Manga, la tête dans les étoiles

Le manga est un genre de bande dessinée qui, encore plus que les productions européennes ou américaines, touche une très large gamme de sujets et un public varié.  Aventures amoureuses, séries sportives ou policières, manga historiques, fantasy et autres thèmes classiques voisinent avec des œuvres traitant de cuisine, d’œnologie, de shiatsu, de politique, d’économie ou même de sumo. Dans cette foison de sujets, il est logique de trouver la science-fiction en bonne place.

AstroBoyOsamu Tezuka (1928-1989), considéré à juste titre comme le père du manga moderne, est celui qui a montré la voie de la variété, ses quelque 600 manga traitant de très nombreux thèmes. Citons notamment  Jungle Taitei  (« Le roi Leo »),  Hi no tori (« Phénix »), Ribon no kishi (« Princesse Saphir »), Blackjack, Bouddha ou Adolf ni tsugu  (« L’histoire des 3 Adolfs »). S’il n’a pas vraiment développé la science-fiction spatiale, il introduit un élément emblématique de la science-fiction japonaise en général : le robot. En effet, une de ses séries les plus populaires, largement diffusée grâce à son adaptation en dessin animé, est Tetsuwan Atomu (publié de 1952 à 1968), connu en Europe francophone sous le nom d’Astro Boy. Petit robot créé à l’image du fils défunt de son créateur, il est abandonné par celui-ci et recueilli par un savant qui va l’aider à se mettre au service de l’humanité. De là est né l’amour des Japonais pour les robots aux pouvoirs surhumains, toujours bien vivace dans la BD actuelle.

Souvent considéré comme le successeur de Tezuka, avec lequel il a d’ailleurs travaillé, Leiji Matsumoto (né en 1938) s’est quant à lui pris de passion pour l’espace où se déroule l’action de toutes ses séries phares, comme Captain Harlock (« Albator », créé en 1969) ou Galaxy Express 999 (publié au Japon dès 1977). Il y revient encore récemment, en 2003, pour réaliser un moyen-métrage muet basé sur les musiques de l’album Discovery du groupe français Daft Punk.  Ce long clip, baptisé Interstella 5555, narre les aventures d’un groupe de musiciens extra-terrestres reconditionnés pour s’adapter au star-system de la planète Terre. Les amateurs y retrouvent le style caractéristique du dessinateur, notamment les personnages féminins longilignes. L’espace chez Matsumoto est surtout le prétexte à faire voyager ses personnages à travers des univers différents, chaque planète et chaque population rencontrée permettant au héros de progresser dans sa quête (Galaxy Express 999). Dans Captain Harlock, il accorde cependant une plus grande attention aux combats interstellaires et aux vaisseaux spatiaux, notamment le célèbre Arcadia du capitaine.

albatorf cobra
Captain Harlock    -
   Space Adventures Cobra

Une série incontournable lorsqu’on évoque l’association de l’espace et du manga est Space Adventures Cobra (première série éditée de 1979 à 1988), œuvre de Buichi Terasawa. Né en 1955, Terasawa est également un ancien collaborateur de Tezuka et commence sa carrière en dessinant des manga pour jeunes filles (shojo manga). La célébrité viendra avec les aventures de Cobra, sorte de croisement entre James Bond et Jean-Paul Belmondo dans « Le Magnifique ». C’est d’ailleurs clairement de l’acteur français que s’est inspiré l’auteur pour les traits du visage de son héros mais également pour son humour noir, son charisme séducteur et sa gouaille. Cobra vient avec tous les accessoires nécessaires à l’époque pour un bon « space-opera » : vaisseaux aux lignes futuristes, membre artificiel (le bras de Cobra est un redoutable pistolet laser), jolies extraterrestres  et planètes étranges.

Comme je l’ai dit plus haut, une des composantes essentielles de la SF japonaise est le robot. Il se retrouve dans de très nombreuses séries, qui sont parmi les plus populaires de l’archipel. Après Astro Boy viendra UFO Robot Grendizer de Go Nagai (né en 1945), qui introduisit ce thème en Europe, sous le nom de « Goldorak » ;  il n’y  connut cependant jamais le même engouement qu’au Japon. Tenku no Escaflowne (“Vision d’Escaflowne”) est une œuvre très emblématique : il s’agit à l’origine d’un dessin animé qui fut, fort de son succès, adapté en deux manga bien distincts, l’un destiné aux filles (shojo) et l’autre aux garçons (shonen), preuve que le robot n’est pas un thème exclusivement masculin.  Shinseiki Evangelion (« Neon Genesis Evangelion ») est également à la base un dessin animé de Hideaki Anno adapté ensuite en manga, qui fut lors de sa sortie un véritable phénomène de société au Japon et, dans une moindre mesure, en Europe.  Cependant, la série dominant ce bref panorama est Mobile Suit Gundam, franchise qui a donné lieu à de nombreux manga, plusieurs séries télévisées, des longs métrages etc.  Dans ce genre bien typique du manga, qu’on appelle parfois mecha, l’espace est essentiellement l’endroit d’où viennent les envahisseurs (Evangelion) ou encore le lieu de refuge d’une humanité chassée de la planète Terre. Soulignons en particulier dans la série Gundam la volonté des créateurs de réaliser une œuvre cohérente et en phase avec les découvertes scientifiques actuelles, de manière à donner une certaine crédibilité aux théories développées. Nous sommes loin de l’imagination pure et débridée de Tezuka, Matsumoto ou Terasawa.

goldorak gundam
UFO Robot Grendizer -
Mobile Suit Gundam

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