Haruki Murakami, Écoute le chant du vent, suivi de Flipper, 1973

MurakamiVoici réunis en un même volume les deux premiers romans de l’écrivain japonais respectivement publiés en 1979 et 1980. Dans sa longue préface, le futur auteur de Kafka sur le rivage raconte dans quelles circonstances ont vu le jour ces «romans de cuisine», comme il les appelle. À la fin de ses études, refusant de s’engager dans une vie professionnelle classique, avec horaires fixes et patron, il a ouvert un bar, tout en faisant des petits boulots pour éponger ses dettes. Et un jour, assistant à un match de base-ball, il a eu une révélation : et s’il écrivait un roman ? C’est donc tard dans la nuit, après la fermeture de son bar, sur la petite table de la cuisine, qu’il s’est mis à noircir les pages qui formeront Écoute le chant du vent. Non sans mal : ne sachant comment écrire, il a repris son roman à la machine à écrire et… en anglais, langue qu’il ne maniait pourtant pas aisément. Et, justement, cette méconnaissance l’a contraint à adopter le style simple qui lui convenait. Après le premier chapitre, convaincu d’avoir trouvé son «rythme d’écriture», il a tout retraduit en japonais avant de poursuivre dans cette langue. Il a ensuite embrayé avec un deuxième roman, Flipper, 1973, au terme duquel il a vendu son bar pour «devenir un écrivain à plein temps». La Course au mouton sauvage, rédigé dans la foulée, sera son premier succès.

Si ces deux premiers romans n’ont évidemment pas la qualité des suivants, ils ne sont pas médiocres pour autant, loin de là, Murakami ayant déjà trouvé le style qui le caractérise. Conçus comme un diptyque, ils reflètent la vie et les préoccupations de leur auteur entre vingt et trente ans. Déjà, le romancier instille dans le quotidien de son héros de l’imaginaire qui vient le pervertir, lui conférer une part d’onirisme inattendu. En compagnie de son ami de comptoir, Le Rat – personnage présent dans les deux romans qui s’étonne que son compagnon de beuverie lise des livres –, le jeune dilettante, après avoir prévenu qu’il allait «raconter une histoire»… ne raconte finalement pas grand-chose. Écoute le chant du vent, qui se déroule en août 1970, quelques mois après la révolte étudiante, est principalement peuplé par ses petites amies. Il découvre même l’une d’elles à son réveil sans savoir comment elle est arrivée-là.

C’est récurrent: dans Flipper, 1973, dont le narrateur a ouvert une agence de traduction qui remporte un vif succès, ce sont deux jumelles qui se retrouvent dans son lit. «Des expériences du même genre, j’en avais déjà connu, mais c’était la première fois avec des jumelles», s’étonne-t-il avec humour. Ces deux filles qu’il ne parvient pas à distinguer, les appelant Entrée et Sortie ou 208 et 209, sont, avec Naoko rencontrée au foyer de l’université, les deux gars venus de Saturne et de Vénus et donc le Rat, les personnages principaux de ce séduisant roman humoristique et mélancolique… où il est notamment question de flippers.

Haruki Murakami, Écoute le chant du vent, suivi de Flipper, 1973 (Belfond) Traduit du japonais par Hélène Morita
 

Sorties de presse des ULgistes - Printemps 2016
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