Lectures pour l'été 2017 - Poches - Littérature française

RambaudPatrick Rambaud, François le Petit (Le Livre de Poche)

L’humour fait partie de l’ADN de Patrick Rambaud. S’il a su se montrer sérieux avec son cycle napoléonien ouvert en 1997 avec La Bataille (Prix Goncourt et de l’Académie française) et refermé trois livres et neuf ans plus tard avec Le Chat botté, s’il doit l’être aussi, probablement, lors des délibérations de l’Académie Goncourt dont il est membre depuis 2008, l’ancien journaliste à Actuel a beaucoup frayé dans les rayons du rire. Il est l’auteur de plusieurs parodies et pastiches, avec Marc-Antoine Burnier ou seul (tels ceux de Duras, Virginie Q et Mururoa mon amour, ou Le Roland Barthes sans peine), ainsi que des six et très salutaires Chroniques du règne de Nicolas 1er qui l’ont occupé de 2008 à 2013. Content d’en être libéré – il détestait son héros -, il a publié un roman, Le Maître. Mais c’est plus fort que lui et, navré de l’évolution de François Hollande, il a remis le couvert début 2016 avec François le Petit.

Cette suite désolée est de la même eau farceuse et peu révérencieuse que ses prédécesseures, mélange de Saint-Simon et de La Cour, chronique satirique du « règne » de De Gaulle tenue par André Ribaud de 1960 à 1969 dans Le Canard enchaîné. De même que Sarkozy était baptisé de dizaines de sobriquets bien sentis - Notre Prince Immaculé, Notre Martial Souverain, Notre Frivole Monarque, Notre Foutresque Tyranneau -, son successeur, François IV dans la lignée monarchique, est appelé Notre Frais Souverain, Notre Délicat Souverain, Notre Monarque Inspiré, François-le-Guerrier, François-le-Sourdingue, etc. On croise la nuisible Marquise de Pompatweet (Valérie Trierweiler alias), Nicolas-le-Mauvais (ou Nicolas-le-Piaffant), les ducs de Sablé, de Nantes, de Meaux et d’Évry, le connétable Montebourg, le comte Macron, l’archidiacre Wauquiez, etc. Sont passés au crible de la verve savoureuse de Rambaud les multiples événements qui ont égayé les premières années de son quinquennat : l’intervention militaire au Mali, Florange, les affaires Cahuzac, Leonarda, Dieudonné ou Bygmalion, le désastre des élections municipales suivi du changement de premier ministre, le retour de Nicolas-L’Échevelé, la percée du Front populiste de Mlle de Montretout, etc. Ce portrait au vitriol des mœurs politiques se referme sur les attentats de janvier 2015. Ou, plus précisément, sur une postface où l’auteur, redevenant sérieux, effaré par la tournure du monde, réfléchit à la distinction entre « civilisés » et « crétins ».

 

VialatteAlexandre Vialatte, Résumons-nous (Bouquins)

De cet écrivain limougeaud, né en 1901 en Haute-Vienne, mort à Paris en 1971, on connaît surtout les romans (Les Fruits du Congo, Battling le ténébreux, Le fidèle Berger et ses nombreux courts textes édités après sa mort), ainsi que les quelque neuf cents chroniques publiées à partir de 1952 dans le quotidien de Clermont-Ferrand, La Montagne, et qui se terminait invariablement par cette phrase : « Et c’est ainsi qu’Allah est grand ! ». Sous le titre Résumons-nous, voici réunis des textes moins connus. Des articles parus entre 1932 et 1952 dans Le Petit Dauphinois, puis entre 1962 et 1971 dans Le Spectacle du Monde, des critiques ciné publiées dans Bel Amour du foyer entre mars et août 1950 ou encore son Almanach des Quatre Saisons. Ce volume s’ouvre par Bananes de Königsberg, un recueil de textes concernant l’Allemagne écrits entre 1922 et 1949 (parlant couramment allemand, Vialatte sera le premier traducteur de Kafka en français) que Ferny Besson contextualise dans sa préface. Il s’agit, d’une part, d’articles parus dans La Revue rhénane (1922-1929) basée à Mayence, qui a pour « mission de créer des relations artistiques et intellectuelles entre Allemands et Français ». Vialatte pointe déjà le danger que représente Hitler et voit se dessiner une Allemagne nazie, inquiétude qui n’ira que croissante au fil des articles publiés dans différents journaux français au cours des années 1930 et repris dans la deuxième partie. Le dernier chapitre de cet ensemble rassemble des textes écrits au cours des procès des criminels de guerre de Belsen conduit par les Anglais.

