Quel avenir pour les foires du livre ?

La Foire du Livre de Bruxelles 2009, et son édition alternative, le Off, ont pour la 2e année consécutive ouvert leurs portes simultanément au début du mois de mars. Le Salon du Livre de Paris, avec en invité d'honneur le Mexique, se tient Porte de Versailles, du 13 au 18 mars. Avec Tanguy Habrand, membre du Centre d'étude du livre contemporain de l'ULg, quelques réflexions sur ces manifestations qui peinent parfois à trouver un juste équilibre entre économie et culture.

Evénement incontournable de l'année littéraire en Communauté française, la Foire du Livre de Bruxelles a été ébranlée l'an dernier par la création d'un Off. Un groupe d'éditeurs indépendants avait en effet décidé de proposer une alternative, non pas à, mais contre la Foire du Livre. Cette année encore, la manifestation a soulevé de nombreuses questions, certains libraires refusant même d'y participer, la jugeant trop commerciale. La Foire de Bruxelles est-elle inaccessible pour les petits éditeurs ? Est-elle uniquement un gigantesque marché du livre ? Comment justifier alors une telle couverture médiatique pour un événement qui ne serait que commercial ? Les questions soulevées n'ont pas empêché le public de se rendre à Tour et Taxis. Du côté du Off, un public plus pointu, et forcément moins nombreux a fait également le déplacement. Tanguy Habrand, assistant au Département des arts et sciences de la communication, et membre du CELIC (Centre d'étude du livre contemporain), analyse la situation.

 

Foire du livre

 

Présentée comme un événement culturel, la Foire est aussi une grande manifestation commerciale. Deux rôles conciliables ?

Tanguy Habrand : Tout dépend de ce qu'on entend par« manifestation commerciale ». Qu'on le veuille ou non, le livre est un produit. Un produit « pas comme les autres », la formule est entendue, mais un produit tout de même. En tant que tel, on ne peut pas lui en vouloir d'être commercialisé. Le tout, c'est de ne pas négliger ses autres aspects, trouver le bon équilibre entre économie et culture, se donner les moyens d'organiser un événement grand public sans tomber dans la foire aux aspirateurs.

Quelle est la place d'une Foire ou d'un Salon du Livre dans le monde de l'édition ?

Les missions d'une foire sont nombreuses, et d'autant plus difficiles à cerner qu'il n'existe pas un type de Foire du Livre. À Angoulême ou à Montreuil, on privilégie la bande dessinée ou le livre pour la jeunesse. À Bruxelles, l'heure n'est pas à la spécialisation, mais à la célébration du livre sous toutes ses formes (littérature, essai, bande dessinée, scolaire, etc.). Sur place, le premier rôle d'une Foire comme celle de Bruxelles est évidemment de faciliter le contact entre les lecteurs et le livre. Par lecteur, je n'entends pas forcément l'étudiant en philosophie et lettres, le professeur de français quinquagénaire, le bibliothécaire qui vient se documenter ou le dévoreur (probablement maladif) de livres. Ce sont aussi ceux pour lesquels la lecture et a fortiori la littérature ne vont pas de soi, qui sont ici concernés. Au cours de l'année, franchir le seuil d'une librairie n'est pas donné à tout le monde. Le côté festif et sensiblement désincarné d'une Foire a l'avantage de dédramatiser le rapport au livre. Combien d'écoles partent en excursion à la Foire du Livre de Bruxelles ? Je n'ai pas les chiffres, mais c'est loin d'être négligeable. On gère plus difficilement une excursion dans une librairie de quartier.

La Foire du Livre permet d'en savoir un peu plus sur les conditions de production du livre, de ne pas le concevoir uniquement comme un bloc de papier dans un rayon. Dans la plupart des Foires, les livres sont classés non pas par genre, mais par éditeur. Et l'éditeur est souvent là pour présenter ses livres. Pour le lecteur, c'est l'occasion de voir que le livre n'est pas juste le produit d'un robinet qu'on tourne, mais que toute publication répond à des choix, qu'ils soient économiques, esthétiques ou idéologiques. Hors les murs, la Foire du Livre est aussi l'occasion pour les médias de se rappeler que le livre existe. On peut le regretter, mais proportionnellement, le nombre d'articles qui paraissent sur le livre explose irrémédiablement à la même date. C'est une loi contestable, mais bien réelle : pour bien des supports de presse, pour qu'il y ait sujet, il doit y avoir « événement ». Le livre surfe sur la vague de l'actualité, c'est déjà ça de pris même si la semaine qui suit, en sage retour à la normale, on cherche en vain les bonnes résolutions.

 

 

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