Mibus Whitford and Hughes gallery, London, 1990

W.Van den Bussche en P.Van Hoeydonck, Retrospectieve Paul Van Hoeydonck, PMMK, Stichting Kunstboek, Brugge, 1995

W.Van den Bussche, PaulVan Hoeydonck, Spacescapes, Mutants, Astros, Édition Guy Pieters Knokke, 2011

fallen astronautFallen Astronaut

En 1971, Louise Deutschmann de la Waddell Gallery a l’idée, complètement utopique, de faire déposer sur la lune une œuvre de Paul Van Hoeydonck, déjà bien connu aux États-Unis pour son travail entièrement consacré à l’espace. Les mois qui ont suivi ont montré que le projet n'était pas aussi impossible qu'on aurait pu le croire.  Lors d’une exposition à Washington, l'artiste est invité par des représentants de la NASA. Il rencontre ensuite les trois astronautes d’Apollo 15, avec qui il sympathise et qui finissent par accepter le projet, et même le Président Nixon, qui devait, bien évidemment, donner son autorisation.

L’œuvre devait  représenter un humain, sans distinction de sexe ou de race.

Pour Van Hoeydonck,  cette statuette représentait l'envol de l'homme vers les étoiles.

 

 

apollo15Le 2 août 1971, David Scott et James Irwin déposent sur la Lune, sur le régolite du site appelé Hadley Rille, la petite sculpture en aluminium de 8,5 cm.

Ce que Van Hoeydonck ignorait, c'est qu'ils ont placé, à côté de l’œuvre, une plaque commémorative portant, par ordre alphabétique, les noms des huit astronautes américains et six cosmonautes soviétiques, décédés1, transformant ainsi l'œuvre d'art en mémorial.

La présence de cette œuvre sur la Lune n'a été révélée au public par la NASA qu'au retour de la mission Apollo 16. C'est alors que l'artiste apprend ce qui a été fait de son Fallen astronaut. Il avait toujours prôné à la face de l’humanité entière sa foi dans l’espace et s’est senti alors lui-même otage de l’espace. 

Choqué, il estime désormais indécent de commercialiser l'œuvre et refuse toute vente. Il avait alors déjà réalisé 50 copies du Fallen Astronaut dans son atelier d’Anvers, en accord avec le contrat signé avec la NASA.  Un seul exemplaire avait déjà été vendu par la galerie gantoise Richard Foncke. Chacun des trois astonautes d’Apollo 15 a reçu une réplique. Une autre copie a été offerte au Smithsonian National Air and Space Museum en avril 1972, une autre à S.M. Le Roi Bauduin, une à Willy van den Bussche pour le Musée d’art moderne d’Ostende, une copie à Restany pour la déposer sur le Vésuve, une à Jan Stalmans, une à l’Eurospace Center de Redu, et une au Parlement flamand. Toutes les autres statuettes sont encore en sa possession. Il existe une copie agrandie 40x au musée des Beaux-Arts de Dunkerke.

L'Université de Liège est donc particulièrement fière de compter bientôt parmi les quelques rares détenteurs de cette œuvre.

 





Photos © NASA

1Liste des astronautes et cosmonautes figurant sur la plaque commémorative :
  • Theodore Freeman (31 octobre 1964, accident d'avion)
  • Charlie Bassett (28 février 1966, accident d'avion)
  • Elliot See (28 février 1966, accident d'avion)
  • Virgil Grissom (27 janvier 1967, incendie de la capsule Apollo 1)
  • Roger Chaffee (27 janvier 1967, incendie de la capsule Apollo 1)
  • Edward White (27 janvier 1967, incendie de la capsule Apollo 1)
  • Vladimir Komarov (24 avril 1967, mise en torche des parachutes de la capsule Soyouz 1)
  • Edward Givens (6 juin 1967, accident de voiture)
  • Clifton Williams (5 octobre 1967, accident d'avion)
  • Youri Gagarine (27 mars 1968, accident d'avion)
  • Pavel Beliaïev (10 janvier 1970, maladie)
  • Gueorgui Dobrovolski (30 juin 1971, dépressurisation accidentelle de la capsule Soyouz 11)
  • Viktor Patsaïev (30 juin 1971, dépressurisation accidentelle de la capsule Soyouz 11)
  • Vladislav Volkov (30 juin 1971, dépressurisation accidentelle de la capsule Soyouz 11)
Deux cosmonautes manquent, car les autorités soviétiques n'avaient pas encore révélé leur existence.
  • Valentin Bondarenko (23 mars 1961, décédé à l'entraînement dans l'incendie d'un caisson pressurisé)
  • Grigori Nelioubov (18 février 1966, écrasé par un train, suicide ou accident)


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