Un nouvel espace Montefiore-Levi à la Maison de la Science

L'ingénieur métallurgiste  Georges Montefiore-Levi a joué un rôle très important dans la création d'un institut électrotechnique à l'Université de Liège. Soucieux de l'efficacité de la formation des ingénieurs, l'industriel a offert à l'institut qui porte son nom les instruments les plus adaptés et les a renouvelés au fur et à mesure de l'évolution des techniques.  La Maison de la Science, dépositaire du Fonds Montefiore, vient de bénéficier d'un financement privé pour mettre cette collection en valeur dans un nouvel espace à découvrir dès ce mois de décembre 2016.

 

Montefiore-Levi, sa vie, son œuvre

Les débuts

MontefioreGeorge Montefiore naît en Angleterre en 1832 dans un milieu peu fortuné. À l’âge de six ans, il émigre à Bruxelles mais c’est à Liège qu’il poursuivra ses études. Un diplôme d’ingénieur en poche, il débute une carrière fulgurante dans le monde industriel. Carrière fortement favorisée par son mariage en 1866 avec  Hortense, fille du célèbre banquier JR Bischoffsheim.  À la mort de son beau-père, George est au centre d’un extraordinaire réseau d’alliances entre grandes familles de banquiers. L’héritage colossal de sa femme lui permet d’accéder à plus de 17 mandats dans des sociétés cotées à la bourse de Bruxelles.

George déborde de projets. Il crée une unité de production de nickel et de cobalt au Val Benoit (Liège) où il poursuit des recherches sur les alliages. Bientôt, il industrialise ses découvertes en créant les fonderies de bronze phosphoreux d’Huizingen toujours en activité au 21e siècle. L’histoire lancée, il orientera ses activités vers un domaine extrêmement lucratif : les chemins de fer.

À cela, s’ajoutent ses activités bancaires. Il devient président de la succursale bruxelloise de la Banque de Paris, censeur de la Banque Nationale et membre du conseil général de la CGER.

Autant d’activités qui lui permettent de mener grand train de vie, tant dans son château du Rond Chène à Esneux que dans son hôtel de maître, rue de la Science à Bruxelles.

Un citoyen d’exception

Naturalisé belge, il investit en 1882 le monde politique.  Le sénateur Montefiore s’implique dans bon nombre d’organismes officiels d’assistance sociale.  On retiendra aussi ses fréquentes interventions s’opposant à des projets de loi portant atteinte à la condition des ouvriers.

À titre privé, ses activités sont tout aussi débordantes.  Sa femme est impotente à vie et ne peut avoir d’enfant.  Ceci expliquerait-il cela ? Ensemble, ils s’investissent dans l’aide aux déshérités.  Ils fondent notamment un sanatorium à Borgoumont, et, à Esneux, un hôpital et un asile pour enfants avec déficiences mentales.

 

StatueCharite
Monument dédié par la Province de Liège aux époux Montefiore Oscar Berchmans.
Symbolisant la charité, l’œuvre allégorique d'Oscar Berchmans est réalisée en bronze et placée en 1911 dans le square Notger, à proximité de la Place Saint-Lambert (à gauche). Démontée et stockée dans les années 70, restaurée en 1995, elle sera replacée en 2012 non loin de son emplacement originel, aux escaliers dits « degrés des Dentellières » (à droite).
 
 

Et puis, il y aura l’institut électrotechnique de Liège.

 

L’institut électrotechnique de Liège

L’institut électrotechnique de Montefiore  est une première mondiale. N’oublions pas qu’en 1883, date de sa création, 14 années seulement se sont écoulées depuis qu’un autre liegeois, Zénobe Gramme, a mis au point la dynamo. Et la lampe à filament de carbone d’Édison ne brille que depuis 3 ans !

