Lectures pour l'été 2016 - Poches - Romans étrangers

SaramagoJosé Saramago, Menus souvenirs

Ecrivain exigeant, le Prix Nobel portugais de Littérature 1998 José Saramago ((1922-2010) a récemment vu son roman, L’autre que moi, adapté au cinéma par Denis Villeneuve sous le titre Enemy. L’affiche du film figure désormais en couverture de l’édition de poche (Points) de cette histoire d’un échange d’identités entre deux sosies. Dans Menus plaisirs, paru en 2008 au Portugal, l’auteur de L’Evangile selon Jésus-Christ revient sur ses jeunes années. Issu d’un milieu très pauvre, celui dont le patronyme est un surnom familial, est né dans le village d’Azinhaga que ses parents quittent lorsqu’il a deux ans. Mais, jusqu’à l’adolescence, il y passe ses vacances chez ses grands-parents et cet univers rural, qu’il n’a cessé de reconstruire par la mémoire, imprègnera durablement sa sensibilité. Ce sont ces années passées à la campagne ou à Lisbonne, riches d’anecdotes diverses où interviennent des membres de sa famille, des voisins ou des camarades de classe, qui sont contées avec humour et subtilité dans un style simple qui tranche avec celui, plus complexe et baroque, de ses romans. Un cahier photos termine le livre. (Traduit du portugais par Geneviève Leibrich, Points)

 

SelasiTaiye Selasi, Le ravissement des innocents

Premier roman d’une auteure mi-nigériane, mi-ghanéenne de langue anglaise – naissance à Londres, études à Boston -, Le ravissement des innocents, dont le titre original est Ghana must go, parle des liens entre une famille ghanéenne et les Etats-Unis, terre d’accueil pour les parents, de naissance pour les enfants. Le roman s’ouvre sur la mort de Kweku Sai, un chirurgien ghanéen aussi compétent que respecté qui fut injustement chassé de l’hôpital où il travaillait: forcé de pratiquer une opération qu’il savait impossible, il a en effet été pointé du doigt pour son échec. Déçu, aigri, il a quitté sa famille pour s’en retourner au Ghana où il a épousé une autre femme. Les quatre enfants de Kweku sont restés aux Etats-Unis, devenant médecin, avocat ou écrivain. C’est leurs histoires à tous qui sont racontées au fil d’une chronologie éclatée et d’une construction assez complexe. Le ravissement des innocents fait partie de ces romans qui parviennent à percer la nature humaine à travers des destins soumis à des aléas divers, historiques, politiques, sociaux, raciaux, etc. (Traduit de l’anglais pas Sylvie Schneiter, Folio)

 

SpielmanLori Nelson Spielman, Un doux pardon

Les deux «Pierres du Pardon» symbolisent respectivement les poids de la colère et de la honte. Elles doivent être envoyées, accompagnées d’une lettre, par quelqu’un qui veut s’excuser d’une faute ancienne. Si la personne qui les reçoit en renvoie une, cela signifie qu’elle accepte de refermer le «Cercle du pardon». Hannah Farr, animatrice télé à la Nouvelle Orléans, a reçu ces pierres de la part d’une femme qui lui a bien fait du mal lorsqu’elles étaient au collège, provoquant même la séparation de ses parents. Et qui, devenue avocate, est à la base de ce concept. C’est pourquoi, depuis deux ans, la journaliste hésite à lui renvoyer l’une des pierres. Donc à pardonner. Elle va se rendre compte que, pour y arriver, il lui faut faire un travail sur elle-même. D’autant plus qu’existe une autre personne à qui elle refuse de pardonner, sa mère qu’elle n’a revue qu’une seule fois depuis sa séparation d’avec son père lorsqu’elle avait seize ans. Elle s’obstine dans ce refus, malgré l’insistance de sa vieille amie Dorothy qui lui ouvre les yeux sur une réalité que sa mémoire a tronquée. Et qui, elle aussi, porte un lourd secret et a des excuses à formuler. Pourquoi, puisque l’occasion se présente, ne pas le faire en direct à la télévision?