 

MorelFrançois Morel, Je rigolerais qu’il pleuve (Pocket), Meuh ! (Folio)

Comédien et chanteur passé par Palace de Jean-Michel Ribes et Les Deschiens de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, François Morel a connu un regain de popularité grâce à l’impeccable chronique matutinale qu’il tient tous les vendredis sur France Inter depuis 2009. Ce sont d’ailleurs près de deux ans de ces chroniques, de septembre 2013 à juin 2015, qui sont rassemblées dans un recueil titré Je rigolerais qu’il pleuve. Un bain d’humour fait de générosité et de grandeur morale dans des textes d’une grande tenue littéraire (ce qui les rend très lisibles). Le bonhomme parle de tout. Morel-2De Flers-de-l’Orne où il est né en 1959 et de son « emblématique » rue du 6-juin, du mail reçu de la compagne d’Hervé Gourdel qui l’écoutait chaque semaine avant d’être assassiné par des djihadistes, de François Hollande (à plusieurs reprises), des septante ans du journal L’Orne combattante ou du parapluie d’Angela Merkel. À l’occasion de la venue à France Inter d’Erik Orsenna, sa chronique ne fait qu’une seule phrase. Et on ne peut lire sans émotion son intervention au lendemain des attentats à Charlie Hebdo, sous la forme d’une lettre adressée à son ami Patrick Pelloux, une semaine après avoir, dans sa première chronique de l’année, prédit que « l’année 2015 ne va pas être folichonne ».

Meuh! est un roman accompagné de gravures de Christine Patry. Son héroïne est une vache. Plus exactement, son narrateur raconte comment il est devenu Blanchette, mère de Toto, un « adorable petit veau » de onze mois et deux cent vingt-cinq kilos. Il décrit sa lente métamorphose, sa réclusion dans l’appartement au-dessus du magasin de ses parents (qu’il saccage de rage), sa nouvelle vie de paria dont il finit par s’échapper, entamant sa carrière bovine par son intégration dans un troupeau des environs. C’est joyeusement farfelu, subtilement absurde. Bref, à l’image de son auteur.

 

ToporRoland Topor, Vaches noires (Wombat)

Cet  ensemble de textes inédits de Roland Topor, publié une première fois par Wombat qui le reprend en poche, est préfacé par François Rollin. Les deux hommes se sont rencontrés en 1989 et, sept ans plus tard, avec quelques autres, ils ont « fabriqué », pour la télévision, une courte séquence qui s’appelait Une minute pour le dire. « Une minute pour exprimer une pensée personnelle, originale, pertinente… ou pas, bref une minute de parole libre, se souvient Rollin. Les minutes de Topor étaient, comme de bien entendu,  lumineuses et fortes et drôle. » Dans ce recueil, il est question de tout et de rien. De vaches noires, bien sûr, responsables d’une partie de nos ennuis. D’un homme qui se prend pour un phallus à deux pattes, libéré et capable de gagner sa vie tout seul. De l’auteur d’un journal intime. Et d’encore mille et un instants de vie regardés de biais, avec une logique souvent imparable.

 

LapierreAlexandra Lapierre, Moura (Pocket)

Après Dona Isabel Barreto, conquistadora des Mers du Sud, ou l’aventurière et séductrice anglaise Elisabeth Chudleigh, Alexandra Lapière s’attache à une autre femme méconnue. Fille d’un aristocrate ambassadeur à la cour de Russie qui meurt lorsqu’elle est adolescente, Moura voit sa vie chamboulée par la Révolution de 1917. Ce roman fait revivre avec fougue cette femme éprise de liberté, proche de Gorki et de Wells, dont le destin éminemment romanesque, fait de mystères et de rumeurs, épouse les soubresauts du 20e siècle dont elle côtoie les principaux acteurs.

 

dAillonJean d’Aillon, L’évasion de Richard Cœur de Lion (J’ai Lu)

Le très prolifique Jean d’Aillon est un spécialiste du roman de cape et d’épée, parvenant, à travers ses livres trépidants, à recréer différentes périodes historiques. Dans ce volume c’est le Moyen Âge, entre 1193 et 1201, qu’il fait revire à travers six aventures de son héros, Guilhem d’Ussel, qui viennent s’intercaler entre les nombreux romans dont ce chevalier est le héros. Ce troubadour d’origine marseillaise aide de malheureux villageois opprimés, croise un étrange nain, affronte un loup et, surtout, participe à l’évasion de Richard Cœur de Lion emprisonné par l’empereur d’Allemagne ; Tout en devant affronter le redoutable Jean sans Terre.

 

 

 

 

Michel Paquot
Juin 2017

crayongris2Michel Paquot est chroniqueur littéraire indépendant

Page : précédente 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10