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Lectures pour l'été 2017 - Poches - Littérature étrangère

08 June 2017
Lectures pour l'été 2017 - Poches - Littérature étrangère

PaduraLeonardo Padura, Ce qui désirait arriver (Points)

Les treize récits qui composent ce recueil de Leonardo Padura, né en 1955 à La Havane où il vit toujours,  sont autant de photographies du Cuba et des Cubains, avec quelques éléments récurrents. L’Angola, par exemple, où un certain nombre d’habitants de l’île ont été envoyés en mission. Tel Mauricio, qui voudrait rentrer en passant par Madrid pour pouvoir aller admirer l’exposition Vélasquez. Ou Ernesto, impatient de retrouver sa femme même si quitter celle qui, pendant deux ans, lui a permis de supporter l’éloignement, le rend malheureux. Ou encore Elias qui, de retour de ce pays d’Afrique où il a servi comme soldat et d’où il n’était pas sûr de revenir vivant, apprend la mort e son ami d’enfance. Un autre fil conducteur est la sexualité qui donne à certaines nouvelles une charge érotique torride. José Ramon passe une nuit inoubliable avec son ex-belle-sœur dont il a toujours été secrètement amoureux. Des adolescents égrènent leurs journées et leurs nits à boire du rhum et à forniquer tout en rêvant des states. Un étudiant passe neuf nuits – pas une de plus – avec une chanteuse qui, au-delà de la fascination, avait provoqué chez lui une vraie addiction. On suit également une vieille dame inscrite à un atelier d’écriture, une pianiste de restaurant qui a fait une croix sur ses rêves de gloire ou un homme dont l’ambition de se rendre à Venise, et peut-être d’épouser une femme « grosse et vieille » qui lui permettrait de rester en Italie, est contrecarrée par une plaisante rencontre.

Traduit de l’espagnol par Elena Zayas

 

 

BenchleyRobert Benchley, Les enfants, pour quoi faire ? (Wombat)

On ne louera jamais assez les éditions Wombat, fondées et dirigées par Frédéric Brument, d’avoir permis au lecteur francophone de mieux connaître l’humoriste américain Robert Benchley (1889-1945) – même si Le Dilettante a traduit deux de ses livres dans les années 2000. Avant Pourquoi je déteste Noël ? et L’économie, pourquoi faire ?, elles avaient publié Les enfants, pourquoi faire ?, réédité en format de poche. Ce petit bouquin réunit quinze textes désopilants, soulevant des questions que tout parent de pose. Comment porter un bébé ?, par exemple, étant entendu qu’« aucun parent mâle sain d’esprit ne prend jamais un bébé dans les bras de son propre chef. (…) C’est toujours une femme qui le suggère ».Comment élever son enfant selon les principes de « l’éducation moderne », en vertu de laquelle il « a le droit de s’exprimer par lui-même », étant entendu que cela peut provoquer des malentendus avec les rejetons des voisins qui ne sont « pas aussi éclairés en matière d’éducation ». Faut-il offrir un chien à son enfant, et si oui, lequel, étant entendu que ces bouts de choux « aiment attraper les animaux par la taille pour les transporter dans le foyer de la cheminée ». Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’ils deviennent des jeunes qui, pendant les weekends et les vacances, n’arrêtent d’entrer et de sortir de la maison, comme s’ils préparaient « quelque chose ».

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Frédéric Brument

 

MorrisonTony Morrison, Délivrances (10/18)

« J’ai cru devenir folle quand Lula Ann a viré au noir bleuté pile sous mes yeux. » Sweetness est une mulâtre au teint clair, comme Louis, son mari. Ils n’en reviennent pas d’avoir une fille à la peau si noire. Leur mariage est brisé. Le père s’en va, sans jamais avoir touché sa fille, persuadé qu’elle n’est pas de lui. La mère l’élève seule, avec dégoût, sans lui témoigner la moindre affection. La fillette, d’une beauté renversante, va tout faire pour s’en faire aimer. Quitte à mentir, provoquant le malheur d’une autre. Ce mensonge va la poursuivre, même lorsque, devenue adulte sous le nom de Pride, elle s’épanouit professionnellement dans le secteur du cosmétique. En amour, aussi, elle est heureuse, jusqu’au départ de l’homme aimé avec ces mots : « Tu n’es pas la femme que je veux. » Comment se délivrer de ses traumatismes d’enfance ? Le onzième roman de la prix Nobel de Littérature, qui se passe de nos jours, donne alternativement la parole à ses principaux protagonistes.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Christine Laferrière

