« Vers l'infini et au-delà ! » Le cinéma à la conquête de l'espace

Mars, la rouge

aelitaS’il faut attendre les années 50 pour que Mars et ses martiens deviennent la nouvelle menace préférée de la SF américaine, métaphore explicite du péril rouge communiste, la planète terrible apparaît cependant dans quelques films pionniers, dont le film d’aventure danois Himmelskibet (À 14 millions de lieues de la Terre), réalisé par Holger-Madsen en 1917, relatant une première expédition pour Mars. Le célèbre et très hétéroclite Aelita (photo ci-contre), probable premier film de science-fiction soviétique muet, réalisé par Yakov Protazanov, date de 1924. Cette superproduction politique et artistique, difficile à résumer, entraine un ingénieur aéronautique dans une rêverie martienne à la suite de la réception d’un énigmatique message parvenu du fin fond de l’espace. Il découvre une planète spectaculaire aux formes angulaires (le constructivisme des décors, costumes et accessoires d’Aleksandra Ekster et Isaac Rabinovich émerveillent) et surtout l’érotisme de la Reine Aelita, fille d’un despote partagée entre rêve de rébellion et soif de pouvoir. Martiens et prolétariens, même combat. 

On le comprend, Mars la lointaine, Mars la martiale, invite un imaginaire différent, sinon moins poétique que celui de la lune, certainement plus belliqueux. Mars semble avoir posé inlassablement au cinéma la question de l’existence, généralement hostile, d’une autre forme de vie. Le thème est un imposé de la science-fiction hollywoodienne. Les astronautes de Rocketship XM, en mission pour la Lune, échouent finalement sur Mars et sont attaqués par les derniers survivants de la planète. Mêlant habilement souffle épique et souci du vraisemblable, Conquest of Space de Byron Haskin (1955) fait de Mars bien plus qu’un décor : c’est en effet la planète elle-même qui semble ne pas vouloir se laisser coloniser et mettre en péril ses explorateurs terriens. Quelques années plus tard, le même réalisateur offrira une nouvelle jeunesse, un nouveau cadre et de nouveaux ennemis au personnage de Robinson Crusoe (Robinson Crusoe on Mars, 1964). Par excellence, Mars incarne le lieu absolu de toutes les altérités, comme en témoignent encore récemment les films de John Carpenter (Ghost of Mars, 2001) ou d’Andrew Stanton (John Carter, 2012), même si ces altérités nous renvoient à nos propres origines (le final faussement déroutant de Mission to Mars de Brian de Palma en 2000) ou notre propre identité (Total Recall, Paul Verhoeven, 1990). Enfin, Mars n’apparait pas seulement comme une terre fort peu accueillante pour ses visiteurs étrangers, elle est aussi l’arrière base d’un peuple d’envahisseurs comme le découvrent inopinément les cosmonautes de Flight to Mars (Lesley Selander, 1951). Les explorateurs rencontrent d’abord des martiens fort aimables, aux tenues colorées, pratiquant un anglais parfait et proposant cordialement leurs services pour réparer la fusée des Terriens endommagée, avant de s’apercevoir que les extra-terrestres fomentent en vérité un terrible plan d’invasion de la Terre. Les titres des films qui suivent sont d’ailleurs on ne peut plus explicites quant à la barbarie et aux intentions répétées de ces créatures de « l’outer space », de Invaders from Mars (Les Envahisseurs de la planète rouge, 1953) de William C. Menzies (et son remake de 1986 par Tobe Hooper)  à Mars Attacks ! de Tim Burton en 1996, sans oublier The War of the Worlds (La Guerre des Mondes, de Byron Haskin en 1953 et la version de Steven Spielberg, le grand cinéaste-imagier des extra-terrestres, en 2005).

Robinson crusoe on mars movie poster robinson crusoe on mars still2 mission-to-mars
Robinson Crusoe on Mars, Byron Haskin - Mission to Mars, Brian De Palma

Plus rarement, Mars a pu apparaître comme une Terre de substitution, une planète de secours et d’accueil, un nouvel Éden possible, mais, comme chacun s’en doute, aucun corps céleste ne se laisse si facilement conquérir (Red Planet, Anthony Hoffman, 2000). À l’heure de l’écriture de ces lignes, une série de photomontages circule énormément sur Internet : on y voit le rover Curiosity systématiquement berné par des Aliens bien connus des cinéphiles. Une manière d’affirmer une fois de plus la suprématie de la force des images cinématographiques sur celles de la science.

Page : précédente 1 2 3 4 suivante