Laurent Albarracin, Broussailles

AlbarracinJe vous ai déjà parlé à deux reprises, dans ces estivales chroniques, du poète français Laurent Albarracin, à propos de Le Ruisseau, l’éclair et de Le Secret secret. Cela ne me suffit plus : il me faut vous en parler encore. Car du temps est passé et le poète, par bonheur, a continué à écrire.

Son dernier recueil, Broussailles, voit même son art gagner en efficacité, en abstraction, en densité. Albarracin, poète de la tautologie, est de plus en plus aussi un poète du réel, de la nature et des choses, dont il cherche, me semble-t-il, à donner des équivalents textuels en usant d’une fantastique maîtrise du langage, de la syntaxe, de la disposition des vers, de la sémantique et de la rhétorique. C’est une impression de perfection que laissent au lecteur ses vers, libres au deux sens du terme, tourbillonnants et précis. Un sentiment de nécessité poétique : il ne faudrait pas en changer le moindre terme.

L’esprit de recherche formelle n’empêche nullement Broussailles de jouir d’une belle unité de sujet : le recueil est presque tout entier consacré à la broussaille éponyme. Mais, peut-être, en mimant la nature grâce à la plasticité du langage, Laurent Albarracin nous donne-t-il aussi, mine de rien, une petite leçon de morale, stoïcienne et ironique. Illustrons notre propos en citant, pour finir ce compte rendu, un poème magnifique :

Que du roncier s’échappent les ronces
empêtrées dans leur élan
les ronces enroncées
les ronces qui vont à bout de fleurs
s’enraciner la tête dans la terre

et le monde est un brouillon général
où tout s’essaie et se
réussit s’essayant

un unique brouillon perpétuel
qui n’a sa copie nulle part
qu’en lui

 

Laurent Demoulin


Laurent Albarracin, Broussailles, ill. Aaron Clarke,  L’Herbe qui tremble, 2017, 64 p.
 

Lectures pour l'été 2017
Poésie

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