 

BoykeySteven Boykey Sidley, Meyer et la catastrophe (10/18)

Voici un livre qui plairait à Woody Allen : même humour aux franges de l’absurde parsemé de réflexions métaphysiques ne manquant pas de saveur. L’auteur sud-africain Steven  Boykey Sidley a créé un personnage de quadra qui vit à Los Angeles et qui, comme lui, joue du saxo. Tout irait bien pour lui, en fait, s’il n’avait un patron aussi odieux (il est concepteur de logiciel), s’il était vraiment amoureux de la jeune femme avec laquelle il vit (il a eu deux femmes et deux enfants), mais, surtout, s’il n’était à ce point « rongé par l’angoisse », comme il l’avoue dès la première page. Il redoute en effet l’arrivée imminente de catastrophes. Lesquelles ? Il n’en sait rien, mais mieux vaut être prévenu. Parmi ses amis les plus proches, auxquels il se confie, il y a Van, lui aussi profondément angoissé (« L’angoisse c’est mon rayon »), lui lance-t-il, et Farzad, un psy, évidemment.

Traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Valérie Bourgeois.

 

YoungLouisa Young, Ravages (Le Livre de Poche)

Ravage reprend ses personnages là où Louisa Young les avaient laissés à la fin de Je voulais te dire: des tranchées de la Somme, Riley est revenu avec la « gueule cassée », et Peter, dévasté de l’intérieur, profondément alcoolique. Le premier épouse Nadine sans prévenir leurs familles et le couple, sincèrement amoureux, voyage en France et en Italie. Le second, plongé dans la lecture de L’Odyssée, s’éloigne violemment de Julia, la mère de leur enfant qu’il n’a jamais réellement aimée, malgré les efforts de celle-ci qui voudrait se souvenir qu’ils ont été heureux. Sous le regard désolé de Rose, sa cousine jadis amoureuse de lui et qui, infirmière pendant le conflit, entame des études de médecine. «J’ai voulu voir comment mes personnages allaient s’en sortir, ou pas», explique la romancière anglaise, dont la grand-mère sculptrice a travaillé avec le pionnier de la chirurgie maxillo-faciale. Porté par un style à la fois littéraire et spontané, parsemé d’onomatopées (hum, oh, ah), faisant la part belle aux pensées de ses personnages, Ravages traduit avec justesse et émotion la difficulté pour l’être humain de reprendre goût à la vie après une telle confrontation avec l’horreur et la désespérance.

Traduit de l’anglais par Françoise Jaouën

 

navaiRamita Navai, Vivre et mentir à Téhéran (10/18)

Longue de dix-huit kilomètres, bordée de part et d’autre de hauts sycomores, l’avenue Vali Asri, qui s’est successivement appelée Pahlavi puis Mossadegh, scinde Téhéran en deux, du nord au sud. Elle personnifie la ville aux yeux de ses habitants. « Parcourir l’avenue en voiture est un de mes souvenirs d’enfance les plus vifs », confie Ramita Navai dans sa préface. « Elle relie les riches et les pauvres, les religieux et les laïcs, la tradition et la modernité. » De parents iraniens, mais élevée en Angleterre où sa famille maternelle vivait en exil, l’auteure fut correspondante du Times entre 2003 et 2006 et rapporteur pour l’ONU en Iran, au Pakistan et en Irak. C’est donc cette avenue qu’arpentent les huit protagonistes de son premier roman. Dariush, de retour après avoir rejoint les rangs d’une organisation moudjahidine opposée à la République islamique, l’OMPI formée des « combattants de la liberté » soutenus par les Américains. Morteza, considéré comme un « raté » depuis le jour de sa naissance, garçon doux et fragile, engagé dans les milices bassistes pour s’endurcir et faire de lui un homme « respecté », à l’égal de ses grands frères. Amir, un bloggeur auquel le juge qui, vingt-cinq ans auparavant, a fait exécuter ses parents, demande de lui pardonner au nom de sa bonne foi, convaincu que ces « mécréants » méritaient bien la mort. Et encore Leyla, une prostituée qui joue dans des films pornos amateurs, Farideh, une femme divorcée, ou Ashgar, un truand du sud de la ville, « une sorte de mafia de gentilshommes ».

