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Concert-Conférence Hommage musical à François Jacqmin

29 février 2016
Concert-Conférence Hommage musical à François Jacqmin

jacqminLe lundi 29 février à 20h, le Conservatoire royal de Liège et l’Université de Liège s’associent pour une conférence-concert exceptionnelle en hommage au grand poète liégeois François Jacqmin (1929-1992).

  • 2 mini-conférences :

Gérald Purnelle : Le poète François Jacqmin
Francis Édeline : Le silence et le blanc

  • 4 créations musicales

Michel Fourgon : Le printemps le dit
Steve Houben : D’après Le tombeau de Linné
Stéphane Hejdrowski : Deux leçons d’hiver
Gaëlle Yernaux : Polaroïds d’après Saisons

  • 10 Musiciens et 1 récitant

Christophe Bornet : baryton - Jorge Camelo : violoncelle - Aurélie Charneux : clarinette - Steve Houben : saxophone - Clotilde Leroy : alto - Mélodie Moureau : soprano - Jacques Pirotton : guitare - Stéphane Pougin : batterie - Julie Vercauteren : mezzo-soprano - Jean-Pol Zanutel : violoncelle - Nathanaël Harcq : récitant

Cette manifestation est organisée par l’ASBL l’Union des Professeurs, Elèves et Anciens Elèves du Conservatoire Royal de Liège avec le soutien du Service Culture de la Province de Liège et de l’Université de Liège.

Université de Liège / Salle Académique : Place du 20-Août, 7 / 4000 Liège
Entrée : 10 € / Etudiants, Article 27 : gratuit.

Réservations : 0497/21 39 29

 

 

François Jacqmin (1929-1992) peut être tenu pour un des deux ou trois plus grands poètes de la deuxième moitié du 20e siècle en Belgique. Son œuvre comprend plusieurs plaquettes (dont cinq ont été rassemblées en 2000 dans La Rose de décembre et autres poèmes, La Différence), des ouvrages à tirage limité réalisés avec des plasticiens (dont les textes ont été rassemblés en 2012 dans L’Œuvre du regard, Le Taillis Pré), et trois recueils majeurs : Les Saisons (Phantomas, 1979), Le Domino gris (Daily Bul, 1984) et Le Livre de la neige (La Différence, 1990). Durant toute sa vie, il s’est constamment et volontairement tenu à l’écart du milieu littéraire, à l’égard duquel il était très critique.

Cette œuvre de haute tenue trouve sa cohésion dans l’attitude d’un poète qui se confronte constamment au réel et à l’impossibilité de le connaître, de le penser et de l’exprimer. Elle est marquée par le refus catégorique d’une certaine poésie, floue, lyrique, jolie, imprécise, à laquelle il oppose la recherche du mot juste et le souci de la précision ; la quête désespérée d’une expression du réel ; la critique permanente de la pensée et du langage ; enfin un humour distant et feutré, mais féroce, ironique, impitoyable, qu’il tourne d’abord contre lui-même. Elle est toutefois habitée par un paradoxe, lucidement reconnu par le poète : continuer à écrire en dépit des impuissances du langage. Mais Jacqmin est d’abord un poète épris de la réalité, constamment séduit par le spectacle de la nature ; un homme qui laisse transparaître, à travers son écriture distante, l’expression d’une expérience humaine, avec ses faiblesses, ses aveux, sa lucidité aussi, ses gouffres affectifs et ses ambiguïtés. Entre désespoir et sérénité, il faisait une place pour le poème. Ainsi a-t-il livré, lors des conférences qu’il donna à la Chaire de poétique de Louvain-la-Neuve en novembre 1991, un ultime message quant à la fonction de celui-ci, en affirmant que « la poésie sera consolation, ou rien ».

Très attiré par les arts plastiques, il n’a guère écrit sur la musique. Celle-ci pouvait toutefois servir de comparant pour les objets de ses réflexions ou de ses obsessions. Nul doute que la rencontre (plutôt que la confrontation) du langage musical et des poèmes de François Jacqmin sera une expérience passionnante, tant pour les amateurs de musique que pour les admirateurs du poète, de plus en plus nombreux.

Gérald Purnelle


Voir aussi La poésie des Liégeois François Jacqmin et Jacques Izoard rééditée
et François Jacqmin
et Expo L'écriture et la foudre. Jacques Izoard et François Jacqmin (jusqu'au 4 mars)

jacqmin

Dans « Couleur », 1987 :

La couleur se lamente
à la pensée
d’être une expression,

comme

la musique est inconsolable
de savoir
qu’on la joue.


 

Poème inédit :

La neige
frappe
l’enclume du silence :
elle accorde l’ouïe
à la blancheur du bruit.


 

Les Saisons, 1979 :

La lumière entre dans la forêt
comme une révélation.

Elle emprunte des sentiers que
le feuillage ignore.

Tout devient visible et
inexplicable.

L’esprit est confondu à l’idée
d’une fatalité qui éclaire.


 

 

Le Livre de la neige, 1990 :

Je ferme les yeux,
et les mélèzes entrent dans une phase ascétique.
Je tremble,
et mon corps devient une appréhension plutôt
que le lieu d’un frisson.
Je m’amenuise
jusqu’à l’ivoire de l’ellipse.
Il a fallu que l’infini se rapproche de moi
pour que je ne découvre rien. C’est dans mon
expérience du monde que je perds tout !

