Lectures pour l'été 2017 - Poches - Polars

NicholsonPhilippe Nicholson, Extra muros (Pocket)

Dans un futur assez proche, profitant de la crise économique qui touche une majorité de pays, les entreprises ont pris le pouvoir. Elles ont formé des zones d’affaires protégées par de hauts murs électrifiés, tandis qu’en ces temps de fortes chaleurs et de pénuries d’électricité, le reste de la population survit comme elle peut. Ces états-entreprises sont devenus plus puissants que les pays. Filmée par des drones américains, une armada de navires – porte-containers, pétroliers, gaziers… - s’apprête, au nom de l’un d’entre eux, à coloniser le Nord de l’Espagne afin d’y établir son nouveau territoire, Evergreen. Après avoir expulsé – en les dédommageant – les populations locales et avec la complicité du pays concerné, qui qualifie l’opération de « pacifique», «bénéfique pour l’avenir de la région, de l’Espagne et de toute l’Europe». Max, le héros qui vit avec sa mère en Irlande dans l’une de ces zones protégées, se trouve chez son père à Marseille. De jour comme de nuit, il filme tout ce qu’il voit dans cette ville hors-zone : un bus qui tombe en panne, des ambulances rouillant sur le parking d’un hôpital, des enfants fouillant dans des bennes en quête de biens de première nécessité, etc. Pour un individu qui vit bien, dix autres restent en effet sur le carreau, c’est le ratio, une loi physique. Mais, la résistance s’organise. Le jeune homme décide de suivre Flynn, l’un de ces résistants. A-t-il fait le bon choix ? On a du mal à considérer cet excellent thriller géopolitique comme un livre totalement d’anticipation, tant certains éléments développés sont déjà en germe aujourd’hui, quand on voit le pouvoir que prennent certaines multinationales imposant leurs lois aux États. Ancien journaliste, Philippe Nicholson est très convaincant de bout en bout, sans jamais relâcher la pression. Et c’est bien cela qui est inquiétant.

 

AbteyBenoît Abtey et Pierre Deschodt, Les héritiers (10/18)

Quatre-vingt ans après sa dernière apparition, Arsène Lupin est de retour dans de nouvelles aventures. En cette fin de 19e siècle, l’orphelin, adopté enfant par un comte qu’il est soupçonné d’avoir tué, vit sous les traits d’un baron philanthrope et amateur d’art. Il est épris d’une jeune fille également amoureuse de lui, à la fureur d’un jeune député aux dents longues qui le dénonce au préfet de police Lépine, avant de provoquer l’incendie du Bazar de la Charité où le couple s’est rendu. Après un retrait dans le désert marocain, le gentleman cambrioleur est de nouveau à Paris où il se voit accusé d’espionnage avec l’Allemagne, ce qui laisse dubitatif Clémenceau devenu Président du Conseil. Fidèle à la personnalité de leur séducteur aux identités multiples et toujours soucieux du bien commun, Benoît Abtey et Pierre Deschodt inscrivent Les Héritiers dans une époque qui se dirige à grand pas vers le premier conflit mondial. Si le héros de Maurice Leblanc apparu pour la première fois en 1905 et libre de droits, a été vu ici et là (notamment en 2015 dans La nouvelle vie d’Arsène Lupin d’Adrien Goetz), il semblerait que cette aventure aux multiples rebondissements connaisse une suite.

 

VanoyekeViolaine Vanoyeke, Meurtre aux Jeux olympiques (Le Masque)

Venus des différentes cités grecques, et de plus loin encore, les athlètes qui, au 3e siècle avant J.-C., vont s’affronter aux jeux d’Olympie, s’entraînent pendant une mois dans la ville neutre d’Elis, au cœur du Péloponnèse. Rosalis, responsable de Victoire, une école de sportifs d’Alexandrie, disparaît soudainement. Les soupçons d’Alexandros, l’enquêteur, et du chef de la police, Raminos, se portent sur son compagnon, Costas. Qui se défend en affirmant qu’elle est rentrée en Égypte, les femmes ne pouvant être présentes sur le sol olympique. Mais alors pourquoi, son singe Kipiou, qui ne la quitte jamais, est-il resté sur place ? Mêlant ses héros fictifs à d’autres réels – le pharaon égyptien Ptolémée II Philadelphe ou Bilistiché, une athlète prestigieuse qui fut sa compagne -, Meurtre aux Jeux Olympiques recrée avec précision et passion ces jeux antiques qui rassemblent différentes disciplines. Et où il est – déjà – question de surentraînement, de transferts de sportifs entre clubs, de tricheries et même de dopage. « Dès que Solon, au 8e siècle avant J.-C., a décidé de récompenser royalement les vainqueurs, toutes les magouilles ont commencé, explique l’auteure. On a trouvé des tentatives de dopage avec des épices, des herbes ou du sésame donné aux chevaux, ce qui entraînait l’exclusion, voire même la condamnation de l’athlète. On a aussi l’exemple d’un excellent coureur qui, corrompu pour de l’argent, s’est laissé dépasser par ses concurrents. »

