Ce bref recueil d’une cinquantaine de pages se divise en trois parties.
La première parle du départ de ces hommes attirés vers l’ailleurs mais qui voguent peut-être vers leur mort, et de leurs femmes qui devront alors en faire leur deuil. Après «quelques prières hasardeuses» pour elles qui restent à terre, on embarque avec les marins, «ces hommes qui égarent leur femme leur mère leurs filles dans une vaste patience bleue ou grise puis s’égarent à leur tour sans plus savoir rien d’autre qu’au nom de quoi, au nom de qui.» Recourant à l’anaphore – «Quelques prières hasardeuses», «Vaille que vaille», «Lesquels d’entre eux», «Hélas»… –, le poète confère à son texte un rythme qui peut évoquer le roulis ou le mouvement des vagues.

La deuxième partie pleure la séparation, l’éloignement, le manque. «Là-bas», le marin «écrase sa rancœur au milieu de l’équipage, jette ses secrets au Grand Large. À terre, elle « reste parmi elles», l’homme «assis dans son cœur».

Dans la troisième partie, le poète reprend son chant avec ces débuts de phrases inlassablement répétées, comme autant de prières, de sollicitations, «Capitaine», «Nous n’apprenons pas», «Embrasse-moi», «Dis-moi», «Ils disent / Ils ne disent pas», comme autant de psalmodies lancinantes, tristes, désespérées.
Cette poésie pose une nouvelle fois la question de sa frontière parfois poreuse avec la prose et puise sa force émotionnelle et sa beauté fragile dans les images qu’elle véhicule:
«Les femmes noient dans l’eau les fardeaux qui les voûtent»,
«La neige sur cette eau tombe comme ils mourront tous et se fond dans les sols mélangés de nos propres origines»,
«L’âme victorieuse a perdu son pari dans le cœur d’un hublot»
«Le marin mange ses songes / et ronge ses manches / couteau épée dans l’eau/goût de sel sur la langue»,
etc.

Voir aussi Thomas Vandormael, La Vigie par Laurent Demoulin

Sorties de presse des ULgistes - Printemps 2016
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