Lectures pour l'été 2016 - Poches - Essais, Documents, Non-fiction

SimenonGeorges Simenon, Mes apprentissages. Reportages 1931-1946

Ce gros volume réunit un ensemble de textes présentés par Francis Lacassin qui se trouve être à l’origine de leur première publication. En 1974, ce spécialiste des littératures de genre propose en effet au père de Maigret le plan d’une édition complète de ses reportages parus entre 1931 et 1946. «Il sautait aux yeux, remarque-t-il dans l’introduction de cette nouvelle édition, que beaucoup de romans devaient à cette production évanouie: décors, personnages et parfois l’argument de base.» Ses recherches donnent naissance à trois livres publiés par Christian Bourgois dans la collection 10/18: À la découverte de la France, À la recherche de l’homme nu et À la rencontre des autres. Les voici pour la première fois réunis, enrichis d’une dizaine de reportages que, faute de place – chaque tome ne pouvait excéder 448 pages –, Lacassin avait été contraint d’éliminer à l’époque: Au fil de l’eau, La Caravane du crime, Le Drame mystérieux des îles Galápagos, Sixième continent, Histoires de partout et d’ailleurs, etc. Cette somme de mille pages peut donc être considérée comme intégrale.

En 1928, Georges Simenon parcourt les canaux et rivières de France sur un petit bateau, La Ginette. Il raconte ce premier voyage en 1931 dans un numéro de Vu  sous le titre Une France inconnue ou L’Aventure entre deux berges. De ce périple, il tirera trois enquêtes de Maigret: La Charretier de la Providence, La Guinguette à deux sous et L’Écluse n°1. En 1931, sur un autre bateau, L’Ostrogoth, il traverse le nord de L’Europe d’où il tirera, dans Le Petit Journal, Les Escales nordiques. Et un roman Le Passager du Polarlys. C’est durant ce voyage qu’il écrit la première enquête de Maigret,  Pietr-le-Letton.

Dans les années 1930, le romancier se met à parcourir le monde d’où il ramène des reportages publiés dans diverses revues. Notamment dans Voilà, l’hebdomadaire créé par les frères Kessel et édité par Gallimard. C’est l’ère des grands reporters, Londres, Kessel, Mac Orlan, Cendrars… «Je ne faisais pas ces reportages pour un journal mais pour moi, déclarera-t-il. J’avais envie de découvrir le monde, de savoir si l’homme était différent à un endroit ou à un autre. Le grand reportage, c’était uniquement une façon de financer mes curiosités. Je n’ai jamais été tenté par l’exotisme. Le pittoresque ne m’intéresse pas, pour moi c’est du cinéma. Et même du mauvais cinéma.»

L’un de ses reportages les plus célèbres, L’Heure du nègre, paraît en octobre et novembre 1932 dans Voilà. Il s’est rendu en Afrique à la recherche de «l’homme nu», c’est-à-dire l’homme tel qu’il est réellement, au fond de lui-même. Il dénonce l’esclavagisme dont les Noirs sont victimes ainsi que les maladies qui les tuent. De ce reportage, on trouve des traces dans Le Coup de lune (1934), 45 degré à l’ombre (1936) ou Le Blanc à lunettes (1937). Chez Simenon, dont l’inspiration colle étroitement au réel, il n’y aucune séparation étanche entre le reportage vécu et le reportage rêvé (le roman). Les voyages ont fourni au romancier le matériau brut d’innombrables situations et personnages.

Pour Paris-Soir, il enquête sur Stavisky dont il raconte la mort dans Marianne. En 1935, il voyage à Tahiti d’où il rapporte Les Gangsters dans l’archipel des Amours paru dans Paris Soir. Cela a fourni la matière première de Ceux de la soif (1938),  Touriste de bananes (1938), Le Passager clandestin (1947). «En réalité, je n’ai aucune imagination. Tout est pris dans la vie. Au cours de mes voyages, j’ai connu tant de types, je suis entré dans l’intimité de tant d’êtres, que je n’ai qu’à chercher dans ma mémoire ce dont j’ai besoin. C’est tout juste si, de temps en temps, je m’inspire d’un fait divers.»

