Le Blues aujourd'hui

Les satellites, R&B, Rock, Rap

Bil HaleyC’est le guitariste Brownie McGhee qui l’a chanté : « Le jazz et le blues ont eu un enfant que l’on appela Rock and roll ». Ce n’est pas faux, il oubliait seulement que leur premier enfant fut le R&B avec des musiciens comme Louis Jordan, Wynonie Harris, Eddie Vinson,  Bull Moose Jackson, Doc Pomus, Grant Jones et consorts.C’était un style fascinant qui rassemblait aussi la majorité des blues-shouters cités plus haut.

Blues et R&B joignirent ensuite leur forces pour enfanter le Rock sous toutes ses formes, du rock and roll de Bill Haley et Elvis Presley  jusqu’au hard rock de Jimmy Page, Robert Plant et leurs émules.

Quant au Rap qui, en argot noir US, signifie  « bavarder sur un fond rythmique » et qui fait partie du mouvement Hip Hop, on pourrait simplifier en disant que c’est une forme contemporaine des Talking Blues qui, sans avoir constitué un style largement pratiqué, ont existé dès les débuts du blues. Pour en savoir plus sur le R&B, le Rock et le Rap, on renverra le lecteur aux ouvrages spécialisés.

 

The blues will never die

D’une part, les blues étaient le reflet des conditions de vie des créateurs, les Noirs américains, et de leur bagage : l’esclavage, puis la ségrégation raciale, économique et sociale ainsi que  les injustices dont ils furent victimes de tout temps : pas d’accès normal aux logements décents ni à l’éducation ni aux soins de santé ou à une nourriture de qualité, ni au travail (Last to be hired, first to be fired). La vitalité du blues était hélas liée à ces conditions de vie, à la misère mais aussi à son côté « produit de consommation », évoluant sans cesse : on changeait plus souvent d’emballage (blues classique, rural, urbain, acoustique, électrique) que de structure (canevas appel-réponse, polyrythmie, schéma AAB en 12 mesures…) et de contenus (thèmes du blues).

Depuis les mouvements pour les droits civiques des années ’60, beaucoup d’améliorations ont été apportées à cette situation, heureusement !  On ne peut que s’en réjouir mais on peut aussi dire que les conditions d’émergence du Blues en tant que style musical ne sont plus réunies comme avant. D’où son déclin. Il n’y a plus de création dans le Blues d’aujourd’hui, le vaste répertoire de milliers de thèmes et de mélodies est recyclé et reproduit avec des innovations purement technique, faussement originales.

chicago blues festival 2015

Cette perte d’originalité et de nouveauté est donc patente et interpellante . Pourtant, l’optimisme reste de mise. Il n’est pas question de se lamenter, les slogans «The blues will never die»  et  «The blues is allright» sont toujours d’actualité, non seulement au regard du nombre incroyable de solistes et de groupes qui sont sur le marché, comme on l’a vu ci-dessus, mais en outre, l’arbre cache la forêt : dans tous les ghettos noirs urbains (Chicago, Detroit, Memphis, New Orleans, Atlanta, Oakland…) et dans les zones rurales pauvres du Sud (Mississippi, Arkansas, Alabama, Caroline du Nord et du Sud,  Géorgie, Floride, Texas…) beaucoup de musiciens africains-américains perpétuent les traditions du blues (et du Black Gospel) car chez eux les conditions d’émergence du blues sont toujours récurrentes (maladies, pauvreté voire misère et ségrégation raciale latente) mais ils fonctionnent en underground, en toute discrétion, car ils sont complètement ignorés par les compagnies de disques et par les medias en général. Les plus chanceux et les plus prospères s’autoproduisent et vendent leurs CD ou cassettes audio tirées à peu d’exemplaires en concert et dans quelques festivals régionaux. 

On peut toujours espérer que cette situation s’améliore mais, c’est certain, le blues ne sera plus jamais comme avant mais il ne mourra jamais…. 

 

Robert Sacré
Août 2015

 


 

1 À propos d'Elmore D, voir notamment Elmore D, l'intégrale cazi complète en cinq CD et aussi Elmore D, de la dialectologie au blues d’aujourd’hui

 

Blues / Zydeco
Alan Lomax, The Land where the Blues began, Pantheon Books New York, 1993 .
Gerard Herzhaft, Le Blues, Que Sais-je ?, Presses universitaires de France, no.1956
Paul Oliver, The story of the blues– The Making of a Black Music, Pimlico, 1997
Robert Springer, Fonctions sociales du Blues, éd. Paranthèses, 1999
Rollin' and Tumblin' - The Postwar Blues Guitarists, ed. Jas Obrecht , Miller Freeman Books, 2000
The Voice of the Blues – Classic Interviews from Living Blues Magazine, ed. Jim O’Neal & Amy Van Singel, Routledge, 2002
William Ferris, Give my poor heart ease - Voices of the Mississippi Blues, The University of North Carolina Press, Chapel Hill ; 2009 (avec CD et DVD)
Robert Sacré, Musiques cajun créole et zydeco, Que Sais-je, Presses Univers. de France, n o3010, 1995
Michael Tisserand, The Kingdom of Zydeco, Arcade Publishing, New York 1998
 
R & B, Rock, Rap

Christophe Pirenne, Une histoire musicale du Rock, Fayard 2011
Francis Hofstein, Le rhythm and blues, Puf-Que Sais-je ? N°2619, Paris, 1991. 
Florent Mazzoleni, Les racines du rock, Paris, Hors collection, 2008
Nick Tosches, Héros oubliés du rock'n'roll, 2000
Georges Lapassade et Philippe Rousselot, Le rap ou la fureur de dire, Paris, Loris Talmont, 1990
Frank W. Hoffmann Richard Carlin, Albin J. Zak, Rhythm and Blues,  Rap, and Hip-hop

 

 

>> Les racines africaines
>> La musique dans l'Amérique coloniale et dans l'Amérique indépendante
>> Les musiques religieuses noires, de 1835 à nos jours
>> Le Blues : Le Blues avant 1945 --  Le Blues moderne d'après 1945 -- Le Blues aujourd'hui
>> Le Jazz : Les origines -- Les cinq âges du Jazz
 
 

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