Comment les vidéastes gagnent-ils leur vie sur Youtube ?

Alors, à chaque fois que je regarde une vidéo, je fais gagner de l’argent au Youtubeur ?

Cela dépend. Le cas échoit lorsque des publicités accompagnent le visionnage du contenu. Elles peuvent survenir avant (pre-roll), pendant – comme une coupure pub à la télévision – par-dessus (fiches sponsorisées) ou sur le côté (annonces graphiques). Tout ce fatras promotionnel protéiforme est filtré par les bloqueurs de publicité, une extension du navigateur internet qui empêche ces nuisibles de s'afficher. Sur certaines tranches d'âge (les jeunes, plus technophiles, en tête), le taux d'Adblock plus (le bloqueur utilisé par la majorité des internautes) est supérieur à 50 %.

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Youtube incite régulièrement les vidéastes à monétiser leurs contenus et leur envoie même des mails automatiques
pour suggérer l’ajout de publicités à une vidéo particulièrement populaire.
 
 

Si l'on ajoute à ce tamis la répartition diffuse de ces annonces (Youtube ne vous en envoie pas à chaque vidéo pour éviter de vous dégoûter de son emploi), on considère en général qu'une vue sur trois, en moyenne, est monétisée. Il faut donc distinguer abonnés (les récepteurs supposés fidèles de mon contenu) et vues (ma matière première, comptabilisée à chaque clic sur mon contenu, qui va générer, par paquets de mille, des revenus publicitaires).

Ceci posé, il faut intégrer à l'équation la fluctuation de la valeur de la publicité. En décembre, où les tentations commerciales pleuvent, les département marketing s'avèrent plus enclins à acheter ces espaces promotionnels qu'en janvier3, période de bonnes résolutions, ou l'été, dont les mois ensoleillés éloignent les clients potentiels de l'écran. Certains vidéastes avouent par exemple tripler leurs revenus publicitaire lorsque Noël approche. Au fond, la maxime de Patrick Le Lay à propos de TF1 reste d'actualité : Youtube vend du temps de cerveau disponible. Évidemment, il s'agit de plus en plus de cibler le public: les grands éditeurs de jeu vidéo, par exemple, vont injecter plus volontiers leurs annonces dans les contenus des chaînes de gaming populaires.

 

Il n'y a que la pub qui rapporte, comme à la télé ?

Pas du tout. Elle se négocie d'ailleurs pour de moins en moins cher depuis quelques années (jusqu'à trois fois moins). En pâtissent les sites d'information des grands quotidiens, qui peinent à engranger assez de pages vues pour maintenir à flot ce financement. Heureusement pour les Youtubeurs, les marques ont compris qu'ils incarnent un vecteur particulièrement efficace pour toucher les jeunes, cette cible essentielle. Ainsi, sur les fondations du modèle du placement de produit des petits et grands écrans a fleuri une cohorte de néologismes en anglais (brand content, brand publishing, native advertising...) Tous ne signifient qu'une chose : les industriels sponsorisent le/la vidéaste pour insinuer de la réclame dans leurs programmes. Voilà qui paie bien mieux que les revenus publicitaires boîteux, par ailleurs sujets à conditions4.

poissonFecond 

Poisson Fécond parle des revenus des Youtubeurs

 

La forme la plus répandue consiste à parler d'un produit, durant une vidéo classique, pendant quelques secondes – souvent à la fin ou au milieu. Il s'agit d'une pure coupure publicitaire, sauf que, cette fois, elle n'est pas détectée par le bloqueur de publicité mais énoncée directement par un humoriste du web, proche du son public, qui formule parfois la réclame comme un conseil5. La rémunération dont découle ces partenariats ou « opé spés » (pour « opérations spéciales »), variable, écrase toujours celle des revenus publicitaires.

Quelques chiffres, à titre indicatif : une affiliation à une application mobile que le Youtubeur présente peut ensuite rapporter 1€ à chaque téléchargement par les internautes. Comptez 10.000 € pour un million de vues d'une vidéo sponsorisée pour un créateur plutôt influent comme Poisson Fécond (entre 500.000 et un million d'abonnés6). Contre environ 600 € bruts rapportés par la publicité pour la même audience. Ces revenus ne fonctionnent pas toujours par pallier. Un menu davantage fretin, à l'instar de DanyCaligula et ses analyses politiques (100.000 abonnés) se voit proposer en général autour des 1.000 €. Enfin, certains Youtubeurs importants actifs dans le secteur du gaming peuvent négocier des royalties sur les ventes du produit qu'ils présentent pendant quelques mois. Dans tous ces cas, le nombre d'abonnés constitue un référent pour les marques, qui voient là un reflet des répercussions potentielles de leur action commerciale.

Il existe une solution pour conserver en partie son indépendance et éviter les partenariats commerciaux : le mécenat participatif. Pour l'internaute, il s'agit d'accorder au vidaste qu'il désire soutenir, par l'intermédiaire d'un site comme Tipeee ou Patreon, un don ponctuel (certains débitent leurs donateurs tous les mois, d'autres uniquement lorsqu'ils publient un contenu). Certains créateurs proposent des contreparties pour leurs mécènes, comme un accès aux vidéos en avant-première ou des t-shirts à leur effigie, d'autres se contentent de témoigner leur gratitude. Encore une fois, tant que sa popularité reste confidentielle, le montant mensuel perçu par le Youtubeur, après la commission de l'intermédiaire et les impôts, relève souvent du symbolique et assure à peine les coûts de l'entretien du matériel.

E-penserMais, pour les plus connus, cela peut se transformer en un véritable salaire versé par les récepteurs de leur propos et permettre de vivre correctement de sa passion. Ainsi, le vulgarisateur scientifique E-Penser reçoit 2.237€ bruts par mois à l'heure de la rédaction de ces lignes. Le chroniqueur Usul, désormais publié sur Mediapart7,  détient le record de Tipeee, avec 10.339€ bruts à chaque vidéo. Une somme à relativiser, tant chaque épisode de sa série documentaire « Mes Chers Contemporains » lui demande du labeur – 3 mois en moyenne – qui témoigne tout de même des possibilités de ce type de financement.

 

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