On connaît Alain Dantinne pour sa poésie, ses aphorismes ou ses romans, dont le pastiche Hygiène de l’intestin. Ce recueil poétique, émaillé de peintures d’Alain Dulac qui introduisent chacune des cinq paries, et dont l’une d’elles orne la couverture, s’ouvre sur une tentative de dire ce qu’est la poésie:
«Au cœur de l’écriture
l’ombre de la main
Au cœur de l’ombre
une fêlure
Au cœur de la fêlure
l’absence
Au cœur de l’absence
La poésie.»
Certains poèmes sont des hommages. Par exemple à Achille Chavée. Adolescent, «dans le poussier détrempé d’anciens charbonnages», l’auteur fut touché «d’une flèche invisible» qui lui permit de découvrir «d’inépuisables secrets/lambeaux d’enfance/enfouis dans la nuit». «Achille/attisa une blessure/plus éclatante que les remords/triomphante morsure/crevasse exaltée/mots brûlants/et noirs.». Ou à Alain Bertrand, «chercheur de lumière». D’autres semblent inspirés par des voyages, réels ou imaginaires: la Patagonie, San Francisco, le désert d’Atacama. «Sensation d’exister/s’apparier aux origines.» Ou la Laponie, région à laquelle plusieurs poèmes sont consacrés.
«Je trace
Dans la Toundra
Un lipogramme
Poème estompé
Par les vents
Je piste
Les traces d’errants
Venus d’autres mondes
Runes effacées
Par les vents
Je vis
En quête d’absolu
Halètement diffus
Soutenu
Par le vent.»
Certains poèmes trouvent leur inspiration dans l’œuvre d’Edvard Munch, d’autres dans un quotidien qui peut être dramatique: le voyage des hirondelles, la mort d’un proche, un portrait placardé dans les toilettes d’un restaurant bruxellois, etc. Et toujours, le lecteur se sent concerné par ces bribes de vies ou de souvenirs qui, par leur universalité, les renvoient à lui-même.
Alain Dantinne vient également de publier un recueil d’aphorismes, Petit manuel de survie en zone tempérée, sous-titré «Conseils et réflexions pour un bon usage de Dieu, de l’âme et du monde, suivi de quelques considérations morales» et placé sous le haut-patronage de Flaubert («Être bête, égoïste et avoir une bonne santé, voilà les trois conditions voulues pour être heureux. Mais si la première vous manque, tout est perdu.»)
Comme indiqué, il est donc question de Dieu: «Le plus grave des péchés mortels: le péché de chair? À canon.»,
De l’âme: «Quand quelqu’un vous dit C’est la mort dans l’âme que…attendez-vous illico à un nouveau mensonge.»
Du monde: «Les rails d’une voie de chemin de fer se rejoignent à l’infini. Ou à Birkenau.», «Sur Internet, j’ai trouvé tout ce que je ne cherchais pas».
De l’esthétique: «Il voulait peindre le néant, mais ne trouva place pour poser son chevalet.»
De la poétique: «Poète mineur: chaque matin, il creuse dans une galerie de mots.»
De l’érotique: «Vis ta vie. Vit à vit.»
De la névrose: «Je passe le plus clair de mon temps à l’assombrir.»
De la métaphysique: «L’incertitude est plus qu’un principe ou qu’une équation: c’est une manière d’être.»
De l’errance: «Si tu veux voir l’autre côté du mur, fais le tour du monde !»
De la politique: «Israël transforme la Shoah en chaos.»
De l’éthologie: «Le Pen, un bétail de l’histoire…»
De la praxis: «Je connais un sourd, il ne parle que par sous-entendus.»
Ces réflexions souvent portées par un humour noir revendiqué, parfois engagées, et toujours pleines de sagesse, sont accompagnées de dessins noir et blanc tout aussi subtils, voire gentiment moqueurs de Daniel Casanave.
Alain Dantinne, Précis d’incertitude, L’herbe qui tremble
Alain Dantinne, Petit manuel de survie en zone tempérée, Voix d’encre
Voir aussi : Alain Dantinne
Sorties de presse des ULgistes - Automne 2016
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