La Vieille-Montagne (1806-1873). Innovations et mutations dans l’industrie du zinc.

Défis techniques et investissement dans la technologie

technologie

L’analyse des mécanismes de l’innovation prend pour point de départ un corpus de près de 200 brevets qui permet de distinguer quatre défis techniques mobilisant les producteurs de zinc : l'amélioration du four liégeois inventé par Dony, le perfectionnement des creusets, accessoires indispensables de ce four, les nuisances générées par les fonderies de zinc, la production d'un nouveau produit, le blanc de zinc, un pigment blanc non toxique.

 
Brevet Saint-Paul de Sinçay du 17/11/1853 (à gauche) et Brevet Dubois du 25/11/1850 (à droite)
 

Dans le secteur du zinc et même au-delà, ces difficultés techniques font naître une course à l’innovation qui se traduit par d’importants investissements dans les technologies. À l’échelle de l’entreprise, l’analyse décrit, au cœur des sites de production, les solutions envisagées, les expérimentations menées, les échecs et réussites engrangées, etc.  

 

Les voies de l’expertise technique

Du point de vue de l'acquisition des connaissances, on se trouve, à la Vieille-Montagne, dans un schéma privilégiant l'empirisme et le changement technique par essais-erreurs. Au vu du foisonnement des tests et expériences, consignés dans les rapports annuels consacrés à la fabrication du zinc, on peut même parler d'une "culture" de l'essai.

floneDans cette configuration spécifique, la mise en place d'un système d'information technique balisant les chemins de l’innovation paraît fondamentale. Celui-ci revêt plusieurs dimensions dont la première est une forme précoce de veille technologique qui porte par exemple sur les brevets déposés par les concurrents. Il faut également insister sur l'existence de réseaux d'informateurs, parfois extérieurs à la société, et qui témoignent d’une conjonction entre les milieux industriels et scientifiques. L’organisation structurelle de l’entreprise stimule à son tour l’inventivité en favorisant la réflexion sur l'innovation et la transmission des informations techniques. C'est par exemple à cette fin que sont créés, en 1846, divers comités réunissant les chefs de fabrication des diverses fonderies de zinc. Favorisant le partage d'expériences et d'idées neuves, ces rencontres font émerger une série d'impulsions destinées à dépasser les problèmes  techniques.

 
L’usine de Flône vers 1850, lithographie publiée dans La Belgique industrielle.
 

 

Autonomie contrôlée et concurrence interne sur le front de l’innovation

SaintPauldeSinçay1887En matière d’innovation, le pouvoir d’initiative est confié aux sites de production et, de facto, aux directeurs d’établissements. Certes, la direction générale, incarnée par Louis-Alexandre Saint-Paul de Sinçay à partir de 1846, est le lieu de la décision, mais l'impulsion est donnée par les directeurs d'établissement et à leurs chefs de fabrication qui conçoivent et sélectionnent les procédés innovants à soumettre à l'expérience industrielle. Ils assument ainsi un rôle important du point de vue des choix technologiques. Cette stratégie d’autonomie contrôlée favorise l'émergence dans chaque fonderie de procédés divers et suscite une véritable émulation entre établissements. Cette liberté des directeurs d'établissements prend néanmoins fin, parfois brutalement, lorsque le nouveau procédé est évalué sous l'angle du rendement. Le cas échéant, la direction et le conseil d'administration approuvent son usage à l'usine, voire envisagent sa généralisation à d'autres établissements.

Ce scénario de la généralisation n'est pas sans analogie avec la pratique du benchmarking qu'on peut définir comme un processus d'analyse, de sélection puis d'implantation des pratiques jugées capables d'améliorer les performances au sein d'une organisation. Puisque la direction générale confronte systématiquement, dans ses rapports annuels, les bons et mauvais élèves, cette émulation prend même la forme d'une concurrence interne entre établissements.

Médaille en bronze offerte par la Vieille Montagne
à son directeur général Saint Paul de Sinçay, 1887

 

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