Jérôme Orsoni, Le feu est la flamme du feu

Orsoni« Je ne raconte pas d’histoires. Ce ne sont que des nuages de brumes qui se forment à intervalles irréguliers ; elles se déplacent et nous les suivons des yeux ». L’auteur résume par là un art très singulier de la nouvelle : des détails, tantôt banals tantôt surréalistes, grandissent jusqu’à former une micro-aventure qui, du même élan, nourrit une interrogation sur soi et sur la littérature. Rien de forcé, rien d’asséné dans ces pages : le nuage avance, à la fois perplexe et sûr de son rythme ; il dévoile avec sérénité les mystères dont il est gros. On pense à Enrique Vila-Matas (« J’ai rêvé de John Cage, cette nuit », l’un des plus beaux textes du recueil, explore la contradiction de la littérature et de la musique), mais aussi à Kafka (« Nom de baptême » est une variation malicieuse sur « La métamorphose »). Ce qui est toujours réjouissant, c’est la manière dont une histoire vient, avec humour, déposer ses questions à nos pieds : « La lumière » raconte comment un matin certains objets disparaissent brutalement des mains du narrateur, son téléphone, son ordinateur, ceux-là mêmes auxquels il se trouve incessamment collé comme l’huître à son rocher… Cet art de la circulation, du réel prosaïque vers la philosophie (et vice versa), s’accomplit dans une prose au style limpide qui, à la fois, nous berce et nous secoue.

 

Olivier Dubouclez

 

Jérôme Orsoni, Le feu est la flamme du feu, Arles, Actes Sud, « Un endroit où aller », 2017, 176 p.
 

Lectures pour l'été 2017
Romans, nouvelles et récits romancés

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