“Escribir, leer, pensar la literatura hoy”, así se titulaba el coloquio internacional que tuvo lugar en nuestra universidad el pasado diciembre, un coloquio en el que participaron cuatro escritores latinoamericanos. Entre ellos figuraba Alejandro Zambra, famoso por sus novelas Bonsái (2006), La vida privada de los árboles (2007) y Formas de volver a casa (2011). Novelista, pero también poeta, crítico y profesor universitario, las facetas del escritor chileno son múltiples. Además de las novelas ya mencionadas, es igualmente autor de dos libros de poesía, Bahía inútil (1998) y Mudanza (2003), de una colección de ensayos titulada No leer (2010) así como del libro de cuentos Mis documentos (2013). Más recientemente, publicó Facsímil (2014), un libro que vuelve, bajo la forma de preguntas de opciones múltiples, sobre los dilemas éticos de la vida en tiempos de la dictadura militar chilena. De manera general, la producción literaria de Alejandro Zambra es tan intensa y original como íntima. El amor, la infancia y la dictadura ocupan un lugar de privilegio en una obra que une asuntos personales y políticos, dramas privados y dramas públicos. En este sentido, estaría en consonancia con las tendencias actuales. Zambra es uno de los protagonistas de la “literatura de los hijos”, una literatura nacida en el Cono Sur en los años noventa y que él mismo define como la de los “personajes secundarios”, a saber el relato de aquellos que no protagonizaron los acontecimientos traumáticos de la dictadura, pero que al ser hijos de padres desaparecidos o de militantes que estuvieron presos, sí vivieron sus consecuencias. Algunos críticos sugieren que esta literatura cristaliza las dudas existenciales de esos personajes secundarios de la Historia, que sería ante todo una búsqueda de la identidad propia.
La diferencia fundamental con el testimonio directo es que la literatura de los hijos considera una serie de acontecimientos pasados desde el presente, y que lo hace muchas veces a través de la mirada de la infancia. Es el caso de Formas de volver a casa, en el que Zambra escribe: “Pinochet, para mi, era un personaje de la televisión que conducía un programa sin horario fijo, y lo odiaba por eso, por las aburridas cadenas nacionales que interrumpían la programación en las mejores partes. Tiempo después lo odié por hijo de puta, por asesino” (2011: 21). La novela, que alterna entre ficción y diario íntimo, cuenta la historia de un niño (el autor mismo) a quien una niña, llamada Claudia, le pide que espíe a un hombre y le informe de sus movimientos. Sin conocer los motivos de esta solicitud, el pequeño Alejandro acepta. Veinte años más tarde se vuelven a encontrar y poco a poco se levanta el velo del misterio. El hombre en cuestión no era otro que el padre de Claudia, un oponente del régimen de Pinochet que, para proteger a su familia, había tomado la decisión de alejarse de ella. “Las novelas —las buenas novelas—”, precisa Valeria Luiselli, “no reconstruyen ni apuntalan ninguna realidad, sino que ponen de manifiesto la fragilidad y los naturales equívocos de esa realidad”. Quizás ésa sea una de las claves del éxito de Alejandro Zambra, que goza hoy de una irradiación internacional.
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« Écrire, lire, penser la littérature aujourd’hui », c’est ainsi qu’était intitulé le colloque international qui eut lieu dans notre université en décembre dernier, à l’occasion duquel quatre écrivains latino-américains avaient répondu présent. Parmi eux figurait Alejandro Zambra, déjà connu du public francophone pour ses livres Bonsaï (2008), La privée des arbres (2009) et Personnages secondaires (2012). Romancier, mais aussi poète, critique et professeur universitaire, les facettes de l’écrivain chilien sont multiples. Outre les romans précédemment cités il est également l’auteur de deux livres de poésie, Bahía inútil (1998) et Mudanza (2003) (Traduit en français sous le titre Vider les lieux par Pedro Araya), d’une collection d’essais intitulée No leer (2010) ainsi que du recueil de nouvelles Mis documentos (2013) (Mes documents. Traduction réalisée par Denise Laroutis). Plus récemment est paru Facsímil (2014), un livre qui revient, sous la forme d’un questionnaire à choix multiples, sur les dilemmes éthiques de la vie sous Pinochet.
De manière générale, la production littéraire d’Alejandro Zambra est aussi intense et originale qu’intime. L’amour, l’enfance et la dictature occupent un lieu de privilège au sein d’une œuvre qui unit sujets personnels et politiques, drames privés et drames publics. En ce sens, celle-ci s’inscrit parfaitement dans la tendance actuelle. Zambra est l’un des protagonistes de la « littérature des fils », une littérature apparue en Amérique latine dans les années 90 et qu’il définit lui-même comme celle des « personnages secondaires », à savoir le récit de celles et ceux qui n’ont pas vécu directement les événements traumatisants de la dictature mais qui, pour être les enfants de parents éliminés par le régime ou de militants faits prisonniers, n’en ont pas moins subi les conséquences. Certains critiques, à l’instar d’Ilse Logie, ont émis l’hypothèse que cette littérature cristalliserait les doutes existentiels ressentis par ces personnages secondaires de l’Histoire, qu’elle serait avant tout une recherche d’identité. La différence fondamentale avec les témoignages immédiats est que la littérature des fils pose, depuis le présent, un regard critique sur des faits passés, et qu’elle le fait par conséquent bien souvent à travers le regard de l’enfance. C’est le cas de Personnages secondaires, dans lequel Zambra écrit : « Pinochet, pour moi, était un personnage de la télévision, l’acteur principal d’un programme sans horaire fixe, et je le détestais pour ça, à cause de ces chaînes nationales ennuyeuses qui interrompaient toujours aux meilleurs moments leur programmation habituelle. Quelques années plus tard, je me mis à le détester pour être un fils de pute, un assassin » (2011 : 21, je traduis). Le roman, mêlant fiction et fragments de journal intime,conte l’histoire d’un petit garçon (l’auteur lui-même) à qui une enfant, nommée Claudia, demande d’espionner un homme et de l’informer du moindre de ses mouvements. Sans connaître les raisons de cette demande, le petit Alejandro accepte. Vingt ans plus tard ils se rencontrent à nouveau et le voile du mystère se lève peu à peu. L’homme en question n’était autre que le père de Claudia, un opposant au régime de Pinochet qui, pour protéger sa famille, avait fait le choix de s’en éloigner. « Les romans – les bons romans – », précise Valeria Luiselli, « ne reconstruisent ni n’élaguent aucune réalité, mais insistent au contraire sur la fragilité et les naturelles équivoques de celle-ci ». C’est là peut-être une des clés du succès d’Alejandro Zambra, dont le rayonnement est désormais international. |
Nicolas Licata est étudiant en Langues et Littératures modernes
Photos : Guy d'Artet et Hugues Raven