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L’église Saint-Jacques à Liège

24 juin 2017
L’église Saint-Jacques à Liège

St JacquesL’ouvrage collectif L’église Saint-Jacques à Liège propose, à travers une démarche pluridisciplinaire, un bilan des connaissances et un nouveau regard sur l’édifice et son histoire, tant dans ses dimensions religieuses, politiques, culturelles, que dans ses aspects artistiques, archéologiques et architecturaux.

L’histoire du bâtiment et de la communauté humaine qu’il abritait est ainsi retracée depuis la fondation de l’abbaye bénédictine par l’évêque de Liège Baldéric II au 11e siècle, jusqu’à sa sécularisation à la fin du 18e siècle, en attirant l’attention sur certaines parties du complexe architectural aujourd’hui disparues (comme l’infirmerie des moines) et sur l’évolution de l’ensemble du domaine abbatial dans son organisation interne, mais aussi ses relations avec son environnement. Un des points forts de l’ouvrage est de multiplier les focales, en alternant échelles « macro » et « micro », angles de vue généraux et particuliers.

Le contexte historique dans lequel a évolué l’abbaye est appréhendé depuis l’époque médiévale, à travers ses différentes facettes. Mais la vie quotidienne de l’abbaye est également mise en lumière : Geneviève Xhayet apporte des éléments d’information sur les habitudes alimentaires et les lectures quotidiennes des moines à la fin du Moyen Âge, à travers l’étude d’une diététique rédigée à la fin du 14e siècle par un moine de Saint-Jacques, d’un coutumier de l’abbaye et de la Règle de Saint-Benoît.

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À gauche : Dalle funéraire de Baldéric II (chapelle du Sacré-Cœur), sculptée au 17e siècle pour remplacer le mausolée gothique antérieur, et dressée contre le mur du transept sud au18e siècle (avec une bordure de style rocaille). - Au centre : Le grand orgue. Détail en contre-plongée. -
À droite : Console de la tribune d’orgue. Détail : le prophète Jérémie. © Guy Focant SPW Patrimoine
 

Florence Close s’attache quant à elle à distinguer les différentes figures patronales de l’abbaye, levant le voile sur la confusion rapidement opérée entre Saint Jacques le Mineur, Saint Jacques le Majeur et Compostelle. Durant l’Ancien Régime, l’abbaye n’a cessé d’être un centre intellectuel, institutionnel et économique. Prenant le contre-pied d’une tradition historiographique qui tend à réduire au silence l’histoire des abbayes à partir du 13e siècle, l’ouvrage esquisse un tableau nuancé de la vitalité de Saint-Jacques à l’époque moderne, entre périodes de prospérité et de ressac. Le contexte politique de la reconstruction de l’abbaye au 16e siècle est ainsi analysé par Jonathan Dumont. La contribution de Marie-Élisabeth Henneau revient sur les communautés religieuses qui ont habité l’abbaye et, plus particulièrement, sur le monachisme bénédictin au temps de la réforme catholique ; tandis que Renaud Adam révèle la grande richesse de la bibliothèque de Saint-Jacques qui a fait, avec celle de Saint-Laurent, l’admiration des voyageurs de passage dans la cité ardente jusqu’au 18e siècle, avant d’être dispersée lors de sa vente publique en 1788.

À côté des différentes facettes de l’histoire de l’abbaye, ses particularités architecturales, décoratives et mobilières sont appréhendées de long en large par les historiens de l’art. Ainsi, Patrick Hoffsummer se penche sur l’architecture de l’église gothique, Éric Mairlot aborde l’histoire des différentes orgues de l’église, tandis que Dominique Allart et Emmanuel Joly soulignent la pluralité stylistique de l’édifice et que Benoit Van den Bossche met en valeur le décor sculpté et le mobilier de l’église. Sans compter les nombreuses autres contributions qui nourrissent, elles aussi, la pluralité des points de vue abordés : politique et religieux à travers l’étude du contexte historique et des grandes figures de l’abbaye, archéologique dans la redécouverte de ses vestiges, littéraire et archivistique (études des chartes et des archives de la Cité) …

Saint-Jacques (c) IPW Guy Focant 12

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Dessus à gauche : Porche. Élévation extérieure, après la restauration de 2014-2016.  À droite : Stalles. Détail : accoudoir singe.
Dessous à gauche : Statues baroques adossées aux piliers de la nef. - À droite : Voûte du vaiseau. Détail. © Guy Focant -SPW Patrimoine

 

Il faut donc saluer la parution de cet ouvrage qui, en multipliant les focales et les approches disciplinaires, permet de rassembler les connaissances accumulées sur l’ancienne abbaye, de combler certaines lacunes de l’historiographie et de redécouvrir la splendeur artistique de ce Templum pulcherrimum (« sanctuaire d’une extrême beauté ») – pour reprendre les termes employés par le géographe Abraham Ortelius en 1584.

Autre atout non négligeable pour le lecteur : la taille et la qualité des illustrations, qui viennent encore ajouter à la précision du propos, en même temps qu’elles sont un plaisir pour les yeux et une porte ouverte à l’imagination. Enfin, rappelons que malgré la richesse de l’ouvrage, de nombreuses zones d’ombre restent à explorer. Et espérons avec ses auteurs qu’il contribuera à faire naître de nouvelles vocations…

 

Héloïse Husquinet
Juin 2017

 

crayongris2Héloïse Husquinet est historienne et journaliste indépendante

 


 

 
Toutes photos © Guy Focant IPW


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