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Pierre Vesperini, Droiture et mélancolie. Sur les écrits de Marc Aurèle

09 juin 2016
Pierre Vesperini, Droiture et mélancolie. Sur les écrits de Marc Aurèle

VesperiniIl y a des moments de l’Histoire où les questions existentielles se font plus lancinantes. C’était le cas à l’époque hellénistique, quand le stoïcisme et l’épicurisme ont vu le jour, mais plus largement dans le monde que Paul Veyne a désigné par Empire  gréco-romain. C’était le cas aussi à la Renaissance, période de grand doute autant que de grandes découvertes, quand Montaigne gravait Que sais-je? sur la poutre la plus proche de son écritoire. Et c’est le cas aujourd’hui, dans le monde globalisé où beaucoup d’entre nous cherchent à résister à la machine capitalistique, infernale, qui, comme le dit le  chanteur, « nous fait croire que le bonheur c’est d’avoir de l’avoir plein nos armoires, dérisions de nous dérisoires »…. Quoi de plus normal, dans un tel contexte de « désenchantement », que de plonger dans la lecture des Anciens pour y chercher quelques vérités sur l’Homme. C’est ce « détour » que Foucault a fait pour théoriser ce « souci de soi » dont il allait faire une « des conditions de l’effectuation politique ». Mais Vesperini nous met en garde contre une erreur classique elle-aussi, une erreur de perspective, celle de nous projeter dans le passé et de détourner les figures majeures de la culture pour les dessiner à notre convenance. Marc Aurèle n’était, ne nous en déplaise, ni un penseur stoïcien ni un « politique moderne ». La parrhèsia, cette franchise, si chère à l’auteur de l’Herméneutique du sujet,  confine plutôt  chez l’empereur à la mélancolie et l’universalisme ne l’empêche nullement  de « célébrer les massacres ». Si l’on veut respecter la grande  figure de l’histoire et apprendre d’elle, il faut l’affronter dans son étrangeté-même : celle d’un homme de son temps, un « aristocrate romain devenu empereur à contrecoeur », épris de philosophie autant que de rhétorique (ou  sophistique), hanté par la raison (logos) autant que par la magie (mythos), et qui cherchait désespérément des conseils de conduite dans la lecture de maximes en tous genres, dont celle-ci : « Quand tu souffres, aide-toi aussi de ce mot d’Epicure : que la souffrance n’est ni insupportable ni éternelle »…

 

Stéphane Dawans

 
Pierre Vesperini, Droiture et mélancolie. Sur les écrits de Marc Aurèle, Verdier, 2016, 186 p.
 

Lectures pour l'été 2016
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