« Vers l'infini et au-delà ! » Le cinéma à la conquête de l'espace

Space Opera

Comme tout film de genre, le récit de science-fiction est un récit d’évasion. Le voyage dans l’espace, la découverte d’autres planètes, d’autres mondes, d’autres formes de vie offrent à l’aventurier qui sommeille en chaque spectateur son lot de rêves et d’émotions. Empruntant aux comics américains ses formes romanesques, ludiques et mélodramatiques, son décorum bariolé et ses personnages étincelants, le cinéma convoque son armada d’artifices sonores et visuels pour conter d’épiques et fabuleuses odyssées spatiales. Le serial Flash Gordon (réalisé par Stephani et Taylor) et la série télévisée Star Trek (fondée par Gene Roddenberry en 1960, et les onze longs-métrages qui en découlent), l’épopée Star Wars (la double trilogie de George Lucas débutée en 1977) ou la saga Alien (entamée par Ridley Scott en 1979), les séries récentes Firefly (Joss Whedon, 2002) ou Battlestar Galactica (Ronald D. Moore, 2004), les chefs d’œuvre et classiques du cinéma Forbidden Planet (Fred M. Wilcox, 1956) et 2001, A Space Odyssey (Stanley Kubrick, 1968), les pacotilles rutilantes de Barbarella (Roger Vadim, 1968), les hantises de Event Horizon (Paul W.S. Anderson, 1998) ou les psychoses de Sunshine (Danny Boyle, 2007), pour ne citer que quelques titres parmi des milliers d’autres, sont des œuvres fantasques ou réalistes, exaltées ou mesurées, métaphysiques ou anecdotiques, mais qui toutes inventent avec force les images de l’incommensurable.

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A Space Odyssey, Stanley Kubrick - Star Trek - Sunshine, Danny Boyle

Souvent à la croisée des genres (fantastique, fantasy, épouvante, drame, film de guerre ou film de sabre, aventures maritimes, auxquelles la SF emprunte son vocabulaire, et bien entendu western ; la conquête de l’espace modernisant les motifs de la conquête de l’Ouest, comme le rappellent si bien le dessin animé Toy Story7, à travers la confrontation de ses deux protagonistes Woody le cow-boy et Buzz le cosmonaute, ou les vétérans Space Cowboys de Clint Eastwood8), ces films passionnent souvent par l’inventivité de leur mise en scène. Comment, par exemple, représenter le voyage dans l’hyperespace, la vitesse, la traversée d’années-lumière (la lenteur majestueuse des vaisseaux-cargos de 2001 A Space Odyssey, Alien, Battlestar Galactica, Prometheus9 ou les effets de trajectoire lumineuse de Star Trek et Star Wars) ? L’apesanteur (les trucages de plexiglas de Barbarella, le fameux tambour cylindrique de 2001, les trucages numériques de Mission to Mars) ? Les forces d’attraction des astres et autres trous noirs (Dark Star de John Carpenter en 1974, The Black Hole de Gary Nelson en 1979) ? Les concepts mêmes d’énergie, d’espace-temps, d’infinitude ? Enfin, à travers décors, accessoires, maquillages, effets optiques et numériques, comment représenter le futur, l’ailleurs, et l’autre ?

Pour Boris Vian, le malheur du cinéma, comparé à la littérature comme moyen d'expression de la science-fiction, réside en son manque de capacité à l’abstraction10. Le film est condamné à matérialiser. Il est autorisé de penser l’inverse : le plaisir et le bonheur du cinéma tiennent à son inéluctable et périlleuse concrétude. Si le film de science-fiction peut s’avérer passionnant, c’est aussi parce que le cinéma, pour le pire comme pour le meilleur, est un prodigieux inventeur de formes.

Dick Tomasovic
Août 2012

microgris

Dick Tomasovic enseigne au Département des Arts et Sciences de la communication -  Théories et pratiques du spectacle (vivant ou enregistré).

Voir son Parcours Chercheur sur Reflexions


 

Références bibliographiques

-          Jacques Siclier et André S. Labarthe, Images de la science-fiction, Ed. du Cerf, Paris, 1958.
-          Jean-Pierre Bouyxou, La Science-fiction au cinéma, Union Générale d’Éditions, 10/18, Paris, 1971.
-          ‪Vivian Sobchak, Screening Space : ‪The American Science Fiction Film, ‪Rutgers University Press, New York, ‪1997.
-          Christine Cornea, Science Fiction Cinema, ‪Edinburgh University Press, Edinburgh, 2007.
-           Michel Chion, Les Films de science-fiction, Cahiers du cinéma, Paris, 2008.
-          Éric Dufour, Le Cinéma de science-fiction, Armand Colin, Paris, 2011.


7 Réalisé par John Lasseter en 1995.

8 Réalisé en 2000.

9 Réalisé par Ridley Scott en 2012.

10 Pierre Kast et Boris Vian, “Entretien autour de la science-fiction” in L’Écran, n° 1, janvier 1958, cité par J. Siclier et A.S. Labarthe, Images de la science-fiction, Paris, Éd. du Cerf, 1958, p. 82.

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