Fiston Mwanza Mujila, Soleil privé de mazout

MujilaFiston Mwanza Mujila est né en 1981 à Lubumbashi et il vit aujourd’hui en Autriche, nous dit-on. Il est surtout connu pour son roman Tram 83, paru à Paris, mais deux de ses livres ont été édités en Belgique, l’un aux éditions Lansman, l’autre à Amay, à l’enseigne de l’Arbre à paroles, dans la collection « If » dirigée par Antoine Wauters.

C’est ce dernier livre, Soleil privé de mazout, que je vous conseille de découvrir sous le soleil de l’été. Alors que Tram 83 est un roman et que le livre publié par Lansman est voué au théâtre, il s’agit cette fois de poésie : ce petit parcours nous montre déjà l’éclectisme créateur de Fiston Mwanza Mujila. Et l’intérieur du livre est tout aussi varié : l’auteur passe avec un naturel confondant du prosaïsme au lyrisme, de la gravité à l’humour, associant des images surréalistes à des remarques directes, alternant les micros-récits et les chansons, les vers hermétiques et les phrases sans détour, et interrompant des propos autotéliques qui voient le poème se regarder dans un miroir par des considérations sur la vie. Les dispositions des mots sur la page, les tons, les rythmes, les sujets abordés : tout fluctue sans cesse dans ce petit livre dense et impressionnant. En outre, Fiston Mwanza Mujila n’hésite pas à proposer plusieurs versions du même poème, geste rare que peu de poètes ont tenté depuis Francis Ponge et son magistral Comment une figue de paroles et pourquoi. Rien ne semble pouvoir arrêter le poète congolais qui s’écrie : « Ce qui importe : / exténuer la poésie / la poursuivre dans son dernier retranchement / à la manière d’un boxeur / déverrouillant son adversaire dans les cordes / créer, à partir d’elle, le paradis / un joyeux bordel de mots […]. »

Ailleurs, Fiston Mwanza Mujila se montre modeste : « Je relativise mon existence chaotique, je relativise mon manque criant de talent […]. » Cette dernière assertion est doublement sujette à caution. D’une part quant à l’existence même du talent artistique : un chanteur belge du siècle passé déclarait à ce propos que « Le talent, c’est l’envie de faire quelque chose. Je prétends qu’un homme qui a envie de manger un homard, a le talent, à ce moment-là, dans l’instant, pour manger un homard convenablement. » D’autre part, quant au talent particulier de Fiston Mwanza Mujila : nul doute que cet auteur a envie d’écrire, d’écrire toutes les littératures possibles. Si le talent existe, le sien a pour nom liberté. 

 

Laurent Demoulin

Fiston Mwanza Mujila, Soleil privé de mazout, L’Arbre à Paroles, collection « If », 2016, 82 p.
 

Lectures pour l'été 2016
Poésie
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