Style, de la Mexicaine Dolores Dorantes, rassemble une soixantaine de textes poétiques compacts portés par une multitude de voix.
Qui sont ces grappes de petites chéries, ces filles de cendre aux cœurs en chute ? Leurs voix meurtries et malmenées, Dolores Dorantes les a entendues autour d’elle, ce sont les cris éteints des ouvrières de Ciudad Juárez, ce sont les hurlements brisés des victimes de féminicides, meurtres de genre qui font la sinistre réputation de la ville mexicaine.
Que nous disent ces voix ? Elles déroulent devant nous les images de leur souffrance, s’adressent au bourreau dans un dialogue intime, à tu et à toi : Donne-nous en offrande, Monte-nous et maintiens-nous vivantes. Se sachant perdues, les petites chéries nues retrouvent, dans la langue, un semblant de dignité, parvenant à renverser par moments le rapport de force : Nous voulons toutes qu’on nous ferme la bouche, Nous allons fleurir sans ton consentement. La langue de Dorantes est hallucinée, mortifère mais vivifiante, souffrante et sadique à la fois.
Pour la restituer en français, il faut saluer le travail remarquable de la traductrice Cathy Fourez, qui rend chaque vibration du texte espagnol, et nous éclaire dans une postface fouillée sur la situation des femmes au Mexique.
Alexis Alvarez
Dolores Dorantes, Style, Trad. Cathy Fourez, L’arbre à parole, coll. IF, 2016, 77p.