Trois romans, trois visions de l’espace. Allers-retours entre science et littérature.

La gravité artificielle

2001 Space Odyssey (13)Le vaisseau inconnu de Rendez-vous avec Rama est un gigantesque cylindre et l’on y vit sur les parois intérieures : cela est possible parce que le cylindre est en rotation. Cette idée de reproduire une gravité en utilisant la rotation (et sa fameuse force « centrifuge » fictive) date de 1883 et des idées pionnières de Tsiolkovsky : vous pouvez vous convaincre que ça « marche » en remplissant un seau avec un peu d’eau et en le faisant tourner rapidement au bout d’une ficelle – l’eau ne tombe pas, elle reste « collée » au fond du seau, pourtant pas vertical ! C’est le même principe pour l’essorage de salade ou de vêtements...

Les « disciples » de Tsiolkovsky, les célèbres Korolev et von Braun, respectivement pères des programmes spatiaux russes et américains durant la guerre froide, reprirent la chose. Von Braun, en particulier, la médiatisa, avec de superbes dessins parus dès 1952 montrant une station spatiale torique. Son aspect paraît familier, et c’est normal : c’est une sœur de la célèbre station de 2001. L’odyssée de l’espace (photo ci-contre). Mise sous forme cylindrique, la voici reprise dans Rama par le même auteur.

Depuis cinquante ans, jamais cette idée n’a été mise en pratique pour les astronautes : la station spatiale internationale ressemble à un gigantesque mécano très laid, pas à une roue élégante. Pourtant, les agences spatiales y pensent, car l’absence de gravité cause pas mal de difficultés : problèmes cardiovasculaires, perte de masse osseuse, muscles qui fondent, etc. Tant que les voyages sont courts (ils ne dépassent pas un an), on peut encore s’en accommoder, mais un voyage vers Mars, par exemple, prendra 30 mois ! Et l’on ne parle même pas de balades intersidérales...

Il y eut donc quelques essais de « centrifugeuses » sur des poissons et tortues en 1975, puis sur des rats en 1977, grâce aux sondes russes Bion. Par la suite, quelques essais supplémentaires furent tentés sur Skylab, la navette américaine, la station Mir... On envisagea même un satellite, hélas jamais construit. Côté humain, si l’on a bien effectué quelques expériences au sol depuis 1958, il n’y eut qu’un seul essai « spatial », lors de la mission Gemini 11. On arrima la sonde à une fusée Arena par un filin, on mit l’ensemble en rotation. Le tout très doucement : la « gravité » produite n’atteignait pas un millième de la gravité que nous subissons en permanence sur Terre. Du coup, les astronautes ne sentirent rien de particulier, mais les objets flottant, eux, étaient bien attirés par le faux « sol ».

Contact, de Carl Sagan

contactCarl Sagan est un célèbre astronome américain, connu du grand public notamment pour ses œuvres de vulgarisation (Cosmos, 1980, adapté en série documentaire télévisée). Il a publié en 1985 un roman de science-fiction spatiale, Contact, adapté au cinéma par Robert Zemeckis en 1997, avec Jodie Foster.

Le roman raconte la découverte, par une jeune radioastronome, d’un message extra-terrestre venant d’une civilisation plus avancée. Ce point de départ permet à Sagan de dresser un portrait de différents personnages, incarnant plusieurs types de réaction par rapport à la découverte, et de leurs interactions (conflit entre scientifiques, entre science et religion, etc.). Il est aussi l’occasion, pour Sagan, de se lancer dans une véritable défense de la radioastronomie et en particulier d’un programme de type SETI, qui voit la collaboration de toute la planète. Parfois maladroit dans la construction de certains personnages (Haden, le milliardaire financier de l’opération, a prêté le flanc à la critique chez certains lecteurs), le roman est plus une occasion pour l’auteur de développer sa pensée concernant l’origine du monde que de mener tambour battant un scénario d’action. L’idée d’un message divin trouvable par tous, qui se logerait dans le nombre pi, a un petit côté ésotérique. En même temps, ce message invite à une réflexion sur la perfection mathématique et la perfection divine. En somme, Contact, très marqué politiquement par son époque (avec son contexte de guerre froide prolongée jusqu’aux années 2000 et la nécessité de collaborer en dépassant le conflit terrestre pour tenter de communiquer avec l’espace), se présente comme un roman philosophique de scientifique passionné. Il propose ainsi, notamment, un cadre de réflexion intéressant concernant une problématique bien réelle, la communication extra-terrestre.

Communiquer... Ce n’est déjà pas simple avec nos semblables restés sur Terre, ou nos robots envoyés non loin, alors que dire d’une éventuelle communication extraterrestre !

Communiquer va dans les deux sens. Commençons par l’envoi de messages. Bien sûr, il y a les envois non dédiés : signaux TV, commandes pour les sondes interplanétaires, etc. Tout cela peut atterrir dans une oreille alien (pas trop éloignée quand même car la force des signaux diminue vite avec la distance !), mais ce n’est pas fait pour (d’où le moment d’angoisse quand les scientifiques voient Hitler apparaître dans le message extraterrestre du roman !).

Toutefois, on n’en est pas resté là. En fait, on y pense même depuis longtemps. Ainsi, au 19e siècle, Karl Gauss (1777-1855) aurait proposé d’utiliser des miroirs pour envoyer un signal lumineux tandis que d’autres envisageaient, pour stimuler les discussions interplanétaires (sélènes, martiens et vénusiens étaient alors supposés exister), de construire des structures géométriques remarquables, par exemple un triangle rectangle flanqué de trois carrés signalant notre connaissance du théorème de Pythagore.

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