Martin Luther aurait-il eu un compte Twitter suivi par des millions de followers s’il avait vécu 500 ans plus tard, réduisant ses 95 thèses à 140 caractères et s’adressant directement au pape Léon X avec des formules chocs ? Aussi saugrenue qu’elle puisse paraître, cette question engage notre réflexion sur la relation du réformateur aux médias. En effet, la Réforme luthérienne a souvent été présentée comme « la fille de l’imprimerie », née au cours de cette première « grande révolution des médias » initiée par Gutenberg. L’utilisation du support imprimé par les mouvements reformés protestants doit être considérée, à juste titre, comme le premier phénomène de mass media de l’histoire.
Si l’étude de ce phénomène a engendré une bibliographie écrasante, force est de constater que l’exploitation du livre et de l’estampe par la réforme catholique n’a pas bénéficié de toute l’attention qu’elle méritait, et plus particulièrement dans l’espace des anciens Pays-Bas. Pour reprendre la métaphore précédente, la réforme catholique pourrait elle aussi être perçue comme fille de l’imprimerie, voire sa petite-fille ?
Malgré les nombreux travaux consacrés à quelques grandes figures – comme celle de Christophe Plantin – ou à certaines initiatives éditoriales majeures – à l’instar de la célèbre la bible polyglotte –, il reste encore, en périphérie de ces dossiers bien connus, de nombreux chantiers à défricher. Soucieuse de prendre en considération toute la complexité du phénomène, l’Unité de recherches Transitions de l’Université de Liège, en partenariat avec le groupe de contact du FNRS « Documents rares et précieux », organisera les 23 et 24 février 2017 un colloque international intitulé La reconquête par le livre et l'image. Au cœur de la réforme catholique dans les Pays-Bas (XVIe-XVIIe s.).
Elle réunira à l’Université de Liège des chercheurs en provenance d’universités belges, françaises et américaines pour faire le point sur les recherches en cours et ouvrir de nouveaux chantiers à explorer afin d’appréhender au plus près l’ampleur, le dynamisme et les mécanismes des processus mis en œuvre par les acteurs de la réforme catholique des anciens Pays-Bas au soutien de leur action de reconquête.
Les débats s’articuleront autour de trois axes : les acteurs et leurs réseaux (relations entre autorités et ces « passeurs » de la reforme catholique que sont les imprimeurs, libraires…), le marché du livre et de l’estampe (stratégies éditoriales, commerce du livre et de l’estampe…) ainsi que les usages du livre et de l’image (fonctions et usages de l’image dans sa relation au texte, bibliothèques, pratiques de lectures…).
Cette manifestation interdisciplinaire prend place parmi les événements organisés à Liège pour le 500e centenaire de la Réforme, dont l’exposition Une réforme, un livre : Luther et la bible palatine qui se tient au Musée Curtius du 2 février au 30 avril 2017.
Renaud Adam – Annick Delfosse – Rosa De Marco
Février 2017
Renaud Adam, Annick Delfosse et Rosa de Marco sont chercheurs attachés à Transitions – Unité de recherches sur le Moyen Âge et la première Modernité
Information : http://web.philo.ulg.ac.be/transitions/fr/