Non, pas un recueil de poèmes, ni d’ailleurs un long poème, plutôt un chant douloureux, un appel écorché, une affirmation flamboyante qui se déploie sur quelque 75 pages. Profondes scansions de silence autour de cris de 11, 12, parfois 15 ou 16 vers qui presque tous disent à la fois dévastation et révolte. Le vers qui sert de titre revient comme un incantation un peu étrange une vingtaine de fois, le plus souvent à la première personne, deux ou trois fois à la troisième, car cette incarnation incandescente se regarde parfois dans ses non-miroirs. La douceur de vivre n’est guère évoquée que pour être révoquée :
Ne m’aimez pas au printemps
Au printemps les fleurs éclosent sur mes seins
Les parfums libèrent leur bouton de rose
. . .
Aimez-moi dans les mauvais temps (p.50)
Pourtant parfois, là où elle rejoint un interlocuteur complice, la voilà ouverte à la simplicité des choses :
La soupe à l’oignon du poème
La lavande et l’eucalyptus de Marie
La couleur des mers au pays de ton père (p. 57)
ou encore, à la page suivante :
Je te parle de mots doux
Poupée abeille coton cerf-volant
Mais entourant ces clairières apaisées, il y a la tempête, le grand feu d’un malheur indompté, qui est aussi celui de notre monde, écartelé de « vents contraires ».
Christine Pagnoulle
Rodney Saint-Éloi, Je suis la fille du baobab brûlé, Montréal : Mémoire d’encrier, 2015, 92 p.