En vidant la cave et les placards, ma sœur et moi retombons sur des lectures de notre enfance. L’Héritage de Charlemagne, j’en parlerai une autre fois. Là, je viens de relire quelques Arsène Lupin, les vrais, ceux imprimés en deux colonnes dans un format 17/24, sur du papier jaune et très fragile, avec de délicieuses illustrations souvent décalées par rapport au texte ; ce récit est divisé en deux volumes – Pluie d’étincelles et, plus prosaïquement, La victoire d’Arsène Lupin. Est-ce la nostalgie de l’enfance, le bonheur de retrouver ce support défraichi ? Je trouve ces aventures presque aussi palpitantes que quand j’avais dix ans, et j’en comprends mieux le contexte. L’histoire se passe en 1915, essentiellement à Passy. L’énigme est double (au moins) : il s’agit de retrouver trois millions d’or qui reviennent à l’état français et qui sont essentiels pour une négociation avec un état neutre (l’indice donné constitue le titre des deux volumes : ‘le triangle d’or’) et de sauver (plusieurs fois) la jeune et jolie infirmière que l’on appelle ‘maman Coralie’. Le personnage central, le capitaine Patrice Belval, en convalescence pour blessure de guerre, en tombe évidemment amoureux. Intrigue bien menée, pleine de rebondissements, de retournements, de révélations ; plaisir de dialogues où les gens conversent au passé simple et au subjonctif imparfait.
Cela dit, j’en perçois aussi les failles idéologiques, dictées par le contexte historique. La guerre, si elle est souvent évoquée, n’est jamais la boucherie sans nom qu’ont vécue les soldats dans les tranchées. Les invalides de guerre ont des blessures présentables, pas la moitié du visage arraché, par exemple. Le tirailleur sénégalais (qui s’appelle… Ya-Bon [Banania], une publicité qui apparaît sur les murs de Paris en 1915) est dévoué et fidèle jusqu’au sacrifice de sa vie.
Il n’empêche, il m’ensorcèle toujours, le gentleman-cambrioleur qui s’amuse de tout.
Christine Pagnoulle
Maurice Leblanc, Le triangle d’or (Aventures extraordinaires d’Arsène Lupin), Fleurus éditions, 2014, 300p.
Lectures pour l'été 2017
Romans, nouvelles et récits romancés
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