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Daniel Arnaut, Les choses que l’on ne dit pas

05 avril 2016
Daniel Arnaut, Les choses que l’on ne dit pas

arnautCe volume regroupe deux textes de Daniel Arnaut, Les choses que l’on ne dit pas, paru en 2006 aux éditions Esperluète accompagné de dessins d’Anne Leloup, suivi d’un inédit, Commander et mentir. Tous deux tournent autour de la figure du père, de manière très différentes d’un point de vue formel mais très proche quant au ton et aux émotions qu’ils dégagent. Ils sont accompagnés d’une postface signée Laurent Demoulin.

Les choses que l’on ne dit pas, ce sont à la fois celles qui ont trait à la maladie incurable dont est atteint le père du narrateur, un homme confronté à «l’intolérable évidence / de la mort qui vient», et celles qui laissent comme un hiatus entre un père et son fils. Écrit comme un long poème, ce récit dit la douleur d’un fils qui voit dépérir cet homme qu’il avait toujours connu fort, son incompréhension, son impuissance. «fils tu n’as pas idée / de ce qu’on me fait subir / ici on me prend tout», se plaint le moribond. «dis-moi est-ce que c’est / toujours la guerre», s’interroge-t-il. Suppliant: «fils pour l’amour de Dieu / emmène-moi loin d’ici / fais-moi sortir de ce trou». Se succèdent l’aumônier, pour les soins de l’âme, qui lui laisse une image pieuse, une jeune infirmière «à la voix enjouée et chantante», pour ceux du corps, le médecin «qui va et vient à travers la pièce».

C’est un texte magnifique, juste et pudique, qui raconte la douleur de voir lentement partir ceux que l’on aime. Le fils dit la panique qu’il lit dans les yeux de son père, à l’idée de mourir, à l’idée de le voir partir, la peur «des choses qui viennent», de la culpabilité qui l’habite. Mais une fois le père mort, la vie doit bien continuer, il revit dans l’esprit et les souvenirs de ceux qui lui survivent. Et puis… «dix ans / dix ans déjà / comme le temps passe vite / dit ma mère dans un sanglot.» Et le fils du fils a maintenant dix-sept ans, et c’est lui qui s’éloigne lentement, laissant remonter chez son père des souvenirs de son père à lui, des rares moments de complicité. «pour lui non plus / cela n’a pas dû être facile / la vie posée / là / tel un vaste problème à résoudre / une espèce de mécano géant / qu’on lui a mis un jour entre les mains / sans lui donner le mode d’emploi».

Dans Commander et mentir, un texte probablement autobiographique, le narrateur revient quelques années en arrière en s’interrogeant sur la dépression de son père survenue à la veille de sa retraite. Ce questionnement le conduit à évoquer certains épisodes de la vie du malade, sa captivité pendant la guerre, sa carrière professionnelle à Cockerill où il finira contremaître, ou les cours de français suivis à la veille de la cinquantaine, alors qu’il avait une parfaite maîtrise de la langue. Mais, surtout, il raconte, sur la foi de ce que lui a rapporté sa mère, sa participation à un séminaire d’entreprise où il ne se sent pas à sa place et qu’il sabote avec un mélange de sincérité et de naïveté qui en font ressortir l’ineptie.

Daniel Arnaut, Les choses que l’on ne dit pas (Espace Nord)
 

Sorties de presse des ULgistes - Printemps 2016
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