La mise à nu à l’antenne est l’autre sujet du roman. Jusqu’où peut-on se livrer, parler de soi, sans dépasser les limites de l’intime et, surtout, sans se faire du tort à soi-même? Et jusqu’où une chaîne de télévision est-elle prête à aller pour «créer le buzz» et faire de l’audience? Hannah, qui choisit d’inviter dans son émission son ancienne «ennemie» pour parler de son livre sur les Pierres du Pardon a bien conscience du danger que cela représente pour elle. D’autant plus qu’une jeune journaliste ambitieuse guette son moindre faux pas.

Il y a une vraie parenté entre les deux romans de Lori Nelson Spielman. Comme dans Demain est un autre jour (Pocket), l’histoire d’une femme obligée de réaliser ses rêves de jeunesse pour hériter de sa mère, la romancière américaine traite de sujets interpelant sur le ton de la comédie. Un doux pardon renvoie à notre capacité – ou non – de pardonner en dépassant les rancœurs qui auraient dû d’estomper avec le temps. Et qui, souvent, n’ont plus lieu d’être. (Traduit de l’américain par Laura Derajinski, Pocket)

 

MurakamiHaruki Murakami, L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage

Jeune, Tsukuru Tazaki avait quatre amis inséparables issus, comme lui, de la couche supérieure de la classe moyenne et dont les patronymes comprenaient chacun une couleur: Rouge et Bleu pour les garçons, Blanche et Noire pour les filles. Il était le seul «incolore». Tous les quatre étaient restés à Nagoya, s’inscrivant dans des universités locales, tandis que Tsukuru était parti faire des études à Tokyo. Lui en avaient-ils voulu? De retour dans sa ville natale pour les congés d’été, il avait en effet appris, après avoir vainement tenté de les joindre, qu’ils ne voulaient plus le voir. Sans autres explications. Seize ans plus tard, encouragé par son amie, celui qui, après avoir songé à la mort, est devenu un architecte spécialisé dans le dessin des gares, va tenter de comprendre les raisons de ce rejet en retrouvant ses anciens camarades les uns après les autres.Derrière cette enquête, le roman d’Haruki Murakami raconte d’abord un voyage intérieur qui permettra à son héros, peut-être, de renaître et d’ainsi trouver sa propre couleur. (Traduit du japonais par Hélène Morita 10/18)

 

AusterPaul Auster, Excursions dans la zone intérieure

Ce qui frappe de prime abord, dans cet Excursions dans la zone intérieure c’est l’album qui suit le texte. Soit quelque soixante pages mêlant gravures, dessins, publicités, photos de films, schémas, photos de guerre ou d’émeutes, pages de journaux, portraits d’acteurs ou de chanteurs, photos prises à Paris du Café de Flore ou de manifestations, etc. , toutes légendées. Ce gros volume formé de trois parties – Zone intérieur, Deux coups sur la tête, Capsule temporelle –, publié après Chroniques d’hiver dont il est un complément, reconstruit l’itinéraire intellectuel de l’écrivain newyorkais. Le premier tiers, qui commence lorsque le futur auteur de Moon Palace a six ans – «de loin le meilleur âge qu’on puisse avoir» - est un récit d’apprentissage passant en revue la scolarité et la vie familiale de l’enfant. Mais aussi ses angoisses et interrogations notamment soulevées par la mise à mal de la confiance qu’il est enclin à accorder spontanément à ses camarades. Dans la seconde partie, le romancier raconte très longuement deux films. D’une part L’Homme qui rétrécit, vu seul au cinéma à dix ans, «choc philosophique, métaphysique» qui le plonge dans «un état d’exaltation haletante». D’autre part, Je suis un évadé, «nouveau tremblement de terre cinématographique» qui a «modifié à la composition de [son] monde intérieur». La troisième partie concerne trois années de sa vie, 1966-1969, entre dix-neuf et vingt-deux ans, à travers les lettres envoyées à celle qui allait devenir sa première épouse. Il se souvient que l’étudiant à l’université de Columbia qu’il était «mourrait d’envie de partir» tout en s’isolant le plus possible pour écrire son premier roman. Le «tu» par lequel l’adulte s’adresse à l’enfant qu’il fut crée en mélange de proximité et de distance, comme s’il était à la fois lui et un autre. (Traduit de l’américain par Pierre Furlan, Babel)

 

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