Pour s’insérer dans cette nouvelle industrie, l’Université de Liège désire créer le titre d’ingénieur civil électricien, ce qui demande l’enseignement d’une matière encore bien balbutiante.  Montefiore financera ce projet.

telegraphe Hughes Lampe a arcFoucault-Duboscq

En 1993, Montefiore a financé l'aménagement et l'équipement des laboratoires en matériel d'une qualité proche de celle utilsée dans l'industrie.
À gauche, télégraphe à impression Hughes, à droite : Lampe à arc à régulateur Foucault-Duboscq. Photos ©ULg-Michel Houet
 

Du premier institut, installé rue St Gilles, sortent les plus grands ingénieurs qui feront la grandeur de la Belgique industrielle. L’institut se taille même une réputation internationnale flatteuse et on ne compte plus les étudiants étrangers qui s’y inscrivent.

IEM
IEM, Institut électrotechnique Montefiore, début 20e siècle : bâtiment des ateliers et laboratoires,  avec à l'avant-plan le buste de Georges Montefiore,
œuvre du sculpteur Thomas Vinçotte, installé dans cette cour d'honneur en 1903

 

institut MontefioreEn 1886, Montefiore patronne la création d’une association de diplômés de son institut : l’AIM dont l’objectif est de maintenir des contacts entre les diplômés. Cette association, encore très active, compte aujourd’hui pas moins de 800 membres.

En 1977, l’Institut Montefiore a été transféré sur le campus universitaire du Sart Tilman pour y développer ses activités d’enseignement et de recherche.

 

Actuel Institut Montefiore au Sart Tilman.
Le buste de Georges Montefiore
a été réinstallé près de l'entrée du bâtiment

 

 

Un nouvel espace pour une collection exceptionnelle

Depuis 1986, la Maison de la Science est dépositaire de la collection d’instruments électrotechniques Montefiore. L’Université de Liège lui en a confié la charge de conservation et de diffusion. Depuis lors, écartelée entre réserves et vitrines, cette collection originale n’avait pas encore pris les galons qu’elle mérite. Récemment, elle a pourtant séduit trois industriels du collectif d’entreprises Co-legia. Grâce au soutien financier des entreprises Semaco, Collignon et Yvan Paques, quelques pièces de cette collection  vont trouver un nouvel écrin. Nouveau ? Pas vraiment ! Car c’est en réutilisant de vieilles armoires abandonnées à la Ressourcerie de Liège par leurs propriétaires en mal d’Ikéa ou autre modernité que la Maison de la Science a mis en vitrine cette collection d’instruments électrotechniques.

Facette essentielle du patrimoine scientifique de l’Université de Liège, la constitution de cet ensemble d’instruments fut amorcée dès la fondation de l’Institut en 1883, grâce au soutien financier de Montefiore. L’ensemble comporte des objets très divers, dévoilant un vaste panorama sur les sciences de l’électricité des 19e et début  20e siècles: générateurs et dynamos, instruments de mesure, lampes, piles et accumulateurs, télégraphes et téléphones, spécimens de câbles et de résistances ou encore appareils de démonstration pédagogique. Autant d’instruments provenant de la créativité liégeoise ou belge (Zénobe Gramme, Joseph Jaspar, Michel Gloesener, Henri Pieper…) et internationale.

 blance Kelvin

Balance électrodynamique de Lord Kelvin  ©Jacques Ninane
Dans cet ampèremètre – balance, un fléau porte à chaque extrémité une bobine mobile comprise entre deux bobines fixes.
Les six bobines sont parcourues par le même courant de manière à attirer une des bobines mobiles vers le bas et l’autre vers le haut.
Des poids glissant sur le bras du fléau permettent de ramener ce dernier dans la position horizontale et d’estimer l’intensité du courant traversant les bobines.
 
 
montefiore-vid
 

 

 Martine Jaminon
Novembre 2016

 

crayongris2Martine Jaminon enseigne les sciences physiques dans une perspective historique. Elle dirige la Maison de la Science et coordonne les activités de l'Embarcadère du Savoir.

 

 

Voir aussi : 20 octobre 1986. La collection Montefiore  dans le 15e Jour du Mois