Hommage à Henri Pousseur

Compositeur de renommée internationale et pédagogue d'une ouverture d'esprit remarquable, ami de Pierre Bartholomée et de Michel Butor, Henri Pousseur s'est éteint le 6 mars 2009, à la veille de ses 80 ans. Le Festival Ars Musica lui rend hommage, à Liège et Bruxelles.

Pousseur

Le Festival Ars Musica 2009 avait prévu de lui consacrer, à Liège et à Bruxelles, des journées d'hommage, en compagnie de ses amis, Pierre Bartholomée, Jean-Pierre Peuvion, Brigitte Foccroulle, Michel Massot, de l'Ensemble Musiques Nouvelles (voir le programme). Mais cet hommage sera malheureusement posthume : le compositeur des Ephémérides d'Icare, de Votre Faust  (avec Michel Butor), des Cinq soupirs pour une clairière et encore des Voix planétaires s'est éteint , le 6 mars 2009, à la veille de ses 80 ans.

Compositeur de réputation internationale, figure majeure de la musique européenne, directeur du Conservatoire de Liège, qu'il ouvrit au jazz et à la musique d'improvisation (avec Garrett List et Frederic Rzewsky),  Henri Pousseur accordait une place quasiment égale à l'enseignement de la musique.

Il le pratiqua lui-même, notamment en Allemagne dans les années 1950, puis dès les années 1960 aux Etats-Unis. En 1984, il fut à la base de la création, à Paris, de l'Institut de pédagogie musicale, qui sera par la suite intégré au sein de la Cité de la Musique. Chargé de cours au département de Philosophie et Lettres de l'Université de Liège, Henri Pousseur fonda également à Liège en 1970, avec Pierre Bartholomée, le Centre de recherches musicales de Wallonie, lieu d'expérimentations, de recherches et de créations en musique contemporaine. Marie-Isabelle Collard, qui le co-dirige actuellement avec Arne Deforce (www.cfrmw.be ) rappelle ici en quelques mots l'importance qu'eut Henri Pousseur pour des générations de musiciens et d'étudiants. 

photo © Maxime Godard

Marie-Isabelle Collard : L'envergure de la personnalité d'Henri Pousseur dépasse de loin ce que les jeunes générations savent de lui à Liège et en Communauté française. Très connu en Allemagne, en France, où il enseigna ainsi qu'aux Etats-Unis, Henri Pousseur a joué un rôle important dans l'analyse de la musique au XXe siècle : par ses propres écrits et théories personnelles, sur la musique électronique ou l'analyse de pièces musicales, et par des contributions à une réflexion sur l'écriture de la musique. Mais Henri Pousseur a également joué un rôle pédagogique fondamental dans l'évolution des études sur la musique aujourd'hui. Le Conservatoire de Liège, sous sa direction, y a été un lieu d'ouverture extraordinaire, et en garde d'ailleurs davantage que des traces. Henri Pousseur a eu une attitude tout à fait unique dans l'approche de la musique, notamment en pratiquant le « crossing-over » et en favorisant le décloisonnement des genres, à une époque où l'on n'en parlait pas.

Pousseur
photo © Maxime Godard 

L'influence de son séjour aux Etats-Unis fut-elle déterminante ?

Certainement. Comme il avait enseigné aux Etats-Unis mais aussi découvert la manière dont on y enseignait la musique, il en a ramené cette idée de faire se croiser des univers musicaux différents. Ce qu'il a mis en pratique en fondant le Centre de recherches musicales en 1970, avec Pierre Bartholomée. Il a par exemple connu aux Etats-Unis les luttes d'émancipation raciale et faisait écouter et analyser ici les chants de luttes des Noirs, au même titre que d'autres types de musiques. Il était également très sensible au jazz,  et c'est grâce à lui que le Conservatoire de Liège, avant celui de Bruxelles, a intégré des classes de jazz au sein des formations. Il a également favorisé l'approche pluri-disciplinaire de l'écriture musicale, a insisté sur l'importance des séminaires de musiques électroniques, de l'improvisation, pour permettre le développement artistique de personnes qui n'avaient peut-être pas les connaissances stricto sensu que l'on dispensait dans les conservatoires. Liège est le premier Conservatoire francophone a avoir eu à titre expérimental, puis à titre officiel, une classe d'écriture musicale, puis les classes d'improvisation, avec Garrett List, Frederic Rzewski, Jean-Pierre Peuvion...  Ce sont des combats qu'Henri Pousseur a menés, d'abord au Centre de recherches musicales, ensuite au Conservatoire. Henri Pousseur était quelqu'un qui avait fréquenté de près les utopies, mais pas de manière simpliste. Il avait une immense ouverture, celle des années 1970 bien sûr, mais qui chez lui n'a rien de naïf : elle a clairement une dimension sociale et politique, et il l'a transmise dans son enseignement.

Vous avez été l'élève d'Henri Pousseur, puis vous lui avez succédé, après Pascal Decroupet, à la tête du Centre de recherches et de formation musicales de Wallonie (CRFMW). Que retenez-vous de lui ?

C'était un passeur extraordinaire, doté d'un immense charisme. Il avait une approche extrêmement généreuse des êtres, et une grande bienveillance à leur égard.

 

Propos recueillis par Alain Delaunois
Mars 2009 

 

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Alain Delaunois est journaliste culturel à la RTBF, et enseigne la pratique de la critique culturelle au département des Arts et Sciences de la Communication.


 

On trouvera une approche, richement illustrée, de l'univers du compositeur, musicien, pédagogue et poète qu'était Henri Pousseur dans l'ouvrage de Michel Hubin,  Henri Pousseur, rencontre avec son temps, coll. Empreintes, Ed. Luc Pire/Province de Liège, Liège, 2004. Y est joint également un CD, où l'on peut écouter trois compositions d'Henri Pousseur : Les métamorphoses de Marie-Madeleine, Les noces d'Icare et de Mnémosyne et Eclipticare (en mémoire de Yannis Xenakis).
Chez Mardaga, où avaient déjà été publiés, dans une édition de Pascal Decroupet, les Textes théoriques, 1954-1967 (Liège, 2004), paraît Série et harmonie généralisées, une théorie de la composition musicale, un volume d'articles et textes d'Henri Pousseur, également réunis par Pascal Decroupet.
De nombreuses œuvres d'Henri Pousseur ont été créées au disque. On trouvera une discographie complète, ainsi que de nombreux renseignements bio-bibliographiques, sur le site d'Henri Pousseur, www.henripousseur.net