Ces reportages ne sont ni des enquêtes fouillées, ni des ensembles construits, mais une succession de tableaux et de croquis, d’instantanés où Simenon livre des anecdotes qui lui paraissent piquantes ou significatives. Il revendique un bon coup d’œil et l’art de saisir le détail intéressant. Il veille à éviter toute littérature ou pédanterie. Il se met en scène dans la position du naïf ou de l’amateur qui découvre une réalité nouvelle pour lui. Plutôt ethnologue amateur et flâneur qu’enquêteur, il met en scène des petites expériences qu’il a lui-même vécues.

À noter la parution simultanée, chez le même éditeur, de Voyages autour du monde qui reprend trois romans: Le Train de Venise (1965), Trois Chambres à Manhattan(1946) et Le Relais d’Alsace (1931). (Omnibus)

 

Suchel  Folio voyage

La «Série Voyage» de la collection de poche de Gallimard rassemble des textes de tous types et de tous horizons. Dans Sous les ailes de l’hippocampe, le pilote de ligne François Suchel raconte son périple à vélo de Canton, où il a atterri, à Paris. Sa traversée de lieux qu’il n’avait vus que du ciel, le désert de Gobi, les plateaux tibétains, les steppes kazakhes, les cols de l’Oural, génèrent chez lui des réflexions sur la sens de la vie et la liberté.

OBrien Fiennes BassDans Wild Idea (traduit par Walter Gripp), l’éleveur de bisons et par ailleurs écrivain Dan O’Brien (Rites d’automne, Les Bisons de Broken Heart) raconte les différentes étapes de sa vie qui l’ont conduit à vouloir agir en faveur de la nature par le biais de la Wild Idea Buffalo Company.

Élu par le mensuel Lire comme le meilleur livre de voyage de l’année 2014, Les oies sauvages de William Fiennes (traduit par Béatrice Vierne) est un récit initiatique. Tombé malade à vingt-cinq ans alors qu’il vient d’être diplômé à Oxford, le jeune Anglais découvre dans un hôtel des confins du Pays de Galles où l’a emmené sa mère pour «changer d’air», un roman, Les Oies des neiges, qui raconte la migration annuelle de ces animaux de l’Arctique canadien vers le golfe du Mexique. Quelle force les pousse à faire ces allers-retours s’interroge-t-il? Comment s’orientent-elles? Pour échapper à la maladie, il entreprend de faire le même voyage dont il retrace les péripéties et émerveillements dans ce récit d’une profonde humanité.

Contrairement à ces témoignages, Toute la terre qui nous possède de Rick Bass (traduit par Aurélie Tronchet) est un roman. L’auteur américain, qui a travaillé comme géologue spécialisé dans les gisements de pétrole et de gaz, trace en parallèle les destins de Max Omo qui, en 1930, vit du commerce de sel qu’il extrait d’un lac voisin, et Richard qui, trois décennies plus tard, supervise une exploitation de pétrole tout en arpentant le désert texan à la recherche de fossiles et d’ossements. Leurs trajectoires sont peuplées de personnages fabuleux, humains et animaux, qui confèrent à ce roman une dimension épique et quasi poétique.

 

Autissier

Isabelle Autissier et Erik Orsenna, Passer par le Nord

On connaît le goût de l’ailleurs qui nourrit Erik Orsenna. Ses pas ne pouvaient dès lors que croiser ceux la navigatrice Isabelle Autissier, première femme à avoir accompli un tour du monde à la voile en solitaire. Après les avoir menés dans le sud (Salut au Grand Sud, 2006), leur curiosité commune les a entrainés sur la route maritime du Nord qui permet de relier l’Atlantique au Pacifique en longeant les côtes de la Sibérie.

Plutôt qu’un journal de voyage classique, Passer par le Nord est un récit historique, géographique et écologique, les deux auteurs s’inquiétant des dangers encourus par notre planète. Et bien sûr, profondément littéraire et même, parfois, presque romanesque. (Folio)

 

 

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