 

DokmakBoris Dokmak, Les Amazoniques (Mécanique générale)

1967. Peu aimé par sa hiérarchie pour n’avoir pourtant fait que son devoir de flic en interpellant un grand industriel, Saint-Mars, un ancien para passé par l’Indochine est envoyé en Guyane française régler une sombre histoire : un homme sorti de la jungle affirme qu’un ethnologue français aurait tué un Américain. Comment savoir s’il dit la vérité sinon en se rendant sur place ? C’est-à-dire au cœur de la forêt où le présumé assassin continue de vivre parmi les indiens Arumgaranis. C’est à partir de Santa Margerita, au Surinam voisin, que l’enquêteur entame son voyage. Il est précédé par la sœur du mort qui veut se faire justice elle-même, soutenue par un Rangero local, personnage tout puissant. Au terme d’un voyage extrêmement périlleux, il découvre des indigènes en proie à un bien mystérieux mal.

Pour cette histoire, Boris Dokmak, qui signe son deuxième thriller après La femme qui valait trois milliards, s’est inspiré d’une histoire vraie : le projet Sunshine.Il s’agit d’une expérience scientifique et médicale menée par les États-Unis au Venezuela à partir du milieu des années 1940. Elle consistait à expérimenter sur des Indiens des produits toxiques et radioactifs sous forme d’injections, afin de tester la réaction de leurs métabolismes assez vierges. Si ce projet est connu des ethnographes locaux, qui l’ont mis au jour en 1967, les institutions étasuniennes ont toujours refusé d’admettre son ampleur. Ces expériences, dont les résultats sont évidemment tenus secrets, ont causé la disparition des indiens-cobayes Yanomami qui, aujourd’hui, n’existent plus en tant que culture. Quelques villages ont été reconstitués ensuite.

Étouffant sous une chaleur moite, les villes où se passe une partie du roman, donnent l’impression d’être en marge de la civilisation, presque sans foi ni loi, en proie à toutes les dérives. On découvre un univers aux lisières du monde, brassant des individus aux contours flous, et dont certains sont inspirés de personnages que Dokmak a lui-même connus. Et notamment, le principal, Saint-Mars qui ne tient debout que grâce à la morphine.

 

MaraveliasÉric Maravélias, La faux soyeuse (Folio Policier)

Les héros de La faux soyeuse, le premier polar sociologique d’Éric Maravélias, ce sont des jeunes de banlieue encapuchonnés qui, faute d’avenir, saccagent le présent et se droguent à tout-va. Le narrateur est d’ailleurs l’un d’entre eux, représentant d’« une humanité malade et désenchantée, juxtaposition de détresses », mais qui « peut, des heures durant, accrocher [son] regard sur un simple nuage, à la recherche de quelque jour heureux ». L’action se déploie en moins de 48 heures, scandées par de fréquents retours en arrière. Immersion hyperréaliste dans un monde dur, violent, passablement désespéré et désespérant. Mais pas sans issue puisque l’auteur, qui a été toxico pendant vingt ans, en est sorti. Et si le style, peu dialogué, est en phase avec le propos, il n’abuse pas de ces mots et tournures de phrases censées représentées une certaine jeunesse actuelle, comme trop souvent dans ce type de littérature.

 

 

 

MussoGuillaume Musso, L’instant présent (Pocket)

Arthur, célibataire de 25 ans, urgentiste dans un hôpital de Boston, hérite d’une petite maison reliée à un ancien phare sur la côte est des États-Unis, achetée en 1954 par son grand-père. Qui, alors qu’il y faisait des travaux, a soudainement disparu sans laisser de traces. En acceptant ce legs, le jeune homme s’engage à ne pas pénétrer dans une pièce jadis murée par son père. Il rompt sa promesse, bien sûr, et, après de longs efforts, parvient à en ouvrir la lourde porte en fer. Et… Le jeune homme va faire la connaissance de Lisa, une apprentie comédienne de 20 ans, d’une manière, disons, intrusive. Et sans comprendre comment, il va vivre à New-York vingt-quatre jours qui vont passer comme vingt-quatre ans. Ou l’inverse, « visitant » successivement les multiples boroughs de la métropole américaine, de Manhattan au Queens, du Bronx à Staten Island – avec un crochet par Paris. Le phare de Cap Cod existe vraiment. Il fait partie des biens nationaux que l’État américain a vendus après la Deuxième Guerre mondiale. Avec ce roman, Musso donne vie à une envie ancienne : raconter en plusieurs tableaux l’histoire d’un homme et une femme qui ne se verraient qu’un seul jour par an. Une histoire qui, finalement, ressemble par bien des aspects à celle d’un couple ordinaire : la rencontre, les premiers émois, les hésitations, les enfants, les crises de jalousie, les engueulades, les tentatives pour faire durer l’amour…

Page : précédente 1 2 3 4 5 suivante