Traduit de l’anglais Cécile Dutheil de la Rochère

 

FontanaGiorgio Fontana, Mort d’un homme heureux (Points)

En mars 1978, Aldo Moro, président de la Démocratie chrétienne, est enlevé à Rome par les Brigades rouges. Son corps sera retrouvé deux mois plus tard dans le coffre d’une voiture. Ce crime politique symbolise les années de plomb qui ont secoué l’Italie pendant deux décennies. Il sert de toile de fond à Mort d’un homme heureux, le deuxième roman de Giorgio Fontana traduit en français après Que justice soit rendue. Giacomo Colnaghi, son héros dont le titre révèle le destin tragique, est le substitut du procureur milanais chargé d’enquêter sur l’assassinat, par une cellule dissidente des Bridages rouges, d’un leader de l’aile droite du parti démocrate-chrétien. Cet homme d’une trentaine d’années vit seul en semaine dans un quartier défavorisé de la ville lombarde, rejoignant les weekends sa femme et son fils restés auprès de sa propre mère à Saronno, leur ville natale située dans la grande banlieue milanaise. Il apprécie son travail ainsi que sa relative solitude, d’autant plus qu’avec sa femme, l’ambiance a tendance à tourner souvent à l’aigre. Mais la conscience et les certitudes de ce catholique pratiquant, opposé à l’avortement et au divorce, sont ébranlées lorsqu’il se retrouve face à un membre de la Formation prolétarienne combattante accusée du meurtre de l’homme politique. Il découvre en effet qu’ils sont l’un et l’autre d’origines modestes, qu’ils ont tous deux été au patronage, et ce n’est qu’ensuite que leurs vies ont pris des voies divergentes. N’aurait-il pas pu devenir, lui aussi, révolutionnaire, s’interroge-t-il?

Pendant le Deuxième Guerre mondiale, son père était un partisan opposé à Mussolini. Ce combat, il l’a payé de sa vie, à la grande fureur de ses parents et de sa femme qui ne lui ont pas pardonné, même de manière posthume, ce qu’ils considéraient comme une folie immature. Le récit de la lutte de celui que l’Italie considère aujourd’hui comme un héros alterne avec ce début des années 1980 où, une fois de plus, l’Italie tremble sur ses bases.

Traduit de l’italien par François Bouchard

 

LeviPrimo Levi, Dernier Noël de guerre (10/18)

Dans Si c’est un homme, paru en 1947, Primo Levi (1919-1987) raconte son expérience à Auschwitz. Avec L’Univers concentrationnaire de David Rousset, L’Espèce humaine de Robert Antelme et La Nuit d’Elie Wiesel, il constitue l’un des témoignages les plus importants ramenés des camps d’extermination. Celui qui a mené après-guerre une carrière de chimiste a écrit d’autres livres, tels La Trêve (1963), La Clé à molette (1978) ou Maintenant ou jamais (1982). Les treize nouvelles qui composent ce recueil sont restées inédites jusqu’en 2002. Un kangourou participe à une réception mondaine, où il s’ennuie ferme, sans que cela surprenne qui que ce soit. Les animaux sont d’ailleurs très nombreux, plusieurs d’entre eux – un goéland, une taupe, une girafe – sont interviewés par un journalise. Un employé chargé de choisir le type de mort de la personne dont il reçoit le nom et la date du décès démissionne lorsqu’il tombe sur la fiche d’une fillette de huit ans. La nouvelle qui donne son titre à l’ensemble est autobiographique. Levi y raconte ses dernières semaines dans son Lager, Monowitz, à quelques kilomètres d’Auschwitz, où il est possible de recevoir des nouvelles du « monde libre ». À Noël, il reçoit un paquet de nourriture envoyé par sa mère et sa sœur. Dont une partie lui sera volée de façon très ingénieuse.

Traduit de l’italien par Nathalie Bauer.