 

Quelques mots des compositeurs

Michel Fourgon,  Le Printemps le dit

FOURGON Michel (c) Isabelle FrançaixUn beau jour de 2013, mon ami Steve Houben (jazzman bien connu et pétri de poésie) a eu la gentillesse et la bonne idée de m'offrir un recueil dont l'auteur m'était inconnu. Il s'agissait des Saisons de François Jacqmin. Après n'avoir fait qu'une bouchée de ces véritables joyaux en miniature, l'idée m'est venue directement à l'esprit d'en utiliser certains pour composer une œuvre musicale. Desuite, la formation de chambre « mezzo-soprano et violoncelle » s'est imposée à moi, car elle convenait assez bien à l'intériorité et l'intimité qui se dégageaient des poèmes que je venais de lire.

Pour la mise en musique des textes (tous extraits de la première partie du recueil intitulée Le Printemps), j'ai été guidé également par ce qui affleurait à l'esprit lors de la lecture de ceux-ci : concision, simplicité, profondeur, sens multiples, humour « sans y toucher ». Ainsi, je me suis efforcé de chercher à inscrire ma musique dans le sillon creusé au préalable par le poète.

Le Printemps le dit est dédié à Julie Vercauteren et Jean-Pol Zanutel.

 

Steve Houben :  Neuf strophes d'après Le tombeau de Linne

steveHouben9 compositions faisant suite à chacun des 9 courts poèmes du chapitre Le Tombeau de Linné extrait du recueil Le Domino gris . Ces intermèdes musicaux tentent de ralier «l’univers impensé» du poète qui affirme : On pourrait dire que je suis à la recherche d’un entendement qui ne fait pas apparaître la vérité. Par entendement, j’entends un état intérieur qui ne comporte ni question ni réponse, mais une sorte de désistement intellectuel. Toute signification est un risque inutile .Le naturaliste suédois du 18e siècle Carl von Linné, inventeur de la nomenclature binominale, consirérait que la connaissance des choses périssait par l’ignorance du nom.Jacqmin lui, dit que «le coquelicot absolu a pour propriété de protéger la méditation des affronts de la raison.»

Le texte musical est initié par une partition minimaliste et suggère un état putôt qu’il ne le décrit. Le choix initial ne s’est pas porté sur l’instrumentarium mais sur la connivence et les codes communs d’un trio qui évolue de concert depuis plus de 20 ans.

Le lieu et la formule disait Athur Rimbaud.

 

Sefan Hejdrowski,  Deux leçons d'hiver

HejdrowskiStefan-photo GuyDArtet« Deux leçons d'hiver » est un trio pour baryton, alto et violoncelle écrit à partir de deux poèmes du recueil de François Jacqmin intitulé « Le livre de la neige ».

La partie de baryton est avant tout un cheminement allant du chant à la parole :
- Un air très court répété. Une note tenue suivie d'une désinence. La voix semble s'échapper des instruments comme le souvenir d'une « Leçon de ténèbres » de François Couperin.
- Des mélodies sur des inflexions plus naturelles de la voix. Celles-ci se rapprochent peu à peu d'un semblant de récitatif. Et cela se marque dans la voix du baryton, qui évolue vers un registre plus grave.
- La voix parlée sur un vers du deuxième poème. Ce retour à la récitation, sans accompagnement instrumental, veut laisser la part belle à la poésie.

Pour la partie instrumentale, j'ai imaginé une échelle commune aux deux instruments s'articulant autour des cordes à vides, Do-Sol-Ré-La. Cette sonorité de quintes traverse toute la pièce et fait résonner l'alto et le violoncelle comme s'ils formaient à eux deux un seul instrument.

Se retrouvent également dans la pièce d'autres détails plus imagés. Citons les pizzicato évoquant la neige qui tombe ou la sonorité « blanche » du Soffio solo rappelant la pureté de la neige.

 

Gaëlle Hyernaux, Polaroïds d’après Saisons

Gaëlle HyernauxUn des aspects les plus marquants, à mon sens, des Saisons de François Jacqmin est le rapport à la temporalité: en une myriade d’instantanés, d’impressions, de sensations souvent infimes, d’événements minuscules, une temporalité granulaire se met en place. Comme les innombrables grains de poussière en lévitation dans l’air, notre imaginaire, nos sens sont mis en éveil par la danse particulière d’une image, d’un mot, mais aussi par celle, complexe, qui se noue entre les différents éléments; puis l’on se rend compte que c’est l’air qui danse, lui, l’invisible…Puis le mouvement nous ramène au particulier, et la ronde continue, sans fin. Ce déploiement exige un temps large, et le sujet est ici structurellement parfait.

Dans mon approche, j’ai tenté d’appréhender l’infime, l’instant, parfois juste un mot ou une image en un Polaroïd aux couleurs parfois saturées, parfois lavées. Les voici épinglés, avec volontairement du vide à parcourir entre eux; qui sait, sans doute l’album un jour s’élargira-t-il, réduisant l’espace à parcourir de l’un à l’autre?

 

 


 

À propos de François Jacqmin, lire :

La poésie des Liégeois François Jacqmin et Jacques Izoard rééditée

et aussi

François Jacqmin, un livre et trois expositions à Liège (2013)

François Jacqmin (2012)

Des poètes dans la Cité : Square François Jacqmin (2010)

Relire François Jacqmin dans la revue «Textyles» (2009)

 

 

 




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