Lectures pour l'été 2016 - Poches - Romans étrangers

AlgrenNelson Algren, La rue chaude

Couronné en 1950 par le National Book Award pour son roman L’Homme au bras d’or (traduit par Boris Vian et adapté au cinéma par Otto Preminger), Nelson Algren (1909-1981) est surtout connu en France pour sa liaison amoureuse avec Simone de Beauvoir qui l’a introduit dans le milieu existentialiste parisien. Et à qui La rue chaude, paru en 1956 (et traduit pour la première fois en français en 1960), est dédié. L’écrivain américain y dresse le portrait de l’Amérique des années 1930, celle de la Grande Dépression, à travers le portrait de Dove. Le jeune homme quitte le Texas et sa famille religieuse, obscurantiste et alcoolisée pour aboutir à la Nouvelle Orléans, au terme d’un éprouvant périple à pied et dans des wagons de marchandise avec d’autres traîne-misère. Il trouve refuge dans Perdido Street, la rue chaude, quartier de la prostitution, des malfrats, des laissés-pour-compte et des trafics en tous genres. Dans une langue brute, proche du roman noir, Algren s’immerge dans ces bas-fonds miséreux où chacun joue quotidiennement sa survie pour en faire ressentir l’ambiance poisseuse. (Traduit de l’américain par Roger Giroux, L’Imaginaire).

 

BernhardThomas Bernhard, Un enfant

Paru en 1982, Un enfant est, après L’Origine (1975), La Cave (1976), Le Souffle (1978) et Le Froid (198), le cinquième et dernier volume du vaste projet autobiographique élaboré par l’écrivain autrichien Thomas Bernhard (1931-1989).S’il est né en 1931 à Heerlen, aux Pays-Bas, où sa mère a été accouché hors-mariage, il passe ses première années dans la campagne autrichienne, près de Salzbourg, chez son grand-père écrivain qu’il adore. A ces années heureuses, succède une scolarité en Bavière, où ses parents l’ont fait venir, qui l’est nettement moins, Souffrant de manque de confiance en lui, se posant mille et une questions, il vit très mal les deux ans passés en 1942 et 1943 dans un centre national-socialiste pour enfants puis dans un internat nazi où il est régulièrement humilié. Contrairement à ses romans portés par un style formé de longues phrases enchevêtrée les unes dans les autres, l’écriture d’Un enfant est nettement plus sage, l’auteur donnant la priorité à son vécu et à ses émotions. (Traduit de l’allemand par Albert Kohn, L’Imaginaire).

 

AgusMilena Agus et Luciana Castellina, Prends garde

Attention: il ne s’agit pas d’un livre rédigé à quatre mains mais de deux textes différents placés tête-bêche, un roman et un récit historique respectivement écrits par la romancière sarde Milena Agus et la journaliste Luciana Castellina autour du même événement dramatique. Le 7 mars 1946, une foule importante se réunit sur la place d’Andria, un village des Pouilles, au pied du palais des sœurs Porto d’où part un coup de fusil. La journaliste replace les faits dans leur contexte à la fois social, politique et historique. Elle raconte comment, depuis quelques jours, et notamment depuis le 5 mars, la tension a considérablement monté, provoquée par la misère et le chômage grandissants chez les ouvriers agricoles. Un mécontentement qui touche aussi les étudiants. Elle retrace cette journée fatidique dans les détails. Suite au coup de feu, l’assaut est donné contre la belle demeure. «C’est la faim qui se transforme en violence et réclame vengeance», faisant des sœurs des coupables «pour des raisons de classe». Elle parle aussi du procès qui, deux ans plus tard, débouchera sur des condamnations très lourdes. Milena Agus, de son côté, offre une épaisseur humaine à cette tragédie en entrant dans l’intimité des sœurs Porto, femmes peureuses, influencées par l’Evêque, aveugles à la misère régnant en bas de chez elle. (Traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli et Marianne Faurobert, Liana Levi Piccolo)

 

WassmoHerbjørg Wassmo, Ces instants-là

Herbjørg Wassmo fait partie des quelques écrivains norvégiens traduits en français qui permettent au lecteur francophone de découvrir un pays largement méconnu. Ces instants-là est le récit de la vie de son héroïne dans le nord du pays, de l’adolescence à la cinquantaine. D’abord l’enfance entre une mère silencieuse, soumise, un père qu’elle haït et une petite sœur qu’elle aime et protège. Ils ne sont jamais nommés, tout comme le mystérieuse «elle», peut-être l’auteure elle-même, adolescente gauche, maladroite, ne sachant ni que penser ni comment se comporter. Mais passionnée de lecture. Petit à petit, elle va se trouver, se construire et se lancer dans un projet d’écriture. Non sans, auparavant avoir eu un fils, élevé par sa grand-mère, être devenue institutrice, s’être mariée et être devenu mère une seconde fois, d’une fille. Ecrit avec une grande sensibilité, Ces instants-là est un roman introspectif dont l’héroïne, influencée par Simone de Beauvoir, cherche inlassablement à s’imposer en tant que femme dans une société encore extrêmement patriarcale. (Traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier, 10/18).

 

 

Michel Paquot
Juin 2016

 

crayongris2Michel Paquot est chroniqueur littéraire indépendant

 

<<< DOSSIER / Lectures pour l'été 2016

 

 

Page : précédente 1 2 3