 

stefanssonJon Kalman Stefansson, D'ailleurs les poissons n’ont pas de pieds (Points)

De Jon Kalman Stefansson (né en 1963), à ne pas confondre avec son homonyme l’auteur de polars Jon Hallur Stefansson édité par Actes Sud, Gallimard a publié la puissante trilogie formée d’Entre ciel et terre, de La tristesse des anges et du Cœur de l’homme. Les poissons n’ont pas de pieds, sous-titré « Chronique familiale », se passe à Keflavik, ville portuaire située à l’ouest de Reykjavik, où se trouve l’aéroport international et où l’auteur a lui-même vécu. Et où, jusqu’en 2006, les Américains ont établi une base aérienne en vue de protéger ce territoire qui ne possède pas d’armée. Stefansson retrace l’aventure de son île tout au long du XXe siècle à travers une famille et sur trois époques. Ari, de retour au pays le « cœur brisé » après avoir travaillé deux ans comme éditeur à Copenhague (capitale d’un pays « qu’on ne saurait à proprement parler considéré comme l’étranger »), ouvre le coffre aux souvenirs familiaux. Apparaît Oddur, le premier capitaine à savoir nager, son épouse Margret, et leur fils Trygvvy, plus versé vers la poésie que vers la marine. Ces chapitres, titrés Jadis, alternent avec les années 1970-80 marquées par l’enfance d’Ari, et avec Aujourd’hui. Dans ce portrait vibrant d’une Islande disparue, il est question des usines de conditionnement de poissons ou de la base américaine et des colis qui lui sont destinés, délestés d’une partie de leurs contenus. Et aussi de ses paysages et de la mer, à la fois angoissants et envoutants.

Traduit de l’islandais par Éric Boury

 

RielReil-vieJørn Riel, Le chant pour celui qui désire vivre & Une vie de racontars (10/18)

Jorn Riel est né en 1931 au Dannemark. Des seize années passées au Groenland, il a ramené de nombreux livres, notamment formés de « racontars », des brèves fictions dont les personnages sont des trappeurs. Le chant pour celui qui désire vivre est différent. Ce volume réunit trois textes – Heq, Arluk et Soré – qui offrent une fresque historique, ethnologique et écologie du peuple inuit, dont l’auteur restitue admirablement les coutumes, le mode de vie et les croyances. Et même la langue puisque son texte est émaillé de mots indigènes expliqués dans le lexique. À la tête de ses hommes, en l’an mil, Heq, un chaman, migre vers le Groenland à travers le Grand Nord canadien. Également chaman, Arluk, orphelin élevé par son grand-père qui lui a raconté les légendes de son peuple, arpente cette région du globe au cours du XVIe siècle. Soré, quant à elle, est une petite fille qui, dans les années 1970, veut retranscrire l’histoire de ses ancêtres. Ces trois récits nous invitent à découvrir, dans un style à la fois épique et intimiste, une civilisation qui nous est largement inconnues.

Une vie de racontars est, par contre, un texte autobiographique dans lequel Jorn Riel entend partager quelques épisodes de sa vie « longue et riche ». Il explique que son envie de découvertes est venue des masques africains que collectionnait son père. Il raconte son premier voyage comme mousse sur l’Amanda, un douze tonnes qui l’emporte du côté de Munich et de Prague. Il se souvient l’hiver de ses vingt ans passé dans l’est du Groenland, avec un « vieux camarde d’expédition », dont il évoque plus longuement la personnalité ailleurs. Cette vie de voyageur, restituée sans souci chronologique, est relatée avec humour et simplicité, et toujours avec le souci de parler de ces petites choses qui en font la singularité. Et en veillant toujours à transmettre les émotions ressenties à l’époque.

Traduits du danois par Inès Jorgensen et Andréas Saint Bonnet.

