Lectures 2015 - Focus : Polars, thrillers et romans noirs

 Les 70 ans de la Série Noire

CheyneyCheyney2Chase«Que le lecteur non prévenu se méfie : les volumes de la "Série noire" ne peuvent pas sans danger être mis entre toutes les mains. L'amateur d'énigmes à la Sherlock Holmes n'y trouvera pas souvent son compte. L'optimiste systématique non plus. L'immoralité admise en général dans ce genre d'ouvrages uniquement pour servir de repoussoir à la moralité conventionnelle, y est chez elle tout autant que les beaux sentiments, voire de l'amoralité tout court. L'esprit en est rarement conformiste. On y voit des policiers plus corrompus que les malfaiteurs qu'ils poursuivent. Le détective sympathique ne résout pas toujours le mystère. Parfois il n'y a pas de mystère. Et quelquefois même, pas de détective du tout. Mais alors ?... Alors il reste de l'action, de l'angoisse, de la violence - sous toutes ses formes et particulièrement les plus honnies - du tabassage et du massacre. Comme dans les bons films, les états d'âmes se traduisent par des gestes, et les lecteurs friands de littérature introspective devront se livrer à la gymnastique inverse. Il y a aussi de l'amour - préférablement bestial - de la passion désordonnée, de la haine sans merci. Bref, notre but est fort simple : vous empêcher de dormir.»

McCoyChandlerCainC’est par ces mots qu’en 1948, Marcel Duhamel, traducteur notamment de Steinbeck et d’Hemingway, présente la Série Noire qu’il a lancée trois ans plus tôt chez Gallimard avec deux polars de Peter Cheyney, La Môme vert-de-grThompsonis (Poison Ivy)  et Cet homme est dangereux. Des ouvrages au format de poche, couverture cartonnée noire, liseré blanc, titre et nom d’auteur en jaune. Après des débuts assez lents, seulement six parutions en trois ans – dont Pas d’orchidées pour Miss Brandish de James Hadley Chase ou Un linceul n’a pas de poche d’Horace McCoy –, la collection démarre vraiment en 1948 avec pas moins de quatorze romans signés Chandler (Adieu ma jolie, Le grand sommeil), James Cain (Dans la peau) ou, toujours, Cheney et Chase. Suivis, quelques mois plus tard, par La Clé de verre de Dashiell Hammett ou À tombeau ouvert de Paul Cain. Viendront ensuite David Goodis, Ed Mc Bain et Jim Thompson dont 1275 âmes (devenu Coup de torchon au cinéma) est le numéro 1000.

Simonin leBretonCes auteurs anglo-saxons ont été rejoints dès le début des années 1950 par les Français Terry Stewart (pseudo de Serge Arcouët, La Soupe à la grimace), mais surtout par John Amila (pseudo de Jean Meckert, Y’a pas d’bon Dieu!), Albert Simonin (Touchez pas au grisbi!, écrit en argot, Le Cave se rebiffe) et Auguste le Breton (Du rififi chez les hommes, Razzia sur la chnouf). Et c’est dans la Série Noire qu’à l’aube des années 1970, éclate ce qu’on appGoinesellera le néo-polar français porté par des auteurs comme Jean-Patrick Manchette, Pierre Siniac ou ADG. Une certaine idée de ce genre romanesque d’où naitra une nouvelle génération d’auteurs tels Hervé Prudhon, Didier Daeninckx, Frédéric Fajardie, Thierry Jonquet, Jean-Bernard Pouy ou Marc Villard.

Après Raymond Soulat, qui assure la direction de la collection à la mort de son fondateur, en 1977, c’est un «polardeux», Patrick Raynal, qui en prend les rênes en 1991. L’auteur d’Arrêtez le carrelage ouvre la collection au monde entier, révélant des auteurs albanais, scandinaves, mexicains, allemands ou italiens. Avant de passer la main à Aurélien Masson au milieu des années 2000. Une date importante dans l’histoire de ce fleuron de Gallimard puisque les livres abandonnent le format poche numéroté (avec Le dernier coup de Kenyatta de Donald Goines, n°2743) pour un grand format désormais sans numéro.

 

 

 

Page : 1 2 3 4 5 6 7 next