Nicolas Marchal, Le grand cerf

MarchalÀ chaque nouveau livre de Nicolas Marchal, on se demande d’où peut venir l’attaque, quels sont les pans de notre vie qui seront mis à mal par l’humour décalé de ce drôle de romancier ? Le quotidien dérape souvent dans l’imagination de l’auteur, il aime mettre le doigt sur ce qui fait mal : la routine, celle du couple au quotidien où l’Amour se dilue dans l’eau de vaisselle, celle des bureaux de poste où l’on fait la file en ronchonnant, celle des chasseurs qui astiquent leurs pétoires du haut de leur mirador ou celle des magasins d’électroménager où l’on tente de se faire pardonner une mauvaise querelle.

Nicolas Marchal met en scène dans ce récit drolatique un romancier, pardon, un Grand Écrivain. À Tu et à Toi avec les Muses, ce dernier s’apprête à écrire le chef d’œuvre de la décennie, voire du siècle. Sauf que pour trouver son inspiration, il a besoin de se ressourcer au sein de Dame Nature. Celle-ci se refuse à lui sous prétexte de battue. En effet, quelques pète-sec affublés de clébards de race et de 4x4 de catalogue glacé ont décidé de faire un carnage parmi la population égrillarde des lapins. De surcroît, quelques menus inconvénients ménagers viennent encombrer ses journées de créateur sublime : changer les couches du fiston, préparer ses biberons, lui chanter à l’envi une chansonnette idiote pour l’endormir. Le bruit de l’aspirateur a le bon goût de l’agacer, de même que celui, plus insupportable encore, de la mobylette du facteur… Ce dernier se permet, lui aussi, de taquiner la muse. Comment ose-t-il ? Il prend l’Écrivain comme héros de son histoire, lui invente une vie d’artiste raté, il n’hésite d’ailleurs pas à l’achever d’une balle de 70mm, d’un culot de 8 mm et d’un poids de 38 g. Le Grand Écrivain n’en a cure, il attend fiévreusement la réponse d’un éditeur, d’un Grand Éditeur, de Paris évidemment, mais elle tarde à se retrouver dans sa boîte. L’aspirateur lui a sucé toute son inspiration, les Muses le trompent avec le facteur qu’il soupçonne de manigance…

On l’aura compris, Le Grand Cerf est un récit gigogne, on ne sait plus où sont les « bons » et les « mauvais », les personnages changent de romans comme de chemises. Le final est haletant, une course-poursuite dans la forêt au milieu des cerfs, des lapins et des chasseurs. Oui, mais c’est le bouquet final du récit imaginé … par le facteur. Le Grand Écrivain, lui, tente de sauver son œuvre, son couple et la Morale. Et Nicolas Marchal là-dedans ? Tel un Lewis Carroll sardonique, il tire les ficelles de cette comédie foutraque.

 

                                                                                     Alain Dantinne

 Nicolas Marchal, Le grand cerf, éditions Weyrich, collection « Plumes du Coq », 2016, 164 p.

 

Lectures pour l'été 2017
Romans, nouvelles et récits romancés

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