Alain Dantinne, Propos éphémères

DantinneEst-ce une usurpation poétique que de ranger ce recueil d’aphorismes sous cette catégorie littéraire ? Alain Dantinne lui-même se le demande, définissant par la négative son art qui rend hommage «sans le vouloir à quelques bons zigs», tantôt belges (Scutenaire, Nougé, Michaux, Chavée, Mariën, Stas), tantôt non (Duchamp, Jarry, Cioran). À le lire, ces Propos éphémères ne relèvent en effet ni de la poésie «roucoulante et naïve», ni de la poésie «moderne», ni, bien sûr, de la poésie «néo-classique», «pseudo-révolutionnaire» ou même «post-moderne». Alors quoi ? Ces «dévots fragments» sont autant de «fruits de la paresse de l’auteur», affirme l’intéressé qui aime les pas de côté, comme le confirme ses précédente et inclassables ouvrages, Hygiène de l’intestin, Journal d’un incapable et Petit catéchisme à l’usage des désenchantés.

Dantinne enfonce d’ailleurs le clou lors qu’il met en garde : «Méfiez-vous des poètes : le plus souvent, ils n’arrivent même pas au bout de la ligne.» Il se plaît à jouer sur le double sens des mots – «Pensez-vous qu’une guerre puisse être civile ?» «Je lui fais une proposition… Oui mais sans verbe.» –, sur la phonétique – «Chassez le naturel, il revient au bistrot», «Tout ce qui brille n’est pas Dior» – ou sur la langue elle-même – «Il se sent sûr : il censure». Certaines de ces «pensées» sont «commentées» par des dessins de Daniel Casanave (ou est-ce l’inverse ?). «Apollinaire avait une faim de Lou», peut-on par exemple lire sous un croquis du poète avalant un corps féminin.

Et si ces jeux d’esprit aidaient à mieux réfléchir ? Car, comme Alain Dantinne l‘écrit lui-même: «L’aphorisme est un petit caillou dans la chaussure de la pensée.» (Arch’Libris Éditions)

Voir aussi : Alain Dantinne 

 

Sorties de presse des ULgistes - automne 2015
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