Tête pensante de Mendelson et Bruit Noir, deux des projets les plus excitants de la scène rock hexagonale, Pascal Bouaziz signe avec « Passages » son entrée en poésie. Une poésie à l’image des textes de ses chansons : lapidaire, péremptoire et presque vénéneuse.
La forme ramassée, proche du haïku, distille une souffrance nue, celle du deuil amoureux : d’abord un choc, qui plonge dans l’hébétude (Gestes amputés/ Mots blanchis/ Langue coupée/ Tête pourrie/ À nettoyer de l’intérieur), ensuite l’apathie (Être moi/ Moins souvent/ Je passerais bien ma vie/ À mi-temps). Pour parer les coups, Bouaziz dégaine sa misanthropie presque proverbiale: Une fourmi/ Il est simple de savoir à quoi elle sert : ça se voit/ Mais toi ?/ Accrochée à ton téléphone. C’est dans ce registre ironique et délicieusement désabusé qu’il excelle, et qu’on jubile. Au zoo avec mon fils/ Je regarde les gens/ Quelle espèce.
Petit à petit, à mesure qu’on avance dans le livre, le ton s’éclaircit (Maintenant tu sais/ C’est bête à dire/ Mais je suis mieux), à la faveur d’une nouvelle rencontre (Je me laisse aller avec toi/ Tu me ferais presque croire/ En l’être humain). Tout en retenue, le texte laisse place sur la fin à un peu de lyrisme (Excuse-moi/ Je ne t’écoute plus/ J’enregistre des souvenirs), salutaire au terme d’une traversée secouée.
Notons pour terminer que la parution du livre s’accompagne d’un excellent disque (logiquement) intitulé « Haïkus », sur le label Ici d’Ailleurs.
Alexis Alvarez
Pascal Bouaziz, Passages, Le mot et le reste, 2016, 176 p