 

HertmansStefan Hertmans, Guerre et térébenthine (Folio)

Guerre et Térébenthine n’est pas un roman, d’ailleurs le mot ne figure pas sous le titre, mais retrace l’histoire du grand-père (1891-1981) de l’auteur, reconstituée à partir des nombreuses notes consignées par lui depuis 1963, cinq ans après avoir perdu sa femme, et enrichies de souvenirs personnels (par exemple une visite à l’expo de 1958 à Bruxelles). Urbain Martien naît à Gand dans un milieu modeste. Son père, restaurateur de peintures d’églises, meurt quand il est encore très jeune, ce qui l’oblige à quitter l’école pour travailler. Les tranchées de la Première Guerre mondiale sont déterminantes pour lui, à tel point que, pour cette partie, Hertmans lui donne la parole. Après-guerre, rejeté par la jeune femme qu’il aime, au point de penser se suicider, le jeune homme épouse la sœur de son ex-promise, avec qui il restera lié toute sa vie par une profonde tendresse. Il attend la retraite pour donner corps à sa passion pour la peinture qui constitue pour lui un « réconfort ». Comme l’écrit son petit-fils, « il ne va pas plus loin que les natures mortes, qui sont peintes avec trop de précision pour avoir du caractère ». Ce récit d’une vie, au cours duquel l’écrivain intervient constamment, est jalonné de photos noir et blanc ou de quelques tableaux réalisés par son protagoniste.

Traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin

 

MurakamiHaruki Murakami, Ecoute le chant du vent, suivi de Flipper, 1973 (10/18)

Voici réunis en un même volume les deux premiers romans de l’écrivain japonais, respectivement publiés en 1979 et 1980. Dans sa longue préface, le futur auteur de Kafka sur le rivage raconte dans quelles circonstances ont vu le jour ces « romans de cuisine », comme il les appelle. À la fin de ses études, refusant de s’engager dans une vie professionnelle classique, avec horaires fixes et patron, Murakami ouvre un bar, tout en faisant des petits boulots pour éponger ses dettes. Et un jour, assistant à un match de base-ball, il a une révélation : et s’il écrivait un roman ? C’est donc tard dans la nuit, après la fermeture de son bar, sur la petite table de la cuisine, qu’il se met à noircir les pages qui formeront Ecoute le chant du vent. Non sans mal : ne sachant comment écrire, il reprend son roman à la machine à écrire et… en anglais, langue qu’il ne manie pourtant pas aisément. Et, justement, cette méconnaissance le contraint à adopter le style simple qui lui convient. Après le premier chapitre, convaincu d’avoir trouvé son « rythme d’écriture », il retraduit tout en japonais avant de poursuivre dans cette langue. Il embraie ensuite avec un deuxième roman, Flipper, 1973, au terme duquel il vend son bar pour « devenir un écrivain à plein temps ». La Course au mouton sauvage, rédigé dans la foulée, sera son premier succès.

Si ces deux premiers romans n’ont évidemment pas la qualité des suivants, ils ne sont pas médiocres pour autant, loin de là, Murakami ayant déjà trouvé le style qui le caractérise. Conçus comme un diptyque, ils reflètent la vie et les préoccupations de leur auteur entre vingt et trente ans. Déjà, le romancier instille dans le quotidien de son héros de l’imaginaire qui vient le pervertir, lui conférer une part d’onirisme inattendu. En compagnie de son ami de comptoir, Le Rat – personnage présent dans les deux romans qui s’étonne que son compagnon de beuverie lise des livres -, le jeune dilettante, après avoir prévenu qu’il allait « raconter une histoire », ne raconte finalement pas grand-chose. En effet, Ecoute le chant du vent, qui se déroule en août 1970, quelques mois après la révolte étudiant e de l’année précédente, n’a pas vraiment de ligne conductrice, il est principalement peuplé par ses petites amies.

Dans Flipper, 1973, dont le narrateur a ouvert une agence de traduction qui remporte un vif succès, deux jumelles se retrouvent dans son lit. « Des expériences du même genre, j’en avais déjà connu, mais c’était la première fois avec des jumelles », s’étonne-t-il avec humour. Ces deux filles qu’il ne parvient pas à distinguer, il les appelle Entrée et Sortie ou 208 et 209. Elles sont, avec Naoko rencontrée au foyer de l’université, deux types venus de Saturne et de Vénus et, donc, le Rat, les personnages principaux de ce séduisant roman humoristique et mélancolique… où il est notamment question de flippers.

Traduit du japonais par Hélène Morita

 

Michel Paquot
Juin 2017

 

 

crayongris2Michel Paquot est chroniqueur littéraire indépendant


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